Fédérateur et humain, Christophe Galtier est aujourd’hui un modèle de réussite en Ligue 1 Uber Eats. Intéressons-nous à une de ses facettes : celle de son apport à ses attaquants.
Avec ses deux buts inscrits en moyenne, l’OGC Nice 2021/2022 est l’équipe la plus prolifique de Christophe Galtier en carrière en Ligue 1 Uber Eats, devant le LOSC et son « BIP-BIP » de 2018/2019 (1,79) et celui champion de France la saison dernière (1,68). Ce qui tendrait à montrer que l’entraîneur français aux plus de 400 matchs dans le championnat est davantage porté vers l’attaque que lors de ses premières saisons. Mais cela serait réducteur et ferait oublier un peu vite le prolifique exercice 2012/13 de ses Verts (60 buts, 3e attaque de Ligue 1 Uber Eats). En réalité, Galtier a veillé dès ses débuts à « varier l’animation offensive » ou encore « trouver d’autres associations » pour ses attaquants. Déjà chez les Verts, les observateurs évoquaient une transition défense-attaque avec une grande vitesse de projection vers l’avant à la récupération. Un fil conducteur qui a aussi fait la force de son LOSC.
Mais comme l’a dit un de ses mentors Alain Perrin, « c’est un caméléon », qui s’adapte à son environnement. Comprendre : il fait selon son effectif. Ainsi, lors des neuf précédentes saisons, Christophe Galtier a classé ses attaques dans le top 5 à cinq reprises, dont trois fois sur le podium (3e en 12/13, 13/14 et 18/19).
Présent sur les bancs de Ligue 1 Uber Eats depuis 2000 comme entraîneur adjoint, puis intérimaire, avant de devenir n°1 en 2009, Christophe Galtier (55 ans) est un bel exemple de tacticien ayant progressé et exprimé ses talents dans le championnat de France. A tel point qu’aujourd’hui il « amène la culture de la gagne à l'équipe », comme l’estime Andy Delort à l’OGC Nice. Et son talent s'est notamment exprimé auprès de ses joueurs offensifs.
A 21 ans, Pierre-Emerick Aubameyang est passé d’une saison 2010/2011 en Ligue 1 Uber Eats à 4 buts à une suivante à 16 avec l'AS Saint-Etienne : sa première complète avec Christophe Galtier. Sept ans plus tard, Nicolas Pépé (23 ans) a signé 31 buts lors de la première saison et demie lilloise de l’actuel coach niçois (57 matchs) ; lui qui n’avait cumulé que 7 unités sur la même période précédente au SCO et au LOSC (50 matchs).
A l’image de ses illustres aînés révélés sous les ordres de Christophe Galtier, Amine Gouiri (OGC Nice) profite à son tour du savoir-faire de Galtier pour progresser. A 21 ans, l’ancien lyonnais sort certes d’une première saison réussie au Gym (12 buts et 6 passes décisives), mais il voit ses stats encore progresser cette saison. A son aise dans le nouveau système des Aiglons, Gouiri compte déjà 5 réalisations (malgré deux échecs sur pénaltys), soit un but toutes les 158 minutes, pour une efficacité en augmentation de 50% par rapport à ses stats sous Vieira (11 matchs) et Ursea (23 matchs). De plus, l’international Espoirs cadre davantage depuis août dernier (52%) avec une rentabilité accrue (1 but tous les 5 tirs, contre 6,8 avec Ursea et 6,5 avec Vieira). Sans doute plus qu’un simple hasard avec Christophe Galtier.
Une étiquette de « winner » récente
Pendant ses sept ans et demi à la tête de l’équipe stéphanoise, il n’a pas toujours eu l’image positive de winner de ces dernières saisons et avait rarement été rangé parmi « les meilleurs entraîneurs du monde », comme l’a fait Jorge Sampaoli (OM) cet été. Et pas davantage comme un entraîneur prônant un jeu d’attaque à outrance. Même si comme adjoint – en charge notamment de la préparation psychologique et mentale - il avait grandement contribué au triplé Coupe-Championnat-Trophée des Champions de l’OL en 2008 avec Alain Perrin, un an après un premier titre en Coupe de France avec Sochaux.
