Interview

Hilton : « Sampaoli est venu à l’OM pour imposer son jeu »

Hilton : « Sampaoli est venu à l’OM pour imposer son jeu »

Interview
Publié le 15/11 à 13:00 - LFP

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A quelques jours d'OL-OM (dimanche 20h45), Vitorino Hilton (consultant Prime Video) nous parle de l’OM, mais aussi des Sud-Américains ou encore de l’évolution du poste de défenseur en Ligue 1 Uber Eats.

Après une riche et longue carrière en Ligue 1 Uber Eats du côté de Bastia, Lens, Marseille et Montpellier - marquée par deux titres de champion de France (2010 et 2012) - Vitorino Hilton, le plus français des Brésiliens qui est toujours installé du côté de Montpellier, apporte son regard sur l’OM et ses Sud-Américains avant l’Olympico dimanche. Il analyse aussi pour nous l’évolution de son désormais ex-poste de défenseur central, avec son nouvel œil de consultant pour Prime Video.

Vitorino, vous avez entamé une nouvelle carrière de consultant pour Prime Video. Comment cela se passe-t-il ?
C’est une opportunité qui est arrivée très vite au moment de ma retraite. Je n’y pensais pas du tout avant cela. C’est une nouvelle aventure que je découvre avec beaucoup d’excitation ! Je suis toujours en phase d’apprentissage, car c’est un vrai métier d’être de l’autre côté du terrain. Pour m’améliorer, je regarde beaucoup de matchs. Je m’inspire des autres consultants en essayant de prendre ce que me plaît le plus chez eux. Ça doit m’aider à être toujours juste dans mes commentaires.

Ce n’est pas trop difficile de commenter les matchs du Montpellier HSC ?
C’est plus facile de parler de ce que vous connaissez très bien et des joueurs avec lesquels vous avez déjà joué. Ça reste particulier, car ils étaient mes coéquipiers il y a quelques mois.

Quel regard porte le Hilton consultant sur le jeu proposé lors de cette première partie de saison en Ligue 1 Uber Eats ?
Le PSG et l’OL sont des équipes qui pratiquent depuis plusieurs saisons un jeu offensif. Cette saison, l’OM le fait également, mais pas uniquement. Lorient et Lens sont aussi des équipes qui jouent très bien au ballon. Promu surprise l’an passé, Lens est dans la continuité de ce qu’il proposait. C’est hyper positif pour le championnat. Nous voyons des équipes qui conservent davantage le ballon : auparavant il y avait plus de jeu direct avec des équipes qui le perdaient rapidement. C’est très bien pour le spectacle ! Cette évolution en Europe est venue du Barça. Et les autres équipes ont commencé à le copier et cela est arrivé en Ligue 1 Uber Eats. Ce qui permet de voir aujourd’hui des entraîneurs qui demandent un vrai travail de relance aux défenseurs. Il y a une volonté de conservation, car lorsque l’on perd le ballon, il faut ensuite fournir plus d'efforts pour le récupérer. Certes, il y a une prise de risque, mais cela fait partie du foot. C’est nécessaire pour parvenir à surprendre son adversaire.

« Les débuts de Gerson sont plutôt corrects »

Vous avez aussi bien connu l’OM avec qui vous avez remporté votre premier titre de champion en 2010. Que pensez-vous de ces Sud-Américains actuels ?
Je connais bien Luan Peres et Gerson. Comme je suis un fan de Flamengo, j’ai regardé les performances de Gerson ces dernières saisons dans le championnat brésilien. Et je sais que c’est un très bon joueur. Ses débuts à Marseille sont plutôt corrects. On sait qu’il est très difficile de s’imposer tout de suite dans un nouveau championnat, mais cela n’empêche pas que l’attente est toujours très forte avec les joueurs brésiliens dès leur arrivée. Il a pour lui le fait de connaître un entraîneur qui était en poste au Brésil pendant qu’il y évoluait (Jorge Sampaoli était entraîneur de Santos et de l’Atlético Mineiro en 2018 et 2021) : il connaît sa personnalité. Mais il y a tout de même un temps d’adaptation qui est nécessaire.

