Interview

Lucas Perrin : « Plus facile de s’épanouir à Strasbourg qu’à l’OM »

Lucas Perrin : « Plus facile de s’épanouir à Strasbourg qu’à l’OM »

Interview
Publié le 25/10 à 12:28 - Arnaud Di Stasio

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Formé à l’OM, qu'il retrouve samedi (21h), Lucas Perrin dispute sa 2e saison avec le RC Strasbourg Alsace. Sa relation avec Julien Stéphan, sa lucidité sur son adaptation difficile, la recette anti-Mbappé, les méthodes Sampaoli et AVB, les jeunes et l’OM… Entretien.

La saison dernière, ta première avec le RC Strasbourg Alsace, tu as disputé 33 matchs dont 30 comme titulaire. Est-ce que tu t’attendais à t’imposer aussi vite ?
Dire que je me suis vite imposé, c’est sans doute exagéré. Ce qui est sûr, c’est que je voulais faire un maximum de matchs. A mon arrivée, j’avais pour objectif de disputer 25 matchs et j’ai finalement eu la chance de dépasser ce chiffre. Je voulais vraiment avoir davantage de temps de jeu pour emmagasiner de l’expérience. Tout s’est passé comme je l’espérais et j’en suis très content. A moi de continuer cette saison (après 12 journées, il a disputé 7 matchs mais il avait manqué trois semaines sur blessure entre août et septembre).

Le Racing utilise la défense à trois. Tu étais déjà familier de ce système ?
Oui car, à l’OM, Jorge Sampaoli utilisait souvent la défense à trois même si j’étais côté gauche avec lui alors qu’au Racing, je suis à droite. Avec la réserve de l’OM, j’ai aussi joué à trois donc je n’ai pas été dépaysé. Je savais où je mettais les pieds en signant ici, je connaissais le dispositif de Julien Stéphan. Je n’avais qu’à m’adapter à mes nouveaux coéquipiers, pas au système.

Quelles sont les principales différences à ton niveau entre un système à quatre défenseurs et un système à trois ?
A trois, lorsque le piston monte, je glisse en latéral droit et je prends le joueur qui est dans son dos. Quand on est à quatre, le latéral ne va pas chercher très haut devant lui, il va rester sur les attaquants adverses. A trois, on peut tout faire : courir quand ça attaque dans notre dos, aller chercher devant ou sur le côté droit, faire quelques montées balle au pied… J’ai l’habitude de jouer à trois désormais et ça me convient très bien.

« Julien Stéphan m’a apporté la confiance que je n’avais pas »

Dans quels domaines Julien Stéphan insiste-t-il le plus avec toi ?
Le coach attend de moi que je m’améliore sur le plan technique, pour ressortir le ballon le plus proprement possible, chercher des points d’appui comme Ludovic Ajorque ou Habib Diallo devant voire même ressortir par un dribble… ll est très exigeant avec nous sur le plan technique, il insiste beaucoup. A l’entraînement, il nous fait travailler sous pression pour rechercher une passe entre les lignes ou un point d’appui plus haut par du jeu au sol, des ballons aériens, des diagonales… On travaille la technique sur presque tous les exercices et c’est sûrement le domaine dans lequel j’ai le plus progressé.

Peux-tu nous parler de ta relation avec Julien Stéphan ?
J’ai eu un début de saison dernière compliqué, où je ne jouais pas beaucoup, mais le coach a toujours été derrière moi. Il me disait que la saison était longue, que plein de choses pouvaient se passer. Et il a eu raison. Il fait le maximum pour nous donner confiance. Il nous demande de toujours bosser, pour être prêt le jour où la chance va tourner. Le coach m’a apporté la confiance que je n’avais pas à Marseille. Ce n’est pas la même pression ou la même atmosphère autour du club ici mais, quand un coach t’amène autant de confiance au quotidien, ça se voit sur le terrain. Tu t’épanouis et tu enchaînes les bonnes performances.

« Je me suis retrouvé seul du jour au lendemain »

Tu as expliqué avoir eu des débuts compliqués avec le Racing…
Il y a un an, c’est la première fois que je partais aussi loin de Marseille et de ma famille. Je me suis retrouvé seul du jour au lendemain, à l’autre bout de la France, sans mes amis. Ça a forcément joué. Mais c’est comme ça. Moi, je suis quelqu’un de très sociable, je n’aime pas rester dans mon coin. J’ai besoin de rigoler, de parler avec les gens. Au Racing, on m’a mis à l’aise très vite, ce qui m’a aidé à me lâcher et à aller vers les autres. Après avoir commencé la saison comme titulaire, ça m’a fait du bien de démarrer 3-4 matchs sur le banc. Je me suis remis en question et ces quelques semaines m’ont permis de bien m’adapter au système de jeu, à l’équipe et aux ambitions du coach.

