Retour sur l’excellence de la formation made in Stade Rennais F.C., de Sylvain Wiltord à Ousmane Dembélé, en passant par Yoann Gourcuff.
Lors de sa victoire pour l'honneur en décembre 2019 face à la Lazio (2-0), en Ligue Europa, le Stade Rennais F.C. avait débuté avec six joueurs formés au club (Boey, Nyamsi, Gnagnon, Da Cunha, Léa Siliki, Gboho), sans compter l’inévitable Eduardo Camavinga entré pour le dernier quart d’heure. Tout un symbole pour ce club historiquement performant dans la formation de talents. Autre symbole, c’est Gerzino Nyamsi (22 ans à l'époque) qui a hérité du brassard, son coach Julien Stéphan souhaitait « un capitaine qui soit le capitaine des jeunes, formé au centre (…) Je l’ai choisi pour lui montrer à quel point on croit en lui, en ses qualités, en son potentiel, pour le responsabiliser encore davantage ». Une parfaite illustration de la mentalité rennaise.
Mais les exemples de formations réussies sont légions du côté du Stade Rennais qui fête cette année ses 120 ans. Et ce en partie grâce à la continuité illustrée par la carrière au club de Patrick Rampillon, principalement directeur du centre de formation de 1987 à 2018 ! « Quand j'ai pris la direction du centre de formation, le recrutement était déjà effectué en priorité ici. La Bretagne constitue une véritable terre de foot. Notre philosophie reste la même. C’est un travail sur le long terme », confiait Patrick Rampillon en février 1997.
« En arrivant, j’ai vite senti qu’il y avait un truc à faire à la formation. Le club comme la mairie avaient envie de construire un centre de formation » développait-il dans So Foot. « J’ai pu séduire à partir du moment où on a eu des réussites ». Et de rappeler qu’une des premières a été Jocelyn Angloma en 1985, au début de l’aventure. Après la Bretagne, l’ancien international a atteint le niveau international et évolué au PSG et à l’OM.
Six fois le Top centre de formation !
Nommé donc six fois meilleure pouponnière de France, le Stade Rennais F.C. a aussi glané deux Gambardella sous sa direction (2003 et 2008). La génération 2008 avait couronné les M’Vila, Brahimi, Pajot et D.Le Tallec sous les ordres du Breton Laurent Huard, quand cinq ans auparavant le Mayennais Landry Chauvin avait conduit les Rennais au sacre avec Yoann Gourcuff, Jimmy Briand, Grégory Bourillon ou encore Arnold Mvuemba. Le club décroche aussi les titres 2004 et 2007 de champion de France des réserves et celui de champion de France U17 en 2002. Les étrangers Stéphane Mbia, Moussa Sow et Yacine Brahimi font aussi partie des jeunes formés par l’illustre formateur. L’une des forces du centre du SRFC est le recrutement de ses jeunes. « C’est la base, ça représente 70% de notre succès », avouait Rampillon en 2007. On dispose donc d’une base de données très importante sur les joueurs que l’on surveille ». Pour conforter cette position, depuis 2015 et la création de l'Académie Rouge et Noir sous Landry Chauvin, le club a ajouté une corde à son arc en mettant en place un nouveau système de détection régionale.
Mais déjà en 2010, la présence dans la liste des Bleus de quatre joueurs formés au club (Gourcuff, M’Vila, Reveillère, Briand) a des allures de consécration pour la politique menée par le SRFC. Et Yoann Gourcuff en est alors le plus bel étendard, bien que parti depuis 2006. Avant de porter Bordeaux au titre de champion de France (2009), le meneur de jeu y a tout de même évolué cinq ans, dont deux ans à la formation. Arrivé à 15 ans au SRFC dans les bagages de son père Christian, nommé à la tête de l’équipe première, avec déjà une belle réputation (« c’était le meilleur jeune de sa génération de la Ligue de Bretagne », selon Rampillon), Yoann Gourcuff ne tarde pas à taper dans l’œil de Patrick Rampillon. « À 15-16 ans, on ne voulait pas dire que c’était le futur Zidane. On nous aurait pris pour des fous. Yoann a toujours pué le foot dans son expression avec le ballon et dans son intelligence », se remémorait l’ancien dirigeant pour Le Figaro en 2008. Lui qui avait déjà confié tout le bien qu’il pense de Gourcuff lors de la saison de sa révélation (2005/06) : « On voit tout de suite qu'il s'agit d'un footballeur haut de gamme, car il a tout pour lui : sens du jeu collectif inné, fluidité gestuelle, aisance, intelligence. Il est doté d'un talent créatif hors norme. Il fait certainement partie de ces joueurs capables d'aller très haut, comme d'autres qui sont passés par ici avant lui, tels Wiltord, Dabo ou Silvestre.»
Yoann gourcuff, l'évidence
Malgré le départ de son père du club quelques mois plus tard, il a décidé de rester au club avant de rapporter la Coupe Gambardella 30 ans après la précédente, en marquant sur coup franc en finale, puis remporte l’Euro U19. « C'est ce qu'il avait de mieux à faire, admet son père. A Rennes, il bénéficie d'un bon cadre pour continuer à franchir les étapes. » Lancé par Laszlo Bölöni à 17 ans, Gourcuff les franchit avec fulgurances. « Ça se voyait tout de suite que c’était un joueur hors norme », confiait Cédric Barbosa, le joueur qu’il avait remplacé pour sa 1ère apparition dans le championnat de France (février 2004), à Planète Lyon. Quand Olivier Sorlin, un autre coéquipier, confiait : « ce qu’il faisait à l’entraînement montrait déjà une technique largement au-dessus de la moyenne. Il a fallu le calmer pour qu’il arrête les roulettes ! Les plus âgés commençaient à s’agacer. » (Les Inrocks, 2010).
