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LOSC : Dans les coulisses de la sensibilisation paris sportifs

LOSC : Dans les coulisses de la sensibilisation paris sportifs

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Publié le 11/04 à 11:43 - Arnaud Di Stasio

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Les joueurs du LOSC et les jeunes du centre de formation ont récemment été sensibilisés aux dangers des paris sportifs. Plongée dans les coulisses d’une journée pas comme les autres au Domaine de Luchin.

« Même si je sens que je suis dans un bon jour, je n’ai pas le droit de parier sur le fait que je vais mettre un triplé ? » Assis au premier rang de la salle de conférence de presse du Domaine de Luchin, un jeune pensionnaire du centre de formation du LOSC s’inquiète. Comme les joueurs de l’équipe professionnelle un peu plus tôt, ce Jonathan David en herbe est sensibilisé aux dangers des paris sportifs dans un amphithéâtre bondé. Avec lui : le reste des équipes de jeunes et les féminines du club nordiste, soit une bonne centaine de personnes pour cette deuxième session de la journée. En ce mercredi de la fin du mois de mars, la LFP et l’UNFP, le syndicat des footballeurs professionnels de France, organisent leur 9e intervention de la saison. La précédente avait lieu la veille du côté du FC Metz tandis que le Stade Rennais accueillera la prochaine vendredi. Proposées à tous les clubs professionnels de l’Hexagone, ces journées de sensibilisation ont pour but numéro 1 d’appeler les joueurs et le personnel des clubs à une vigilance extrême : la loi leur interdit en effet de parier sur le football.

« Qui a déjà parié parmi vous ? »

A Lille, ou plutôt à une quinzaine de kilomètres de là, ce sont donc Paulo Fonseca, Benjamin André, Lucas Chevalier, Jonathan Bamba and co qui ouvrent le bal en tout début d’après-midi. L’effectif n’est pas tout à fait au complet puisqu’en cette fin de trêve internationale, les 8 joueurs de l’équipe première convoqués en sélection ne sont pas tous rentrés. C’est notamment le cas du Canadien Jonathan David, auteur d’un triplé bien réel quelques semaines plus tôt face à l’OL (3-3). Encore en tenue d’entraînement, les joueurs présents s’installent tranquillement pour cette présentation qui durera une trentaine de minutes. Le coach Paulo Fonseca s’assoit, lui, au pied de l’estrade, juste devant Benoît Costil. Face à eux, Christian Kalb prend la parole. Ce consultant spécialiste de l’intégrité intervient depuis la saison 2013/2014 et le lancement de cette campagne de sensibilisation par la LFP et l’UNFP, représentées respectivement ce mercredi par le juriste Quentin Carrière et l’ancien joueur Franck Signorino.

Auteur d’un livre sur le sujet, Christian Kalb commence par évoquer les risques d’addiction : « Qui a déjà parié parmi vous ? » Personne ne tique. Idem lorsqu’on demande aux joueurs lillois s’ils ont déjà été approchés pour truquer des matchs. Le phénomène est pourtant en recrudescence depuis la pandémie de covid. « Les pays et les continents les plus touchés par le phénomène ? Tous ! » Sur les deux grands écrans derrière lui, une carte du monde est projetée et il y a en effet du rouge un peu partout. « Le foot et le tennis sont les sports les plus touchés par ce type de corruption. Il faut quand même dire que le foot représente 75% des paris dans le monde et que la moitié des matchs truqués sont des matchs de foot ! », continue le consultant.

Un but contre son camp rocambolesque

Lorsqu’il demande aux Lillois s’ils ont déjà entendu parler de certaines affaires, ils citent le nom des frères Karabatic et le Caen-Nîmes de mai 2014 en Ligue 2 BKT. Le point d’orgue arrive avec la vidéo diffusée ensuite. Elle va jusqu’à provoquer les rires de certains, Bafodé Diakité en tête. Les images montrent les premières secondes d’un 16e de finale de Coupe d’Estonie où l’équipe qui engage fait circuler le ballon vers l’arrière. Passe en retrait appuyée vers le gardien qui, dépassé, sprinte et tente de tacler un ballon qu’il ne pourra finalement pas empêcher de finir dans ses propres filets… La cote de ce but en moins de 20 secondes sans que l’équipe qui marque ne touche le ballon ? 1000…

D’autres exemples hauts en couleurs suivent. Au Nigéria, une équipe à la lutte pour monter en première division avait ainsi remporté son dernier match de championnat sur le score de 70 à 0 pendant que sa rivale l’emportait… 67 à 0 ! Une fausse équipe nationale du Togo a aussi été envoyée jouer (et perdre) contre Bahreïn. Plus près de nous, c’est un Lecce-Lazio de 2011 qui est cité. On entend maintenant parler de la mafia new yorkaise, d’un boss hongrois et des triades chinoises, d’un mix entre meurtres, prostitution et paris. Côté terrain, les manipulations peuvent jusqu’à porter sur la couleur des chaussures à crampons d’un joueur ou la possibilité de recevoir un carton jaune (avec des gains supérieurs à 30 000 euros pour ce type de paris en Angleterre). Au fond de l’amphithéâtre, derrière la porte fermée, on entend des jeunes du club chahuter. Encore quelques minutes à patienter avant le début de leur session.

