Interview

Le Marchand : «Travailler mon mental a été une révolution»

Le Marchand : «Travailler mon mental a été une révolution»

Interview
Publié le 21/10 à 15:22 - LFP

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Titulaire depuis six journées avec le RC Strasbourg Alsace, Maxime Le Marchand (32 ans) contribue à stabiliser la défense à trois centraux de Julian Stéphan. Entretien avec un défenseur à mental avant les retrouvailles face au Stade Rennais dimanche en Ligue 1 Uber Eats.

Recrue estivale au RC Strasbourg Alsace (actuel 8e au classement), Maxime Le Marchand signe son retour en Ligue 1 Uber Eats pour notamment apporter son expérience dans la défense à trois centraux de Julian Stéphan. Avec lui, le RCSA a vu sa moyenne de buts concédés se réduire de moitié (1 but toutes les 41 minutes sans lui à 1 toutes les 78 minutes avec lui). Le week-end dernier, le Breton a même marqué pour la 1ère fois depuis août 2015 (2e but en 72 matchs de Ligue 1 Uber Eats). Découvrez comment il s’est construit pour devenir un joueur polyvalent et rassurant alors qu'il retrouve dimanche (15h) son club formateur, le SRFC.

Maxime, après des expériences à l’étranger en Angleterre et en Belgique, vous voilà trois ans après de retour en Ligue 1 Uber Eats. Comment cela s’est-il décidé ?
Les contacts avec Strasbourg remontent à avant mon prêt à Anvers (entre février et juin derniers). Cela s’est concrétisé une fois que Julian Stéphan a identifié ses besoins pour pouvoir mettre en place un système à trois défenseurs centraux. Il m’a contacté pour m’expliquer son approche. Ensuite, tout s’est accéléré, puisque Strasbourg et Loïc Désiré (responsable de la cellule de recrutement) me suivaient déjà depuis un moment.

Et retrouver d’autres Rennais en Alsace a-t-il eu son importance dans votre choix ?
C’est vrai que nous sommes quelques Bretons dans l’équipe et dans le staff autour de Julian Stéphan, cela aide à l’intégration ; on échange nos anecdotes rennaises. Je retrouve aussi Kader Mangane (actuel coordinateur sportif) que j’ai connu là-bas lorsqu’il était joueur. Mais depuis que je joue, mes choix ont toujours été décidés par le feeling avec le coach. Et je ne pense pas non plus que cela soit un critère de recrutement pour le club…même si la formation rennaise est réputée.

Venir au RCSA, est-ce aussi adhérer à certaines valeurs que le club cultive depuis de nombreuses saisons ?
Oui, le travail et la persévérance ne sont pas des termes galvaudés ici. Ajouté à cela un public qui pousse et joue à fond son rôle à la Meinau, il y a de quoi se transcender pour aller chercher des résultats. Cela correspond à ma philosophie. Dans ma carrière et partout où je suis passé, j’ai toujours été l’un des plus constants dans le travail. A Strasbourg, tout le monde m’a bien accueilli, j’ai tout de suite ressenti un esprit « famille », mais non sans une réelle ambition.

Sur le terrain aussi, vous retrouvez un style de jeu à trois défenseurs centraux qui vous convient. Cela a-t-il été abordé avec Julian Stéphan avant de signer au RCSA ?
Cela a même été au cœur de nos discussions avec le coach. Je connaissais déjà bien ce système que j’ai d’abord eu à Nice sous Lucien Favre et ensuite lors de ma dernière demi-saison à Anvers (avec Franck Vercauteren). Mon profil me permet d’être à l’aise au poste d’axe gauche. Comme je suis capable d’évoluer dans l’axe et latéral gauche dans une défense à quatre, le système à trois centraux me plaît bien, car il y a un peu des deux. Avoir cette polyvalence me permet d’être à l’aise. Car dans ce système, je suis amené à coulisser sur le côté et pas uniquement à rester dans l’axe. Et le fait d’être gaucher facilite aussi mon travail de relance.

« Mombaerts m’a dit que mon meilleur poste était défenseur central »

Jouer à trois dans l’axe tout en repartant de derrière, cela vous permet-il d’exploiter au mieux vos qualités ?
Cette évolution moderne du défenseur central me correspond totalement. J’ai commencé au milieu chez les jeunes au Stade Rennais. Ainsi, disposer d’un certain bagage technique m’a beaucoup aidé lorsque j’ai ensuite été replacé comme latéral et défenseur central. Du coup, je me sens à l’aise de devoir repartir de derrière.