En abordant l’aspect offensif de sa tactique, il est nécessaire de tordre le cou à d’anciens préjugés qui ont très mal vieillis. « Pour l'aspect technique, certains disent que c'est ennuyeux, mais il fait avec les moyens qu'il a et il est toujours dans les cinq ou six premiers. C'est le fruit d'une énorme capacité à travailler, mais aussi à écouter », devait justifier Gérard Gili (double champion de France avec l’OM en 1989 et 1990), il y a cinq ans lorsqu’était évoqué le jeu proposé par le Saint-Etienne de Galtier.
Les paroles de celui qui l’a formé à l’OM dans les années 80, avant de l’emmener avec lui comme adjoint à Bastia en 2002, illustrent le chemin parcouru par Christophe Galtier. Car avec des moyens différents et une expérience enrichie, l’actuel coach niçois a rejoint les Herbin, Suaudeau, Roux, Deschamps et autre Blanc au palmarès des tacticiens français sacrés en Ligue 1 Uber Eats, avec le titre lillois de la saison dernière. Lui qui confiait avoir comme exemple Arsène Wenger, dont il s’est inspiré pour « fédérer autour d’un projet pendant des années » à l’ASSE.
Le dernier lauréat du trophée UNFP de meilleur entraîneur du championnat a en effet modelé sa philosophie de jeu à travers ses échanges, en y ajoutant sa touche. Il a d’ailleurs souvent confié en avoir eu avec son ami Didier Deschamps et Gérard Houllier. Et il est aussi aller en observer d’autres entraîneurs pour y picorer des idées : « j’essaye d’aller voir ce qui se passe dans d’autres clubs. Je me suis rendu à Liverpool dans le cadre de mon DEPF, et j'ai énormément échangé avec Steve Clarke, l'adjoint de Kenny Dalglish, qui était aussi celui de José Mourinho à Chelsea », avait-il expliqué dans France Football en 2012.
Il s’est aussi construit dans le sillage d’Alain Perrin, à Sochaux, Lyon mais aussi Portsmouth et Saint-Etienne : « il y a une chose que j’ai connue en Angleterre (en 2005). Là-bas, la coutume veut que l’entraîneur qui évolue à domicile accueille son homologue et son staff durant une vingtaine de minutes après le match. Ce type d’échange est instructif : à des niveaux différents, nous faisons tous le même métier, rencontrons les mêmes problèmes et il est intéressant de voir comment chacun les aborde », pouvait-on lire dans Le Figaro en 2016.
Avant d’être reconnu, l’image d’un entraîneur défensif lui a pendant un moment collé à la peau. Suffisamment pour que cela soit un sujet sur lequel ceux qui ont travaillé à ses côtés aient eu à s’exprimer.
Pour François Clerc, qui l’a côtoyé à Lyon et à Saint-Etienne, « ce n’est pas un entraîneur qui est porté par le jeu défensif, d’ailleurs, ça n’a jamais été une consigne de sa part. C’est un coach qui est très joueur, qui aime bien avoir la possession du ballon » (France Football, 2019), quand Sidney Govou, connu chez les Gones, voit la pratique « d’un football total, avec des attaquants qui défendent, mais que ça n’empêche pas de marquer. Il me disait souvent, pas de me sacrifier, mais de faire un peu plus d’efforts que les autres pour permettre un meilleur équilibre à l’équipe ». Plus de dix ans après sa période lyonnaise (07/08), Christophe Galtier ne prône pas autre chose auprès de ses attaquants à Nice. « Il nous demande de presser haut avec beaucoup d'intensité et d'agressivité », confiait il y a peu Amine Gouiri.
Alain Perrin, qui fait partie de ceux qui le connaissent le mieux, après cinq années passées à ses côtés, confirme les velléités offensives de son ancien acolyte : « Christophe est pragmatique, lorsqu’il a une équipe armée offensivement, il peut jouer l’attaque. Au début, à Saint-Etienne, il avait des garçons comme Aubameyang, donc il pouvait se permettre d’être offensif. Et quand il les a perdus, son effectif était moins performant ».