Pour rester sur tes premières semaines à Strasbourg, tu avais même parlé de « débuts poussifs ». C’est rare que les joueurs soient aussi sévères avec eux-mêmes lorsqu’ils s’expriment publiquement…
Je pense qu’il faut dire les choses. Quand tout le monde le voit, ça ne sert à rien de nier. J’avais parlé de débuts poussifs car, comme j’en avais discuté avec le coach, je faisais des matchs incomplets où il pouvait y avoir des erreurs de placement, des pertes de balle bêtes… Ces choses-là se voient. Le public les voit, le coach les voit… Si tu fais ce type d’erreurs sur le terrain et que ton concurrent au poste non, le choix est simple. C’est comme ça. Mais je le répète, ce passage sur le banc m’a fait du bien. J’ai pu gagner en régularité et en confiance.

« C’est Kévin Gameiro qui me pose le plus de problèmes »

Avec Habib Diallo, Kévin Gameiro et Ludovic Ajorque, le Racing a une sacrée force de frappe offensive. Les trois ont des profils très différents. En quoi as-tu progressé en défendant sur eux à l’entraînement ?
Ils ont des profils très différents en effet. Kévin Gameiro, c’est la vitesse. Ludovic Ajorque, le point d’appui. Habib Diallo, c’est un peu un mélange des deux. A moi de m’adapter à l’attaquant que j’ai devant moi. Quand c’est Ludovic Ajorque, je préfère rester derrière lui et ne pas trop le coller car il aime s’appuyer sur le défenseur. Habib Diallo est fort sur les prises de balle et les frappes de loin mais il peut aussi jouer en appui. Kévin Gameiro est rapide et fort en déviation. Les trois ont leur style mais les trois sont chiants à défendre (rires) ! Malheureusement, mon point faible, c’est la vitesse donc c’est peut-être Kévin Gameiro qui me pose le plus de problèmes. Ce n’est pas évident de le suivre quand il part dans le dos de la défense mais il joue sur ses qualités, c’est le jeu !

As-tu des inspirations à ton poste ?
Il joue malheureusement à Paris mais je vais dire Sergio Ramos. Pour tout ce qu’il a fait durant sa carrière, le caractère qu’il montre sur le terrain. Son niveau et sa longévité sont impressionnants. Que ce soit au Real ou au PSG, c’est toujours le même. Avec Sergio Ramos, je vais citer Virgil van Dijk. Pour moi, ce sont les deux références. J’essaie de m’inspirer de ce qu’ils font lorsque je regarde leurs matchs. La saison où Liverpool a tout cassé, je regardais très souvent jouer van Dijk. Ce que j’en retire ? Rien (rires). Non, j’avais fait très attention au duel Mbappé-van Dijk par exemple, à sa manière de défendre sur Mbappé. Je ne dis pas que je peux faire comme van Dijk, loin de là, mais ça peut donner des idées sur la façon de se positionner face à un attaquant qui prend de la vitesse, comment anticiper ses courses… Il y a plein de choser à retirer.

Et, du coup, quelle est la méthode pour arrêter Kylian Mbappé ?
Orienter son corps et ses épaules de sorte à ne lui laisser qu’un côté où aller. Il faut l’empêcher de revenir dans l’axe et de se remettre sur son pied droit. Il faut essayer de l’enfermer dans le coin. Le souci, c’est que je ne suis pas aussi rapide et carré que Virgil van Dijk ! Mais, en vrai, Kylian Mbappé est inarrêtable !

« Si tu n’es pas un crack, c’est compliqué de jouer à l’OM »

Tu as dû patienter pour te faire ta place en Ligue 1 Uber Eats puisque tu as joué ton premier match à presque 21 ans et tu as disputé ta première saison comme titulaire à 23 ans. Comment as-tu géré cette éclosion tardive ?
Malheureusement pour moi, la politique de l’OM n’est pas de beaucoup faire jouer les jeunes. A l’OM, il faut gagner. On n’a pas le temps de développer les jeunes. Si tu n’es pas un crack, c’est compliqué de jouer. En deux ans à Marseille, j’ai fait 13 matchs, ce qui est peu. Dans un club avec moins de pression, où il est un peu plus facile de jouer, j’ai été capable de montrer ce que je savais faire. Ce n’est pas vraiment une question d’âge ou de maturation tardive. C’est simplement que dans les clubs où il y a moins de pression, où l’on fait davantage confiance aux jeunes, il est plus facile de s’épanouir.