Les conseils de Franck Signorino

Face à leurs aînés, c’est maintenant Franck Signorino qui s’exprime. L’ancien défenseur de Metz, Nantes ou Reims aborde les conséquences qui attendent les joueurs qui aideraient à manipuler des matchs : passage devant la commission de discipline et rencontres de suspension, amendes, condamnations au pénal… « Vous engagez votre image de joueur mais aussi d’homme. Pensez à l’impact que ça peut avoir sur vos proches ! », alerte le représentant de l’UNFP. « Vous savez bien que tout finit par sortir dans la presse. Si vous truquez un match, ça se saura. Et vous imaginez bien que c’est compliqué de retrouver un club avec une telle étiquette collée dans le dos ! » Franck Signorino avance d’autres arguments pour que le discours résonne bien dans la tête de l’assemblée comme la perte de sponsors ou des chaînes de TV qui n’investiraient plus autant d’argent dans des compétitions aux résultats décidés à l’avance.

Au tour du juriste de la LFP d’intervenir. Il demande aux joueurs s’ils connaissent les compétitions sur lesquelles ils ont droit le parier. « Si un joueur de foot parie sur la NBA, quel rapport avec la Ligue 1 ? », s’interroge Adam Ounas, assis au dernier rang, entre le coordinateur sportif Sylvain Armand et Ismaily. Aucun, en effet. Il n’y a que sur le football qu’il est interdit de parier, quelle que soit la compétition ou le pays. Une précision qui avait surpris Maxime Gonalons, sensibilisé à Clermont plus tôt cette saison, et qui retrouve le championnat français après quatre ans en Espagne, où les paris sur les autres championnats sont autorisés. En France, une loi de février 2012 interdit aux acteurs de parier sur les compétitions auxquelles ils participent. Elle a été renforcée par un décret fin 2017 qui a étendu l’interdiction à toutes les compétitions de leur sport.

Croisements de fichiers

Qu’ils soient en ligne ou « en dur » (dans les bureaux de tabac), tous les paris sur le football par des acteurs du sport sont remontés à la LFP grâce à un croisement de fichiers réalisé avec l’ANJ (l’Autorité Nationale des Jeux, ex-ARJEL). Ce système de surveillance avait permis d’identifier 100 joueurs ou membres des clubs professionnels français ayant parié sur du football sur la saison dernière. Les plus jeunes ne sont pas les seuls concernés puisque le dernier croisement avait entraîné des sanctions pour des joueurs comme Irvin Cardona ou encore l’ex-Troyen Brandon Domingues. « Attention aux paris combinés avec plein de sports différents, un match de foot peut se glisser dans le lot… Et si vous avez un compte pour parier sur ce qui est autorisé, surveillez bien que vos amis ou des membres de votre famille ne l’utilisent pas ! », prévient Quentin Carrière.

Le mot de la fin revient à Franck Signorino qui apprend aux joueurs l’existence de l’application « Signale ! » pour – vous l’aurez deviné – signaler des approches et tentatives de corruption. Le jeune quadra aux presque 300 matchs de Ligue 1 conclut en parlant d’une ligne téléphonique qui permet de joindre des psychologues dans l’anonymat le plus complet. Alors que les Dogues quittent l’amphithéâtre, l’entraîneur et le capitaine sont invités à rester quelques minutes de plus. En l’absence de José Fonte, excusé, c’est Benjamin André qui fait le job. Comme Paulo Fonseca, il signe un exemplaire géant et cartonné de la charte d’intégrité contre le truquage des matchs avant de prendre la pose. Les jeunes et les féminines peuvent enfin entrer. Ils seront ensuite imités par les salariés du club pour la troisième et dernière session de la journée. Un intrus se glisse parmi le personnel administratif : un garçon d’une quinzaine d’années qui n’avait pas pu assister à la précédente intervention avec le reste de ses coéquipiers, la faute à son cours d’italien. D’ailleurs, comment on dit « triplé » de l’autre côté des Alpes ?

La charte des paris sportifs :
Règle n°1
: ne pas parier sur le football, ni directement, ni par l’intermédiaire de ses proches.
Règle n°2
: ne jamais participer au trucage d’un match, même en influençant une phase de jeu secondaire.
Règle n°3
: ne pas accepter de cadeau, d’argent, de promesses ou même d’invitation de personnes suspectes.
Règle n°4
: ne donner aucune information inconnue au public sur soi-même, un autre joueur ou le club.
Règle n°5
: en cas d’approche pour truquer un match, ou en cas de question sur des informations sensibles, toujours en parler à quelqu’un de confiance.

Les 5 interdictions :
- Parier sur tout le football
- Divulguer des informations privilégiées (en vue d’un pari)
- Modifier le déroulement normal d’une compétition
- Réaliser des prestations de pronostics sur le football pour des opérateurs de paris sportifs
- Détenir une participation au sein d’un opérateur qui organise des paris sur le football

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