Si cette saison encore son OGC Nice dispose d’une défense de fer en ayant été la dernière parmi les cinq grands championnats à concéder un but (après 400 minutes de jeu), « Galette » n’en demeure pas moins soucieux de son animation offensive, comme il l’était à l’ASSE et au LOSC. D'ailleurs, le Gym n'avait plus été aussi prolifique depuis cinq ans sous Lucien Favre (20 buts après les 10 premiers matchs).
Doté d’une force offensive qu’il n’a pas souvent eu depuis 2009 et sa prise de fonction dans le Forez, Christophe Galtier a tout de même croisé la route de quelques talents, tels que Payet, Aubameyang, Brandao, Pépé, Burak, David et donc aujourd’hui Dolberg, Gouiri et Delort. Un trio qui contribue au meilleur pourcentage de tirs convertis en but (15%) d'une équipe dirigée par Galtier.
Galtier a révélé Payet et transformé Aubameyang
A sa prise de fonction en décembre 2009 à Saint-Etienne pour succéder à son mentor Alain Perrin – nommé du bout des lèvres par les présidents Romeyer et Caïazzo, refroidis par l’échec de Laurent Roussey deux ans plus tôt (autre ex-n°2 promu coach principal) - « Christophe est d’emblée parti sur l’idée de proposer du beau jeu offensif », a révélé Alain Blachon, son adjoint de l’époque. Preuve que ses ambitions actuelles étaient déjà présentes et que ce n’est pas nécessairement au LOSC avec la « BIP-BIP » (Bamba-Ikone-Pepe) que Galtier a découvert les joies de l’attaque et du jeu rapide.
Avant de le rééditer au LOSC en passant après Marcelo Bielsa, Galtier a confié dans ses années vertes que l’un de ses principes est de « mettre les joueurs à leur poste, en leur demandant de faire ce qu'ils savent faire ». Un principe qu’il n’a depuis pas abandonné, notamment avec les attaquants.
Son capitaine Loïc Perrin (ex-ASSE) qu’il a d’ailleurs installé avec réussite en défense centrale l’a confirmé : « Christophe a toujours eu en tête cet aspect de transition rapide chez nous. On travaillait ça avec Aubameyang ou avec Gradel. A Lille, il a d’autres moyens pour recruter, donc tu prends de meilleurs joueurs pour coller à ton projet de jeu ».
A Saint-Etienne, il a d’abord connu Dimitri Payet entre 2008 et 2011. Sous sa houlette, le Réunionnais a bouclé sa première saison à plus de dix buts : treize en 2010/11, soit le double que sur l’ensemble de ses deux saisons précédentes au club. Autant dire que le feeling est bien passé entre les deux. Basant son management sur l’humain, Galtier a tiré le maximum de son joueur : « Quand on sait le prendre, il te rend beaucoup. Il a besoin de partager, d’échanger », racontait l’entraîneur qui en 2016 était revenu sur un épisode avec Payet chez les verts. « Je me rappelle d’un match, c’était contre Sochaux. Je l’avais mis à droite. Il râlait parce qu’il aimait bien être à gauche pour être rentrant. Je lui disais, tu vas être à droite, et tu vas rentrer sur ton pied gauche, parce que personne ne va t’y attendre. Et là tu vas marquer des buts. Il avait marqué deux buts ». Si bien que Dimitri Payet estime que c’est au contact de Christophe Galtier qu’il a commencé à progresser.
Repositionner les talents offensifs est ensuite devenu une spécialité pour Galtier, puisqu’après Payet, ce fût aux tours des pépites Aubameyang, Pépé ou encore Gouiri d’en profiter.
Chez les Verts, le triple lauréat du trophée UNFP de meilleur entraîneur de la saison (2013, 2019 et 2021) a en effet eu entre les mains Pierre-Emerick Aubameyang. « Il l’a transformé ! », résumait son ex-président Bernard Caïazzo. En effet, PEA avait surtout une belle réputation avant d’arriver en prêt dans la Loire, en janvier 2011. Formé à Milanello, le Gabonais n’avait été retenu ni par Dijon, ni par Lille et ni par Monaco. Pourtant, ses six premiers mois ne sont pas fameux, mais son coach tient à le conserver, non sans relever le travail restant à accomplir. « Il est polyvalent, c’est une qualité. Mais il doit encore s’améliorer devant le but ». Impliqué dans le projet de Galtier à Saint-Etienne, PEA va apporter satisfaction, en empilant les buts lors de ses deux saisons pleines au club : 16 et 19 buts en championnat pour 41 réalisations au total (97 matchs).