Tu n’as jamais douté ?
Pas du tout. Je connais très bien l’OM, je savais comment ça marchait là-bas. Je continuais à travailler même si je savais que je n’allais pas jouer le week-end. Mais c’est comme ça, ça te forge le caractère. Il faut continuer à travailler, à fond, au cas où le coach fait appel à toi. C’est aussi une question de poste. Tu ne remplaces pas aussi facilement un défenseur central qu’un attaquant en plein match. La charnière centrale change moins souvent. On ne change pas une équipe qui gagne, comme on dit. Et quand tu enchaînes les victoires, tu ne touches jamais à ta charnière centrale. Du coup, il reste les miettes. Il faut prendre ce qu’il y a à gratter lorsqu’il y a un blessé, un suspendu ou un tour de Coupe. Il faut être patient et continuer à travailler, c’est la seule chose à faire.

« Deux heures sur le terrain à travailler la tactique avec Sampaoli »

A l’OM, tu as eu Jorge Sampaoli pour entraîneur plusieurs mois. Que retiens-tu de sa méthode ?
Il met beaucoup l’accent sur le travail vidéo et la tactique. Quand il est arrivé à l’OM fin février 2021, c’était impressionnant. Tous les jours, on restait quasiment deux heures sur le terrain à travailler la tactique : le positionnement, le pressing, la couverture... Il voulait quelque chose de précis pour chaque mouvement, chaque passe… Par exemple, il fallait un type de passe précis selon le type de pressing adverse. Sa philosophie de jeu, c’est de tout faire en fonction de l’adversaire. Selon comment il se positionne, comment il court vers toi pour faire la passe…

Et si tu devais retenir une chose de la méthode André Villas-Boas ?
Déjà, c’est le coach qui m’a lancé en Ligue 1 donc je lui en suis très reconnaissant. Il y a plein de choses à dire sur André Villas-Boas. C’est un super coach, franchement. A l’entraînement, il n’y avait que du jeu. Dans le discours, comme Julien Stéphan, il était toujours dans le dialogue, quel que soit ton statut. Il te disait toujours les choses. Même s’il y avait des stars, il réussissait toujours à gérer son groupe. J’ai énormément apprécié son côté humain.

Il est souvent compliqué de se faire sa place en équipe première de l’OM quand on a été formé au club, même s’il y a quelques exemples de réussite ces dernières années avec Maxime Lopez ou Boubacar Kamara. Ce n’est pas frustrant ?
Quand tu es formé à l’OM, tu ne penses qu’à une chose : signer pro. Surtout quand tu commences à te rapprocher de l’équipe première, que tu commences à jouer en U19 puis en réserve. On connaît la popularité de l’OM en France, le prestige de ce club. Mais malheureusement, on sait aussi que c’est compliqué d’enchaîner les matchs à l’OM si tu n’es pas un crack. Le mieux est peut-être de s’aguerrir ailleurs et de revenir plus tard si tu en as l’opportunité. A l’OM, il faut gagner. Chaque année, il faut finir dans les trois premiers. Il n’y a pas de temps. Si un jeune joue et qu’il se manque, qu’il est au fond du trou, c’est compliqué de se relever à l’OM, vu la pression qu’il y a.

« Ça m’arrive de prendre cher ! »

Tu es réputé chambreur, tu confirmes ?
Je confirme ! J’aime tellement rigoler que je chambre tout le monde. Le revers de la médaille, c’est que je morfle dès que je fais un truc de travers ! Ça m’arrive de prendre cher ! A Marseille, je ne pouvais pas me permettre de chambrer autant qu’à Strasbourg. Quand tu partages le vestiaire avec des noms comme Steve Mandanda, Dimitri Payet ou Florian Thauvin, tu ne peux pas les charrier alors que tu viens d’arriver dans l’équipe. Il faut savoir rester à sa place. Ça vient avec le temps. Il faut se faire petit au départ, faire sa place dans le vestiaire en rigolant avec tout le monde et, quand tu commences à te faire charrier, c’est bon signe !

Quel est ton meilleur chambrage ?
Il y en a tellement… Ça sort comme ça, sur le moment. Si un joueur fait une connerie sur le terrain, on va lui tomber dessus dans le vestiaire. Ce que je peux dire, c’est que Dimitri Liénard, Adrien Thomasson et Kévin Gameiro sont mes cibles favorites. Ludovic Ajorque aussi, de temps en temps. On est un bon petit groupe !