Yahia Fofana (Angers SCO).
Interview

Yahia Fofana : « La Ligue 1 est vite devenue un objectif »

Yahia Fofana : « La Ligue 1 est vite devenue un objectif »

Interview
Publié le 14/09 à 14:56 - N. Maître

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Auteur de son premier match en Ligue 1 Uber Eats, dimanche dernier, lors du succès du SCO face à Montpellier (2-1), le portier Yahia Fofana (22 ans) revient sur son début de carrière, de sa formation au Havre à sa volonté de briller en Anjou.

Vous êtes arrivé en Ligue 1 Uber Eats cet été et venez de la découvrir avec Angers SCO. Comment vous définissez-vous comme gardien ?
Je suis un gardien qui prend de la place, qui a un bon jeu aérien et qui va vite au sol. Je pense correspondre à la nouvelle génération des gardiens modernes. J’ai aussi un bon jeu au pied, je n’ai pas de difficulté avec le ballon.

Comment est née votre volonté d’occuper ce poste ?
Au début, j’étais joueur de champ et je jouais un peu à tous les postes. Un jour, il manquait un gardien et, comme je n’étais pas très bon sur le terrain, on m’avait invité à aller dans la cage. J’ai fait un bon match et j’y suis resté par la suite. Je devais avoir huit ou neuf ans, donc je ne suis pas resté longtemps joueur de champ. A cette époque, j’étais déjà le plus grand de ma génération et je pense que ça avait joué. En plus, c’était mon grand frère l’entraîneur et lui-même était gardien. Il avait vu en moi des qualités pour jouer à ce poste.

Vous avez été formé au Havre AC. Comment aviez-vous intégré le centre de formation ?
J’ai débuté le foot à l’Espérance Paris 19e, un petit club de Paris, puis je suis parti au Red Star. J’ai joué deux saisons là-bas, une en U14 et une en U15, et j’ai tapé dans l’œil du recruteur du Havre AC, qui me suivait depuis quelque temps. A ce moment-là, j’ai signé pour trois saisons au centre de formation.

Etiez-vous titulaire dans toutes les catégories de jeunes au HAC ?
Quand je suis arrivé, comme j’étais un U16 première année, il y avait de la concurrence et je ne jouais pas. Mais au fur et à mesure des entraînements et de quelques matchs avec les U16, je suis rapidement monté avec les U17 nationaux. Je me suis retrouvé surclassé et, à partir de ce moment-là, je suis toujours resté numéro 1 dans toutes les catégories de jeunes.

Il paraît que vous étiez capable du meilleur comme du pire…
Il m’arrivait de commettre des grosses erreurs avec les jeunes, des boulettes tout simplement. Quand cela m’arrivait, j’étais au fond du trou, c’était toujours difficile. Mais c’était un mal pour un bien car ça m’a permis de progresser. Mon problème, c’était la concentration. Quand j’étais avec ma catégorie, j’étais tellement au-dessus que lorsque je jouais, je jouais en détente. Je savais que j’allais faire l’arrêt. J’étais nonchalant. Au centre de formation, on me disait tellement que j’étais fort, que je n'avais pas la grosse tête, mais j’étais trop sûr de moi. C’est ce qui m’a amené à faire des boulettes dans des matchs importants… J’ai travaillé et j’ai réussi à gommer ce défaut. Dès que j’ai joué en CFA, j’ai eu un déclic car il y avait plus de concurrence qu’au centre de formation. Je me suis dit que si je voulais être pro, je n’avais pas le droit à l’erreur et je suis devenu plus assidu.

« Je voulais absolument signer au Havre pour sa culture des gardiens »

Quel est le secret du centre de formation du HAC pour sortir aussi souvent des gardiens qu’on retrouve en Ligue 1 Uber Eats ?
C’est vrai que cette saison nous sommes trois gardiens à avoir été formés au HAC : Brice Samba, Steve Mandanda et moi. Franchement, je ne sais pas quel est le secret (rires). Je pense que c’est la qualité de la formation. Voir aujourd’hui trois gardiens havrais évoluer au plus haut niveau du football français, ça prouve le très bon travail du club. L’entraîneur des gardiens du centre, Michel Courel, est très bon. Tout ce qu’il fait, c’est fort. La formation chez les gardiens, on apprend très, très bien. Il travaille beaucoup à l’aide de la vidéo et fait attention à tous les détails. Personnellement, j’ai simplement appliqué ce qu’il m’a dit et ça a marché puisque je suis pro.