Qu’est-ce qui lui demande un temps d’adaptation à un joueur étranger quand il arrive en Ligue 1 Uber Eats ?
D’abord, lorsque vous jouez aux postes de défenseurs ou de milieux, il y a beaucoup de communication, donc la langue est vraiment déterminante pour apprendre les automatismes. Ce sont des choses à prendre en compte. Je trouve qu’il ne s’en sort pas si mal. Quand il est arrivé en Europe à la Roma, il était très jeune (19 ans) et il jouait très peu au début. Il a eu besoin de temps. Avec l’expérience, c’est sans doute plus facile pour lui en arrivant à l’OM. Et d’avoir plusieurs Sud-Américains dans l’équipe.

Leandro Balerdi est un autre Sud-Américain qui est lui dans sa 2e saison à l’OM. Est-ce que ses prestations vous impressionnent ?
Il a été très bon, avec beaucoup d'envie et de caractère, même s'il n'est plus systématiquement titulaire sur les derniers matchs. Cela fonctionne bien dans l’OM de Sampaoli. Car c'est un coach qui veut transmettre ce caractère à son équipe. Il veut des joueurs qui se battent jusqu’au bout. Et Balerdi évolue à un poste très compliqué quand on est encore jeune (Balerdi à 22 ans). Etre en défense centrale réclame beaucoup de rigueur et de concentration. Et, les défenseurs doivent être performants tout le temps. Lorsqu’ils ont un jour sans, cela se voit tout de suite et ils sont vite pointés du doigt. Et à l'OM cela est encore plus vrai qu'ailleurs, ici c'est passionnel. Cela peut aller très vite, et dans les deux sens.

Ne vous fait-il pas penser à Gabriel Heinze avec qui vous avez évolué lors de votre passage à Marseille (2008-2011) ?
Comme Leandro Balerdi, il avait énormément de grinta. Heinze avait en plus une grande expérience : il avait connu le Real et Manchester. C’était plus facile pour lui de s’imposer. Mais Balerdi, lui, est jeune et il a tout à prouver à l’OM. Il montre les qualités pour s’imposer et faire une belle saison.

L’OM de Sampaoli évolue le plus souvent dans une défense à trois centraux. Quels signaux cela envoie-t-il sur la philosophie de jeu de l’équipe ?
Le premier est que vos latéraux deviennent quasiment des ailiers. L’OM joue sans véritables latéraux, du coup cela se voit tout de suite qu’il s’agit d’une équipe extrêmement offensive. Jorge Sampaoli est venu à Marseille pour imposer un schéma de jeu et offrir du spectacle. Son équipe met beaucoup d’intensité avec un pressing assez haut. En revanche, évoluer à trois ne simplifie pas l’organisation défensive. Si vous faites face à une équipe avec trois attaquants, vous risquez de rapidement vous retrouver à négocier des situations de un contre un. Dans ce cas, l’attaquant de pointe adverse n’a qu’un adversaire au marquage, car les joueurs de côtés doivent couvrir les couloirs. Ce système n’est pas évident. Mais il peut très bien fonctionner avec une bonne organisation entre les joueurs de côtés et les milieux. Jouer à quatre derrière est généralement plus facile tactiquement, avec deux vrais latéraux qui, même s’ils ont tendance à davantage monter actuellement, demeurent avant tout des défenseurs.

« Lucien Favre me disait : "Dégage devant !", mais je ne comprenais pas pourquoi »

Plus largement, ce poste de défenseur a sensiblement évolué entre vos premières années et votre fin de carrière.
Le rôle du défenseur a en effet beaucoup changé. Quand j’ai commencé à jouer, c’était facile d’être un bon défenseur de base. Avoir un bon jeu de tête, être costaud sur les duels et si vous ne savez pas quoi faire du ballon, vous l’envoyez loin devant ou dans la tribune. On ne vous en demandait pas plus, votre boulot était fait. Mais moi je voulais faire autre chose : travailler la récupération du ballon, le pressing et la construction du jeu. Je prenais exemple sur des joueurs de classe comme Paolo Maldini et Carlos Gamarra, des joueurs qui relançaient proprement. Si je prends la relation avec le gardien, il n’y a pas si longtemps la consigne était d’éviter de le mettre en difficulté, en lui faisant des passes en retrait ou alors il fallait qu’elle soit sur son bon pied pour qu’il dégage loin.