En revenant sur la montée en puissance de son attaquant en 2017 (L’Equipe), Christophe Galtier affichait une autre facette de sa personnalité : l’humilité. « Après cinq premiers mois chaotiques, on ne savait pas s'il devait continuer chez nous. Mais il a montré de réelles volontés de rester, en passant, par exemple, toutes ses vacances à Saint-Étienne. J'ai suivi les conseils de mes présidents en lui redonnant sa chance. Et, à partir du premier jour où il a remis les pieds à l'entraînement, ce n'était plus le même homme. Il est devenu une machine de guerre. Donc, sa réussite ne m'appartient pas ».
PEA « heureux » avec Galtier
Car s’il est vrai que le staff stéphanois n’estimait pas avoir besoin d’Aubameyang quand il leur a été proposé en hiver 2011, le coach a évidemment joué le rôle principal dans le succès de l’Africain. Ce dernier l’a du reste confirmé. « Christophe Galtier m'a donné beaucoup de confiance quand j'étais là-bas. J’y étais vraiment heureux. C'est à ce moment que j'ai dit - D'accord, je dois maintenant m'améliorer, travailler encore plus fort que je ne le faisais auparavant - et je l'ai fait », a relaté l’actuel Gunner, à l’été 2019. Même Pierre Aubame, son père et ancien du HAC, avait relevé « la cohésion créée entre les joueurs par Christophe Galtier avec un vestiaire sain ». Le tacticien a aussi grandement contribué à bonifier les qualités naturelles de vitesse de l’ancien n°7 stéphanois : « Il manquait d’adresse. Je l’ai alors fait travailler devant le but, il était très demandeur. Son enthousiasme et son envie de progresser font qu'il en est là aujourd'hui », déclarait-il une fois PEA à Dortmund (2013-2018).
En 2012/2013, Aubameyang a formé un duo offensif performant avec Brandao, permettant à l’ASSE de remporter la Coupe de la Ligue, finir à la 5e place en championnat avec une implication sur la moitié des buts du club et d’avoir la 3e attaque la plus prolifique de l’hexagone.
Pourtant en octobre, la finition posait problème, avec deux buts inscrits en quatre matchs malgré de nombreuses occasions. « Je suis dans l’obligation de trouver d’autres options », analysait Galtier. Le match suivant, les Verts en ont planté quatre en 25 minutes face à Nancy. Comme un symbole pour celui qui a expliqué s’être appliqué à « éliminer la frustration des matchs précédents » et qui a au passage titularisé pour la première fois Brandao, auteur d’un doublé. « En sa présence, le jeu est différent. C’est un joueur déterminé, un très bon partenaire. Il apporte de la présence dans le domaine aérien et dans la surface », résumait un coach bien inspiré. Avec le Brésilien dans le onze en position de pointe, PEA est déplacé sur le côté gauche. Ce qui ne l’empêche pas d’être souvent à l’intérieur et de rester un fin buteur pour boucler la saison au 2e rang des meilleurs buteurs avec Cvitanich (Nice) derrière Ibrahimovic (PSG). Là aussi a été le talent de Christophe Galtier.
Arrivé dans le Forez en 2012 en perte de confiance, Brandao est une autre réussite du tacticien à ses premières années. Le Brésilien a tout de suite trouvé sa place (11 buts la première saison), en apportant son expérience à des joueurs de qualités, mais jeunes. Une sorte de Burak avant l’heure.
Il est l’attaquant athlétique que cherchait jusqu’ici vainement Galtier pour aller avec tous ses joueurs de couloirs (PEA, Hamouma, Gradel, Mollo). Rompu au très haut niveau à Donetsk et à l’OM, Brandao affichait surtout un caractère compatible avec son entraîneur, son premier défenseur. « Il est présent sur tous les ballons. Il faut accepter qu’il puisse rater des buts (…) On est directs dans nos échanges. Il fait la gueule quand il est remplaçant ou quand il sort. Je ne défendrais pas un joueur qui triche, qui ne respecte pas ses coéquipiers ». Lui aussi a signé sa saison la plus prolifique en France sous les ordres de Galtier (1 but toutes les 162 minutes), dont il est quasiment devenu le porte-bonheur au cours de cette saison accomplie.