Qu’est-ce que vous regardiez pendant les séances vidéo ?
On regardait nos matchs, mais pas simplement pour les regarder. On pouvait rester une heure sur une vidéo, quitte à ne pas s’entraîner. On analysait ce qu’on aurait dû faire. Même si on avait arrêté le ballon, il nous montrait comment on aurait pu mieux gérer la situation. Quand je jouais en U17, le coach se projetait comme si j’étais en Ligue 2. Le club me préparait vraiment à jouer en pro. Même si en U17, ça passait, il t’expliquait qu’en Ligue 2 ou en Ligue 1, ça ne serait pas suffisant.

Est-ce que vous aviez ressenti une fibre des gardiens lors de votre arrivée au centre de formation ?
J’avais signé au Havre pour ça ! A l’époque, il y avait énormément de gardiens passés par le club qui jouaient en Ligue 1 : Zacharie Boucher à Toulouse, Johny Placide à Reims, Steve Mandanda et Brice Samba à Marseille. Quand on m’a dit que l’entraîneur des gardiens du club les avait tous côtoyés, je ne me suis pas posé de question, je me suis dit : « J’y vais ! ». J’avais eu d’autres propositions, mais je voulais absolument signer au Havre pour sa culture des gardiens. Je savais très bien que j’allais obligatoirement progresser.

Michel Courel vous parlait des autres gardiens qu’il a formés ?
Il prenait souvent l’exemple de Steve par rapport à son très bon comportement lorsqu’il était au club. Après, il nous parlait de tous les gardiens européens. D’ailleurs, quand on regardait des vidéos, il nous préparait parfois des extraits de ce que les différents gardiens avaient pu faire le week-end. Il nous montrait les gestes dont il fallait s’inspirer mais également ceux à ne pas faire. On le faisait une fois par semaine. Toutes ces séances vidéo m’ont marqué. C’est ce qui était vraiment bien avec Michel Courel.

La saison dernière vous avez disputé votre première saison comme numéro 1. Comment l’avez-vous vécue ?
Très bien ! Je pense avoir fait plein de bonnes choses, même si sur la fin, c’était un peu plus difficile collectivement. Il y a aussi eu une petite période où j’ai un peu baissé le pied, mais j’ai réussi à reprendre le bon cap et à bien terminer la saison. Au début, j’avais un peu de pression, je voyais que les supporters m’attendaient et que le coach comptait sur moi. J’étais toujours bon à l’entrainement mais je savais qu’il fallait que j’arrive à le retranscrire en match car ce n’est pas pareil. Au début, j’étais tellement concentré que je n’avais même pas le temps de prendre du plaisir.

« Quand tu deviens numéro 1, tu parles beaucoup plus avec tout le monde »

Qu’est-ce que cette place de numéro 1 avait changé dans votre quotidien ?
Plein de choses ! Quand tu es le gardien titulaire, tu gères davantage tes séances, tu sais que tu vas jouer le week-end, donc tu es encore plus concentré. Tu es beaucoup plus sur les détails. Quand tu es numéro deux, tu te dis souvent dans ta tête : « Je fais tout ça mais je ne vais pas jouer ». Il y a des périodes où tu peux te laisser aller.

Qu’est-ce que sont les détails dont vous parlez ?
Il y a l’alimentation, la récupération, les soins… J’ai vite compris de moi-même que c’était important. J’ai regardé beaucoup de reportages ou d’interviews où des grands joueurs expliquaient que l’hygiène de vie était importante, ça m’a aidé à en prendre conscience. Tout ce que j’ai mis en place durant ma formation et ma progression au Havre, je continue à le faire depuis mon arrivée au SCO.

Vous deviez également avoir plus d’échanges autour des matchs avec le coach et vos coéquipiers ?
C’est vrai que je parlais beaucoup plus avec Paul Le Guen. On échangeait beaucoup sur les matchs chaque week-end. Je regardais ce que j’avais bien ou moins bien fait. On avait une très bonne relation avec le coach et on est toujours en contact. Avec mes coéquipiers, j’échangeais également encore plus à l’entraînement. De toute façon, quand tu deviens numéro 1, tu parles beaucoup plus avec tout le monde. Il faut être rodé pour les matchs.