Face à tant d’évidence, il devient la révélation de Ligue 1 lors de la saison 2005/06, à l’issue de laquelle il rejoint l’AC Milan, pour « encore progresser » et ne pas endosser le statut de leader à 20 ans, selon un ancien formateur fédéral de Ploufragan, où le milieu y côtoie Romain Danzé et Sylvain Marveaux, également passés par la Piverdière. « Des garçons comme ça, on n’a pas besoin de les former, on ne fait que les accompagner. Yoann, c’est un joueur parfait à coacher : un élément de talent qui te fait gagner et met son talent au service du collectif », résumait à son sujet Landry Chauvin, un de ses formateurs et prédécesseur d'Eric Assadourian, nouveau directeur de l'Académie Rouge et Noir.
Autre pur produit maison, le Paimpolais Etienne Didot a récemment reconnu dans L’Equipe que Yoann Gourcuff est le plus fort joueur avec lequel il a joué dans sa carrière : « J’ai joué avec lui au début de sa carrière (2003-06), il avait à peine dix-huit ans. Il était exceptionnel. Il avait des qualités hors du commun : il était très costaud, très technique. C’était du très lourd. Ça se sentait qu’il était d’un niveau largement supérieur aux autres ».
Parmi la longue liste de pépites façonnées à la Piverdière, l’un des plus talentueux et qui a été le plus haut est Sylvain Wiltord. Pour le vainqueur de l’Euro 2000 avec les Bleus, le passage de sa banlieue (Neuilly-sur-Marne) à Rennes a été rude. Car le club demande à le tester et donc de quitter son club de Joinville en région parisienne et ses potes pour la rigueur d’un club pro, en 1991. Et il faut croire que le mélange a bien pris. Signé aspirant le soir de son essai, Wiltord se discipline, évolue sous les ordres de Patrick Rampillon en réserve et passe pro en 1993 après avoir été lancé par Didier Notheaux, pour s’étoffer avec comme entraîneur Michel Le Milinaire. Ce dernier lui permet de développer son jeu offensif en ajoutant à ses qualités naturelles de dribbleurs un sens aiguisé de la remise. « Il a su me faire confiance, malgré mon manque d'expérience. Il a su également ne pas me brûler les ailes en ne me faisant disputer parfois que des bouts de matches, alors que je méritais d'être titulaire. Ses conseils ont toujours été d'une grande efficacité. », reconnaissait Wiltord en début d’année 1997. A son contact, le jeune « parisien » prend alors goût pour la « campagne », comme il aimait appeler Rennes.
Artisan de la remontée du club en Ligue 1 (1994), il devient le buteur n°1 du club deux saisons plus tard (21 ans), aux côtés du capitaine Jocelyn Gourvennec, récupéré par Rampillon et alors jeune bachelier qui venait faire ses études à Rennes. Le meneur de jeu est un autre talent révélé au club, après une formation chez les Merlus. Gourvennec a surtout été témoin de la progression du club entre son départ en 1995 et son retour, cinq ans après. « J’ai bien vu que ce n’était plus le club que j’avais connu. Pendant mon absence, le club avait passé un palier. Désormais, il y a un super centre d’entraînement, un engouement populaire incomparable », observait-il dans France Football en septembre 2000.
Le joyau Ousmane Dembélé
Enfin, la dernière pépite à avoir explosé au plus haut niveau venant du SRFC est Ousmane Dembélé, détecté en dehors de la région, à Evreux, pour rejoindre les Rouge et Noir à l’âge de 13 ans après avoir passé des tests avec succès. Un parcours à la Wiltord plus vingt ans avant lui. « « Tout s’est bien passé, je me suis bien intégré, tout se passe vraiment bien. », commentait l’actuel joueur du Barça pour Footmercato en 2013. Boosté par l’exemple des jeunes du club qui intègrent l’équipe pro, Dembélé est surclassé en U19, comme Yoann Gourcuff en 2003, tout en évoluant en Equipe de France U17, puis gravit ensuite rapidement tous les échelons pour être convié avec le groupe pro par Philippe Montanier à la reprise de la saison 2015/16.
Celui qui fait partie de la génération « Stéphan » avec Gnagnon, Léa-Siliki et Gélin débute en Ligue 1 quatre mois plus tard à 18 ans et 5 mois, le 6 novembre 2015 (5 minutes de jeu à Angers), avant de marquer quinze jours après dès sa première titularisation au Roazhon Park face à Bordeaux (2-2). Un phénomène qui a ébloui l’Ille-et-Vilaine pendant toute la saison 2015/2016 (12 buts et 5 passes décisives en 26 journées). Son triplé réussi dans le derby face à Nantes en mars aura fini de convaincre ses paires de le récompenser du trophée UNFP de meilleur espoir de la saison en Ligue 1, une première distinction pour le Stade Rennais F.C. dans cette catégorie. Et après le dernier phénomène Eduardo Camavinga, 3e international français le plus jeune de l'histoire, le SRFC continue d'exposer ses talents avec le joueur de couloir gauche, Adrien Truffert (19 ans), déjà propulsé chez les Espoirs dès sa 1ère saison de Ligue 1 Uber Eats.