Pouvez-vous nous expliquer comment s’est déroulé votre repositionnement sur le terrain ?
Au Stade Rennais, il y avait beaucoup de concurrence au poste de milieu défensif (M'Vila, Pajot, Lemoine, Caro étaient à la formation à la même époque). Le fait d’être gaucher m’a permis de plus facilement glisser sur ce côté : donc dans un premier temps j’ai joué milieu gauche, puis arrière gauche (poste occupé lors du titre en Gambardella 2008). Et après, mes entraîneurs, et surtout Erick Mombaerts au Havre en Ligue 2, m’ont clairement dit qu’étant donné mon profil, le meilleur poste pour moi serait celui de défenseur central. C’était bien vu.

A part vos entraîneurs qui vous ont permis de vous épanouir à votre poste actuel, des joueurs ont-ils eu une influence sur votre progression ?
J’ai surtout appris par moi-même tout au long de ma carrière. Même si quelques-uns ont pu me glisser quelques conseils, je n’ai pas véritablement profité du métier de mes coéquipiers défenseurs. Quand j’étais chez les jeunes au Stade Rennais et que je m’entraînais avec les pros sans faire vraiment partie de l’équipe, c’était compliqué pour eux de me prendre sous leur coupe. Pour progresser au poste de défenseur central, il est important de travailler la complémentarité. Et c’est vraiment en match que l’on peut le plus apprendre.

Du coup, est-ce que du haut de vos plus de 300 matchs en professionnel vous partagez désormais votre expérience avec les plus jeunes au club ?
Je ne suis pas « un gueulard », mais c’est clairement quelque chose que j’ai envie de faire à ma manière. Cela fait partie des choses que je peux apporter à notre équipe. Alors je le fais calmement pour conseiller ou pour recadrer sur le terrain. J’essaye notamment d’accompagner les plus jeunes sur des situations que je maîtrise pour les aider à acquérir plus de sérénité.

Malgré tout, vous ne faites pas encore partie des plus anciens chez les défenseurs de Ligue 1 Uber Eats, à côté de Dante (OGC Nice) ou Fonte (LOSC).
Les voir ultra-compétitifs au haut niveau à plus de 35 ans (les deux ont 37 ans), c’est forcément inspirant. On a envie de connaître leur secret. A Nice, je voyais Dante enchaîner les exercices toujours à 100%, alors que ce n’était pas forcément nécessaire. Et il me disait : « j’ai besoin de ça. C’est la tête qui me pousse toujours plus, même si physiquement je suis parfois fatigué. » C’est la preuve d’une grande force mentale, comme la façon dont il est revenu de sa blessure des croisés à son âge. A sa place, il y en a plus d’un qui auraient pris leur retraite. Même Hilton qui a joué à plus de 40 ans avec la même rapidité, c’est remarquable. En les voyant je me dis que je peux avoir encore de belles années devant moi !

Du côté de l’OGC Nice vous avez pu profiter en 2016 de l’aide d’un préparateur mental (Thomas Sammut) qui était à la disposition des joueurs. Qu’est-ce que cela vous a-t-il apporté ?
Je l’ai rencontré pendant ma réathlétisation après ma blessure au genou. Il m’a aidé à retrouver mon niveau. L’aspect mental est un élément supplémentaire à travailler pour être plus performant sur le terrain. Il n’y a pas de honte à creuser de ce côté. J’ai toujours été sensible à l’aspect mental du sportif de haut niveau : avec la conscience que c’est primordial pour s’améliorer. Avant ce travail avec Thomas, j’avais déjà pratiqué la sophrologie. Alors quand Nice a mis en place cette préparation mentale, j’y suis allé spontanément pour faire quelques séances.

En quoi ce travail a-t-il consisté ?
Son approche a été quelque chose de révolutionnaire pour moi. Il m’a par exemple remis dans mes situations de jeune footballeur pour retrouver ce qui avait été mauvais pour moi. Avec pour objectif de me permettre d’être à présent moi-même pour prendre du plaisir, avec mes qualités propres plutôt que de vouloir me transformer en un autre joueur. Exclure ce qui avait un effet néfaste sur moi a été un déclic à mon épanouissement sur le terrain, au-delà même de la performance. Cela m’a permis d’apprendre sur moi.

Aujourd’hui, que vous reste-t-il de cette expérience ?
je vois les choses différemment. J’ai des techniques qui me permettent de me recentrer dès que j’en éprouve le besoin. Quand je sens que je ne suis plus en phase avec moi-même, que je n’agis pas comme je le devrais, je suis capable de me recadrer. Et cela peut se produire en match. Ce travail mental m’a aussi aidé dans ma gestion émotionnelle des événements. Cela me permet de rester calme et bien concentré. Cela a aussi des effets sur le physique. Comme pour tout le monde, lorsque vous êtes dans un état d’angoisse ou de stress, le risque de blessure augmente. C’est un sujet souvent tabou, mais faire appel à un préparateur mental n’est pas un signe de faiblesse, mais l’expression d’une volonté de progresser.