Au départ de PEA (été 2013), l’ASSE l’a remplacé par Mevlut Erding (26 ans). D’emblée, le Franco-Turc se félicitait de retrouver un entraîneur dont il avait conservé de bons souvenirs à Sochaux : « Il est proche de ses joueurs et sait les motiver. J’ai besoin d'un entraîneur comme lui ». Lors de sa première saison et dans un style différent d’Aubameyang, il a terminé à son tour meilleur buteur du club (11) sans totalement parvenir à combler le vide laissé par le Gabonais. Mais le cas Erding démontre que Christophe Galtier a toujours noué des liens très proches et forts avec ses joueurs, aussi bien dans la peau du boss que de celle de l’homme de l’ombre. « Il s’intéresse à toi, ta famille, ta vie, tes séances d’entraînement, tout ! Ce qui est bien avec Christophe, c’est que tu peux aller frapper à sa porte si tu as un problème. Pour moi, c’est l’un des meilleurs coachs français, peut-être même l’un des meilleurs coachs du monde », nous expliquait la semaine passée l’homme aux 92 buts en Ligue 1 Uber Eats.
Elément important du groupe lillois entre 2019 et 2020 (14 buts en 46 matchs), encadrant les jeunes Pépé, Leão et Osimhen, l’expérimenté Loïc Rémy l’avait évoqué : « J'ai connu Christophe Galtier en tant qu'adjoint (à Lyon), il a cette faculté à rassembler. A Lille il a vraiment fait du bon boulot, dans la mesure où il a su accompagner les jeunes (...). Il sait venir parler aux joueurs ».
LOSC : du « Bip-Bip » à Burak-David
Si dans le Forez il a pu parfois manquer d’arguments offensifs, au LOSC, Christophe Galtier a pu disposer de certaines garanties. Ce qui dans le football n’est pas forcément synonyme de réussite. Mais pas avec « Galette ». « Le LOSC possède beaucoup de joueurs offensifs, il parvient à les maintenir concernés malgré des temps de jeu différents. Et ça c’est fort », a lancé à l’époque un Alain Perrin admiratif. Car dans le Nord, « il a eu de la constance dans la réussite », devant gérer les départs successifs de ses meilleurs buteurs Pépé et Osimhen, avant de recruter Burak Yilmaz pour toujours plus d’efficacité.
Entre ses années vertes et son ascension vers le titre au LOSC, Christophe Galtier a pris le temps de faire le bilan, sur lequel il était revenu en détail (So Foot) : « Après mon départ de Saint-Étienne quelques mois plus tard, j’ai revu des matchs. J’ai aussi écouté ceux qui étaient devenus mes anciens joueurs. On a pas mal échangé durant mes six mois d’inactivité, et je leur ai demandé : - Les gars, j’ai la sensation qu’on s’est un peu emmerdés, non ? - Et ils m’ont répondu : - Oui, coach, on s’est emmerdés... - Derrière, j’ai refait le plein et j’ai voulu revenir à un football plus moderne. Un football de transition, rythmé, offensif, dense, intense... ». Et avec le « Bip-Bip », Galtier en a eu les moyens.
En trois saisons et demie dans le Nord, il a réclamé sans surprise à ses attaquants de l’intensité, à la fois pour récupérer les ballons et pour se projeter vers l’avant.
Galtier met Pépé sur orbite
Avant de pouvoir élaborer son trio de feu (Bamba-Ikoné-Pépé), le tacticien français a d’abord dû sauver des Dogues sous la menace d’une relégation. Son talent a sans doute été de miser sur le jeune Lebo Mothiba dans le secteur offensif, un « jeune à l’écoute et passionné ». Toujours sensible aux bonnes volontés affichées, Galtier a grandement compté sur lui lors des quatre derniers mois de la saison : le Sud-Africain a marqué à cinq reprises, dont un doublé synonyme de victoire et de maintien face à Dijon à l’avant-dernière journée.
