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Camavinga-Gboho : la tradition rennaise

Camavinga-Gboho : la tradition rennaise

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Publié le 30/04 à 09:09 - LFP

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Au Stade Rennais F.C., la formation est une spécialité, dont Eduardo Camavinga, qui a fêté sa 1ère titularisation en LIgue 1 Conforama il y a tout juste un an, et Yann Gboho en sont les dernières révélations.

« Les jeunes sont les garants d'un avenir souriant pour Rennes. », confiait déjà l’emblématique coach Michel Le Milinaire en 1996. Une maxime à laquelle se tient encore aujourd’hui le Stade Rennais F.C. en s’appuyant largement sur ses pépites. Comme le prouve la première partie de saison signée par le club breton, toujours soucieux de préparer l'avenir tout en restant performant.

« La formation est un secteur important du club, abondait le coach Julien Stéphan plus de 20 ans après Le Milinaire. J’ai toujours dit qu’une de mes priorités était de développer un certain nombre de jeunes joueurs. On le fait avec Eduardo Camavinga, il y a Yann Gboho qui pointe le bout de son nez, Sacha Boey a fait son premier match européen, le petit Lucas Da Cunha est aussi rentré, Pépé Bonnet a fait un match de Coupe d’Europe contre Cluj. Tout ça, ce sont des joueurs issus de l’académie, que l’on souhaite développer. »

La formation comme une seconde nature

En avril dernier, alors que le Stade Rennais F.C. n’avait pas encore signé l’exploit en finale de Coupe de France contre le Paris SG, Patrick Rampillon (ancien directeur du centre de formation) se remémorait la période 2006-2011 où le club alignait de nombreux joueurs formés au club et trônait au sommet du classement des meilleurs centres de formation. « Nos jeunes composaient l’équipe première à 50% et l’équipe jouait régulièrement l’Europe. C’était le bonheur. » Une époque qui apparaît de plus en plus comme d'actualité en Ille-et-Vilaine.

Mais avant de pouvoir en arriver là, il avait fallu du temps et faire des choix forts. Si elle y était déjà implantée, le SRFC décide de mettre davantage l’accent sur la formation au début des années 2000. « A terme, les bases de l’équipe reposeront sur notre centre de formation. Il est primordial que l’on donne les moyens à nos jeunes de jouer afin qu’ils exposent leur valeur », indiquait en 2002 Pierre Dréossi, manager général du club de l’époque. Les années suivantes ont en effet été les plus glorieuses avec deux Gambardella (2003 et 2008) et une succession de jeunes talents. Mais comme le rappelait Rampillon, « On fait confiance à cette politique, mais après il faut que les jeunes soient bons. Car le but, c’est de gagner des matchs et pas seulement de faire la promotion du centre ». C’est justement ce que le SRFC a fait l’an passé, avec la Coupe de France et chez les jeunes avec un titre national chez les U19.

Meilleur centre de formation de France pendant cinq années consécutives et qui depuis a encore collectionné les deuxièmes places comme lors du dernier classement publié en juin 2019, le Stade Rennais F.C. est donc de nouveau en pleine lumière grâce à ses jeunes éléments. Cette saison, alors que Julien Stéphan a rapatrié pendant l’été deux anciens de la maison - Romain Salin, vainqueur de la Gambardella en 2003, puis Joris Gnagnon - Eduardo Camavinga et Yann Gboho font partie des révélations de la Ligue 1 Conforama. Talent précoce, le premier a été le plus jeune joueur à évoluer cette saison à 16 ans et 9 mois, avant que Rayan Cherki (OL, 16 ans et 2 mois) ne fasse mieux quelques semaines plus tard. Le milieu à la maturité impressionnante n'a guère patienté davantage pour inscrire son tout premier but dans le championnat. En offrant une victoire de prestige au Groupama Stadium face à l'OL en J18 (0-1), Camavinga est devenu le plus jeune buteur rennais et le 9e plus jeune de l'histoire de la Ligue 1 Conforama. Outre son but sur son unique tentative, Camavinga a posé son empreinte sur la partie avec 92% de passes réussies, 13 ballons gagnés, 3 fautes subies tout en étant le Rennais ayant touché le plus de ballons.