Du coup, comment cela s’est-il passé pour vous en quittant le Brésil pour l’Europe ?
Quand je suis arrivé (2001), Lucien Favre a été mon premier entraîneur au Servette de Genève. Et moi, je ne dégageai quasiment jamais. Je ne me débarrassai pas du ballon, je faisais des crochets ou autre chose, mais je tentais de le conserver. Mais ça ne lui plaisait pas vraiment, il me disait « non, non ! Dégage devant ! ». Il voulait un jeu direct, mais je ne comprenais pas cette tactique. Pour moi, quand on a le ballon, il faut jouer. Ensuite, je me suis un peu plus adapté au championnat suisse et après au français, où il y avait un peu moins cette tendance.

Vos idoles n’étaient pas des Brésiliens ?
Plus jeune, mon idole était Carlos Mozer ! Il a joué à l’OM. C’était la référence du poste. Tous les gamins voulaient lui ressembler. C’était le prototype du vrai défenseur. Après il y a eu un autre très bon défenseur : Ricardo Gomes, passé aussi par le Benfica avant le PSG, avait la classe. Il était très grand et donc redoutable dans le jeu aérien, mais pas seulement, il avait aussi du ballon et de l’élégance.

Ces deux grands joueurs n’auraient-ils pas contribué à lancer la mode des défenseurs brésiliens en France ?
Possible. Ils ont sans doute contribué à montrer que le Brésil n’est pas qu’un pays d’attaquants et de n°10. Car en Europe, on parlait beaucoup plus des talents offensifs. Leur réussite a pu donner des idées aux défenseurs de venir eux aussi en Ligue 1 Uber Eats. Le dernier en date est Matheus Thuler (22 ans) à Montpellier. Il sait qu’il a l’opportunité de se montrer en venant dans le championnat.

Cette saison en Ligue 1 Uber Eats, il y a aussi Dante (OGC Nice) et Marquinhos (PSG), deux références du poste.
Dante est un joueur apprécié dans le monde entier avec une très grande carrière ; c’est un bosseur qui a envie d’aller le plus loin possible. Même si le chemin est encore long, je lui souhaite de battre le record du joueur le plus âgé à avoir évolué en Ligue 1 Uber Eats. Ce que je n’ai malheureusement réussi à faire (Roger Courtois avait 44 ans).

Et Marquinhos ?
C’est la classe, même s’il a un côté rugueux. C’est un des meilleurs dans le championnat et même en Europe. Ils sont très complémentaires lui et Presnel Kimpembe. Depuis son arrivée au PSG, il a joué à plusieurs postes. Et même l’an passé, il a été très bon en évoluant devant la défense sans y avoir de références. Il a cette capacité d’adaptation tout en restant positif. Il dégage une grande sérénité. Il garde son calme et s’impose sur le terrain. Au PSG, il a aussi profité d’avoir de très bons entraîneurs pour grandir. On voit bien qu’il est très apprécié dans son club, aussi bien la personne que le joueur.

Au PSG, il y a eu un certain Zlatan Ibrahimovic, un des nombreux grands attaquants que vous avez eu à marquer au cours de vos 17 années en Ligue 1 Uber Eats…
On parle beaucoup des joueurs qui vont très vite comme Neymar et Mbappé, mais pour moi Zlatan a été le plus fort. J’adorais jouer contre lui. J’ai énormément appris dans ces confrontations. Il était très difficile de le prendre au marquage. D’abord à cause de son gabarit hors-norme. Il est grand et costaud, mais il était aussi technique. En plus, c’était un joueur très malin et vicieux pour vous faire sortir de votre match. Avec lui, il fallait toujours garder ses nerfs, car il pouvait vous faire péter un câble. C’était toujours des matchs excitants à jouer.

Enfin, d’autres talents vous ont-ils marqués lors de vos années françaises ?
Le premier nom qui me vient est Hatem Ben Arfa. Je crois ne pas être le seul à penser qu’il s’agit d’un des plus grands talents. Il était énorme quand j’étais avec lui à l’OM. Il m’impressionnait beaucoup, notamment à l’entraînement. Quelle faculté à dribbler, à conserver le ballon ! Il avait tellement de qualités…