Lors de sa première saison complète au LOSC (18/19), Christophe Galtier a obtenu ses meilleures stats offensives avec 68 buts inscrits et un Nicolas Pépé stratosphérique à 22 unités en Ligue 1 dans un 4-2-3-1 ultra performant et une équipe redoutable sur attaque rapide. Avant de découvrir cette réussite, l’Ivoirien n’était pas encore réputé pour ses talents de finisseur. Christophe Galtier avait évoqué plus tôt dans la saison la transformation de sa révélation dans La Voix du Nord : « Ça m’a interpellé que Nicolas ne marque pas beaucoup de buts, et j’ai vu qu’il ne jouait pas à son poste. J’ai pris des renseignements du côté d’Angers sur le profil du joueur et sa personnalité. Le Nicolas Pépé que j’avais en tête côté droit avec son faux pied rentrant était très difficile à jouer. Quand je suis arrivé, j’en ai parlé avec lui. Il m’a répondu - Je n’aime pas jouer en pointe ! -. Par expérience, quand un joueur n’aime pas, il n’est pas performant. On peut l’y amener, mais il faut un contexte très favorable. »
Forcément, l’avènement de Pépé sous l’influence de Galtier ne pouvait faire que penser à celle de PEA cinq ans auparavant. « Nicolas a cette capacité à faire des différences. Sur un plan athlétique, ça va être très fort et il va devoir ajouter d'autres cordes à son arc. J'ai connu ça avec Aubameyang, qui sortait de deux très grosses saisons à Saint-Etienne alors que son parcours était un peu chaotique ».
Au LOSC, Galtier a par ailleurs retrouvé Jonathan Bamba qu’il avait lancé à 18 ans chez les Verts. Sans pour autant lui déplier le tapis rouge. Car après ses débuts, le Stéphanois n’est plus beaucoup utilisé. « Il attendait que je redouble d’efforts (…) On me reprochait de ne pas assez tirer au but », admettait Bamba, alors en prêt au Paris FC.
Deux ans et demi plus tard, l’entraîneur a pu constater les progrès réalisés par sa recrue qui a bouclé sa 1ère saison lilloise à 13 réalisations (2e meilleur total du club) : « Il n'est plus le jeune remplaçant qui rentrait pour compenser les absences. Il est en train de gravir les échelons, de gagner des galons. À Angers, sur ce que je vois, il travaille défensivement dans son couloir. Dans cette équipe, si vous ne le faites pas, vous ne jouez pas. Les attaquants doivent avoir des statistiques sur les passes décisives et les buts. Il a gagné en maturité, en constance ».
Si cela n’était pas évident sur le coup, Jonathan Bamba a finalement confié avoir été protégé par son coach à l’époque stéphanoise. Dans les périodes de disette, Christophe Galtier sait être protecteur et enrobant. Cela a été le cas pour Jonathan David, recrue phare des Lillois à l’été 2020.
Mais il sait aussi piquer au vif lorsqu’il estime que ses attaquants peuvent mieux faire. Comme s’en souvient Mevlut Erding : « Je me rappelle d’un jour à Saint-Etienne où il m’avait convoqué avec l’autre attaquant de l’équipe, Ricky van Wolfswinkel. Il nous avait passé une soufflante dans son bureau... Il nous avait dit qu’on n’était pas assez performants et ça nous a réveillé ! La semaine suivante, l’un de nous deux avait marqué. Quand ça se passait bien, il nous parlait et quand ça allait moins bien, il nous parlait aussi. »
Une méthode appréciée par ses jeunes attaquants
Car avant une année 2021 explosive, le Canadien a connu une acclimatation poussive en Ligue 1 Uber Eats. Une période dans laquelle Jonathan David a pu compter sur son entraîneur. « C'est un joueur qui a arrêté la compétition au mois de mars et qui a eu une préparation tronquée par sa situation, en attente d'un transfert. Il n'a joué aucun match amical. Il est arrivé en déficit de tout, de repère, d'intensité, de technique, de complicité avec le jeu. Il a besoin de séances et, surtout, de matchs », clamait Galtier en septembre 2020. L’œil de ce dernier ne l’a pas trompé. Constatant bien l’efficacité à l’entraînement de sa recrue arrivée de Jupiler League, Galtier a toujours cru en ses capacités.