S’il était déjà apparu à sept reprises l’an passé, c’est bien depuis le mois d’août que Camavinga s’est révélé aux yeux de tous. Et notamment lors de la victoire acquise face au Paris SG (2-1, J2), match au cours duquel il a délivré sa première passe décisive.

Camavinga, le meilleur face au PSG et l'OM

Installé comme titulaire, le néo-Français a connu un bel été. Peu après sa prestation XXL face au PSG, il se voyait remettre un deuxième trophée honorifique de meilleur joueur du match du dimanche soir sur Canal+, à l’Orange Vélodrome face à l’OM. Une rencontre marquée par quelques dribbles déroutants et des passes bien ciselées, sa marque de fabrique. Face à Reims, début octobre, il était proche d’inscrire avec culot un but somptueux au terme d’une percée d’une cinquantaine de mètres sauvée sur sa ligne par un Rémois… A son âge, tout devient presque historique. Le plus jeune joueur de l'histoire à avoir porté le maillot rennais devient aussi le plus jeune expulsé en Ligue Europa...Au-delà de cela, Camavinga impressionne par la vitesse de son ascension.

 

 

« Il a toujours su s’adapter et franchi les étapes de manière incroyable. A 15 ans et demi, il jouait avec la réserve. Lorsqu’on l’a mis cinq matchs de suite la saison dernière, il a réussi à performer immédiatement. Il a tout pour lui : il a des qualités humaines exceptionnelles, il est athlétique et il a une bonne technique. C’est un gros travailleur avec de l’humilité. Il est devenu un joueur majeur de notre effectif. » a affirmé son coach sur RMC mi-novembre. Installé dans le onze, ses performances vont même jusqu'à conduire Didier Deschamps, le sélectionneur des Champions du Monde, à s'exprimer sur le phénomène à l'annonce de sa dernière liste : « Camavinga est une très bonne chose pour le football français ».

Et s’il n’avait pas été convoqué dans un premier temps par les Espoirs, il a finalement été convié par Sylvain Ripoll le 11 novembre dernier, profitant du jeu des chaises musicales après le forfait de Blaise Matuidi, remplacé par Matteo Guendouzi. « On va récupérer un joueur au talent indéniable », confiait le sélectionneur des Bleuets d’un joueur qui compte à ce moment 23 matchs en pro.

Alors que le congolais Pepe Bonet, encore plus jeune que lui (16 ans), était lancé en Ligue Europa, un autre jeune formé au club ne tardait pas à se mettre en évidence. A 18 ans et 9 mois, Yann Gboho s’est montré décisif lors de sa 2e apparition en Ligue 1 Conforama et 12 minutes de jeu, en marquant le but du 3-2 contre le TFC (J11), sur son premier ballon. Celui qui avait fait ses débuts en pro à Shenzhen lors du dernier Trophée des Champions perdu contre le Paris SG a signé sa 1ère apparition au Roazhon Park. « Je lui ai dit de jouer sur le côté gauche à la place de Romain Del Castillo, d’aller dans la surface de réparation, qu’il aurait peut-être un ballon qui tomberait », avait confié Julien Stéphan après la rencontre. « Je le connais bien pour l’avoir eu à la formation, je sais qu’il a cette faculté à rentrer très vite dans les matchs. Il est très dynamique, très explosif. Je lui avais dit cette semaine qu’il avait franchi un cap. C’est son premier tir en Ligue 1 Conforama, son premier but. » Si le coach rennais semble avoir tout deviné avant tout le monde sur le coup, les stats offensives du jeune breton (5 buts en 2018/19) ne permettaient pas d’imaginer une telle issue. Le signe que d’être de la maison est un atout précieux pour Julien Stéphan, présent au club depuis 2012 et en charge successivement des U19, de la réserve et donc de l’équipe première depuis décembre 2018.

Un vécu qui lui a aussi sans doute permis de glisser, « j’ai gentiment chambré Eduardo Camavinga en lui disant que son copain n’avait eu besoin que de cinq minutes pour marquer son premier but ». Pour Gboho, la première rencontre de Ligue 1 Conforama était intervenue une semaine auparavant en Principauté. Lui qui depuis le retour de Chine évoluait en réserve ou en U19.  

« Pas de championnite » chez les Rennais

 

 

Deux émergences réussies qui donnent envie de s’attarder sur la méthode des Rouge et Noir. Une chose qu’a fait Olivier Létang (président du SRFC) dans les colonnes de Libération début novembre : « Dans les équipes de jeunes du Stade Rennais, il n’y a pas de «championnite» (c’est-à-dire d’obsession de la victoire immédiate et du classement en fin de saison). Le but est de faire progresser et de préparer les joueurs de notre académie pour qu’ils soient prêts à évoluer dans notre équipe professionnelle. Et qu’ils y soient performants : l’objectif est d’arriver à 7 joueurs issus de la formation dans le groupe pro. Il faut du temps. » Le président rennais allant jusqu’à confier l’avantage de la nationalité congolo-angolaise d’Eduardo Camavinga, depuis également Français : « comme il n’avait pas la nationalité française, il n’a pas été appelé dans les équipes de France de jeunes. Il est donc passé sous les radars, ce qui nous a permis de suivre un vrai plan d’action. »

Ce qui n’avait par exemple pas été le cas pour le duo Dabo-Silvestre en 1998, parti à l’Inter avant même d’avoir signé pro au SRFC. Les jeunes rennais ont ainsi toujours suscité les convoitises, parfois même étrangères. « Si je faisais l’inventaire de tous les jeunes qui sont partis, évidemment qu’on aurait une très belle équipe. », évoquait dernièrement Rampillon. Nul doute que ce nouveau duo d’étonnant ne tardera pas à attirer certaines convoitises. D’ici là, c’est bien le Stade Rennais F.C. qui profite à plein de ces pépites « made in Académie Rouge et Noir ».

Dans cette période de réussite pour ses jeunes éléments, Julien Stéphan n'en demeure pas moins mésuré. Notamment au sujet de Camavinga : « S’il continue comme ça, il est certain qu’il a un avenir radieux devant lui », assure le coach rattrapé toutefois par une certaine prudence ou plutôt par l’expérience d’un club expert en matière de pépites : « C’est un joueur qui vient tout juste d’avoir 17 ans, qui vit sa première année en Ligue 1 Conforama. Il présente un potentiel extraordinaire, mais il a encore des étapes à franchir. Il ne faut pas aller trop vite en besogne avec des joueurs aussi jeunes. Il ne faut pas tout lui demander tout de suite. Il faudra qu’il puisse confirmer, ne pas s’étonner si peut-être il y a un creux de sa part ». Dernièrement, après son 1er but en Ligue 1 Conforama, Julien Stéphan remettait une couche de prudence au sujet de son diamant : « On pourra peut-être en faire un symbole dans quelques années quand il aura confirmé. Là, il a six mois en Ligue 1 Conforama. Laissez-le se contrsuire comme un ado qui n'a pas 18 ans. »

Mais à l'image de sa première avec les Espoirs, forcément victorieuse (3-2 contre la Géorgie), Eduardo Camavinga ne masque pas son émotion tout en conservant son détachement habituel : « C’était beaucoup d’émotions. J’ai regardé mes parents dans la tribune. C’est aussi beaucoup de fierté de jouer pour ce maillot. Que ce soit avec Rennes ou en sélection, je joue comme d’habitude, comme je sais le faire. Sans pression ».

C'est aussi sans pression que six pépites du centre ont débuté ensemble face à la Lazio en Ligue Europa (2-0). « Le coach nous avait dit que l’on avait une carte à jouer. C’est à nous de lui montrer, à chaque séance, que l’on mérite de jouer. Il nous donne cette chance petit à petit. Ça a commencé avec Éduardo (Camavinga), nous avons aussi un peu de temps de jeu et on a su bien jouer. Montrer que, nous aussi, nous avions quelque chose dans les pieds et dans les jambes. », a raconté Gboho, l'un des plus expérimentés de la bande, dans Ouest France. Avec à la clé une victoire, rappelant qu'à Rennes l'intégration des jeunes se fait dans un but de performance.