Comment lui et son staff ont-ils fait pour redonner des couleurs à leur attaquant nord-américain ? « Le manque d'efficacité se travaille au quotidien. C'est à lui aussi peut-être de mettre en place une routine différente car quand ça ne fonctionne pas, il faut changer des choses (…). Il a fallu qu’il apprenne notre méthodologie et se muscle dans les duels », confiait le coach champion en 20/21, qui a également avoué dans L’Equipe être allé « le chercher à l’affectif, sur l’image qu’il renvoyait. Il devait assumer. J’ai rarement utilisé le levier du prix de son transfert avec un joueur. Je lui ai dit qu’il devait rendre une partie de l’investissement fait par le club. Ce qu’il a fini par admettre ». La suite a vu David prendre confiance et signer 11 buts sur la deuxième partie de saison.
Avant lui, le LOSC n’avait pas eu à patienter pour profiter pleinement des talents de buteur de la fusée Osimhen, auteur d’un doublé dès sa première apparition en Ligue 1 Uber Eats. Ce qui a pu rendre les fans et les suiveurs impatients concernant son successeur. Mais de haut de sa longue expérience, Galtier savait que la réussite express du Nigérian était quelque chose de rare. Déjà avec Pépé, « cela avait mis un peu de temps, avant de s’emballer », et même avec Aubameyang, qui « avait connu quelques mois difficiles à son arrivée ».
Jeune, comme l’étaient PEA et Pépé à leur époque, Jonathan David a forcément affiché de la reconnaissance envers le coach qui l’a aidé tout au long de la saison : « Quand ça se passait moins bien, il était toujours là pour me dire - ne t’inquiètes pas, ça va venir. - Tu ne marques pas mais tu fais des bonnes choses pour l’équipe, tu fais des bonnes choses défensivement, tu fais des courses pour libérer des espaces ».
Un coach qui met en confiance
Également transfuge de Jupiler League un an avant David, Victor Osimhen s’est lui tout de suite acclimaté. Ce qui peut s’expliquer par les méthodes de travail du club lillois, comme l’avait expliqué Galtier : « Dans la structure que nous avons, dirigée par Luis Campos, nous avons des joueurs que nous suivons depuis plusieurs années. Il nous faut anticiper les départs des uns et des autres. Nous savions qu’on n’allait pas garder à la fois Pépé et Leão. Très rapidement, Luis m’a présenté Victor à travers des analyses, des images de Charleroi, mais aussi depuis qu’il avait 17-18 ans ».
Révélé par ses 13 buts en 27 matchs dans le championnat, le Nigérian s’était montré séduit par l’approche de son nouvel entraîneur : « La première fois que je suis arrivé à Lille, il m’a parlé et m’a dit que je serai important pour l’équipe. Avant même d’avoir touché le moindre ballon ! Même quand je fais un mauvais match, il me parle, m’explique mes erreurs et essaye de me faire progresser ».
Cela, Christophe Galtier n’a pas eu à le faire avec la bonne pioche du mercato d’été 2020, Burak Yilmaz et ses 35 ans : pièce maîtresse du titre lillois la saison passée (16 buts). Très efficace, le Turc a tout de même été mis dans les meilleures dispositions pour faire parler ses qualités de finisseur : « il est souvent très bien placé et très froid devant le but. Il joue avec une grande détermination ». Et le tacticien marseillais a pris ce qu’il y avait de meilleur à prendre chez son buteur, un joueur dans « les extrêmes » : son énergie dans la victoire et sa haine de la défaite.
Démontrant la faculté à utiliser au mieux les qualités de ses troupes, Christophe Galtier a ainsi pu composer un duo Burak-David ultra-performant (16 et 13 buts en Ligue 1 Uber Eats en 20/21). « On a le joueur d’expérience et on a la jeunesse, même s’ils ont des caractéristiques différentes, et c’est ce que je cherchais quand on a construit l’effectif. Leur relation technique est très intéressante », a analysé le coach des champions de France 20/21 en avril dernier, avant d’ajouter : « Il a fallu rapidement trouver des profils pour les remplacer (Rémy et Osimhen) et pour tout mettre en place. C’est le modèle de jeu que j’ai choisi en arrivant à Lille. Il fallait que ces joueurs entrent dans des cases ». Au final, la gestion des nombreux mouvements au sein de l’effectif n’a pas impacté le rendement offensif d’un LOSC qui a par exemple successivement tourné à 50, 47 et 50% de tirs cadrés sous Galtier.
Amine Gouiri repositionné avec succès
Auréolé du titre en Ligue 1 Uber Eats, Christophe Galtier est parti à Nice relever un autre défi l’été dernier. Sur la Côte d’Azur, le Marseillais a d’abord changé le système offensif. Il y a trouvé deux brillants attaquants, Kasper Dolberg, et la pépite Amine Gouiri, avant de convaincre Andy Delort. Avec l’international Espoirs, Galtier a opéré comme il l’a toujours fait : en plaçant son jeune joueur à son meilleur poste. Du coup, Gouiri a quitté le côté gauche pour déployer ses ailes dans une position axiale dans un 4-4-2, remplaçant le 4-3-3 alors en place. L’attaquant a rapidement constaté que ce changement n’était pas le seul opéré par Galtier qui « a ramené ce petit truc qu'il nous manquait sur l'agressivité, ce qui fait qu'on va tous ensemble à la guerre ». Lors de la spectaculaire victoire contre l'OL, dimanche (3-2), le coach azuréen a certes opté pour un 4-4-2 synonyme de retour sur le côté pour Gouiri, mais il a annoncé après la rencontre que « cette association fonctionnera (Gouiri-Dolberg-Delort), peut fonctionner et doit fonctionner, parce que ce sont des joueurs de qualité. Mais pas dans cette animation-là. Le constat que je fais, c’est qu’ils peuvent être associés, mais pas dans cette animation ».
Se plaçant en retrait quand les premiers effets de sa méthode ont porté leurs fruits sur les résultats niçois, Christophe Galtier s’est montré plus loquace pour évoquer sa relation avec son jeune buteur, quand celui-ci était en échec en septembre (2 pénaltys manqués consécutivement contre Monaco et Lorient) : « Il ne doit pas être pris par le doute. Il doit avoir aussi une réflexion sur sa manière de tirer et avoir plus de variété et de maîtrise dans ses penaltys. Ça doit le faire grandir d'avoir une analyse sur sa manière de le tirer. Il est touché, surtout parce qu'il sait qu'on parle de penaltys qui coûtent des points. Mais il a toujours ma confiance ». Niveau performance, Gouiri (3e temps de jeu de l'équipe) s’en sort plus que bien, puisqu’il n’est par exemple devancé que par Robert Lewandowski cette saison dans les cinq grands championnats en Expected Goals.
Et à l’arrivée d’un Delort grand fan du nouveau coach – « Si je suis venu à Nice pour Galtier ? Bien sûr » - permettant à l’OGCN de varier les associations en Ligue 1 Uber Eats, Christophe Galtier a rapidement écarté l’idée de remettre Gouiri sur un côté et de rassurer qu’il « n’y aurait pas d’embouteillage devant ». Reconnu, l’ancien coach nordiste avait reçu le même accueille de la part d’un Dolberg qui « a senti un très bon feeling » et « senti que les choses allaient changer en mieux ». Et ce, malgré la concurrence forte en place. Mais avec Galtier, les non-dits ne semblent pas exister et les principes clairement établis et partagés.
« J'avais dit que ce seraient des joueurs associables et qu'ils seraient associés », n’a pas manqué de rassurer le coach azuréen après quelques semaines en place. « Quand vous avez des joueurs de qualité, habitués à faire des passes décisives et froids devant le but, vous avez toujours la possibilité de marquer ». En y regardant de plus près, les attaquants de Christophe Galtier l’ont tous démontré que cela soit à Saint-Etienne, à Lille et désormais à Nice. Le supersub Evan Guessand (20 ans), buteur pour la 1ère fois en carrière en Ligue 1 Uber Eats face aux Lyonnais lors de sa 4e apparition, en est l'exemple le plus récent.