Rejoindre un club de Ligue 1 Uber Eats après seulement une saison de Ligue 2 BKT, c’était une évidence pour vous ?
C’était un objectif ! Dès le début de la saison, je m’étais dit : « Soit je monte avec le Havre en Ligue 1, soit j’y signe si j’ai une possibilité ». La saison dernière, je me suis senti bien, j’étais en confiance et j’ai compris que je pouvais aller en Ligue 1. Je suis quelqu’un de sûr de mes qualités, j’ai confiance en moi. Donc, dès qu’Angers s’est intéressé à moi, j’ai sauté sur l’occasion. Mais passer par la Ligue 2, c’est très formateur. D’ailleurs, presque tous les gardiens français de Ligue 1, hormis Alban Lafont, sont passés par la Ligue 2.

Vous vous étiez vraiment dit ça dès vos débuts ?
Quand même pas ! J’ai réfléchi étape par étape. Je me suis d’abord dit que je voulais faire dix bons premiers matchs. C’est ce qui s’est passé, puis j’ai continué sur cette lancée. A ce moment-là, je me suis dit : « Si je continue d’enchaîner, d’être bon et que des clubs s’intéressent à moi, je vais commencer à réfléchir. » Tant qu’on était dans les cinq premiers avec le HAC, je ne voulais pas prendre de décision. C’est uniquement à partir du moment où j’ai vu que la saison devenait compliquée que j’ai pris la décision de signer à Angers en janvier en vue de la saison suivante.

« Je me suis perdu avec les sollicitations »

A partir de ce moment-là, votre saison est devenue plus difficile sur le plan personnel…
J’avais tellement réalisé une grosse première partie de saison que lorsque j’ai baissé d’un cran j’ai commencé à recevoir des critiques. Tout le monde disait que c’était à cause de mon transfert et, je le reconnais, ce n’était pas totalement faux. Mon objectif de signer en Ligue 1 en fin de saison était déjà atteint. Je me suis inconsciemment relâché en sachant que je ne serai plus là la saison suivante. Je n’avais plus la même envie. Franchement, j’étais impuissant quand je jouais. Je n’arrivais plus à me transcender. Je comprenais les critiques des supporters. C’était une erreur de jeunesse difficile à expliquer. Je me suis perdu avec les sollicitations. Cela m’a permis de comprendre qu’au haut niveau, il faut toujours rester concentré quoi qu’il arrive. C’est une période qui va me servir tout au long de ma carrière.

Quelles sont les étapes que vous voulez gravir avec le SCO ?
Tout d’abord, je suis venu au SCO pour progresser et apprendre des gens qui m’entourent. Le reste, on verra avec le temps. Je dois apprendre à connaître la Ligue 1 Uber Eats. J’espère réaliser une grosse saison et aider le club à se maintenir le plus rapidement possible. Après, je suis toujours un jeune gardien, j’apprends et je découvre au quotidien. Je ne sais pas encore exactement tout ce qu’il faut faire pour être performant. Je n’ai pas encore toutes les clés. Quand tu es jeune, ce n’est pas facile de s’imposer en Ligue 1. J’ai souvent l’exemple d’Étienne Green (ASSE) qui me vient en tête. Il a été lancé puis il a rencontré des difficultés à garder sa place.

Dans quels domaines avez-vous une marge de progression ?
Je dois progresser dans la concentration. Quand tu es jeune gardien, la concentration peut te faire un peu défaut. Il faut également que je progresse dans la prise de parole. Je dois encore plus parler avec mes défenseurs et les aider dans leurs déplacements. A notre poste, on voit tout, mais on a parfois tendance à se focaliser que sur nous, surtout à mon âge. Quand j’ai commencé en pro, je ne me concentrais que sur moi et ma performance. Par exemple, si un joueur était tout seul derrière mon latéral gauche, je ne lui disais pas. Je ne pensais déjà qu’à être concentré pour faire l’arrêt, alors qu’il existe des arrêts invisibles. C’est-à-dire que juste avec la communication, on peut éviter de concéder des grosses occasions. Je dois encore travailler sur ce point. Je dois aussi me détendre davantage et être un peu moins crispé.

Quels sont les gardiens qui vous inspirent ?
Forcément, je me suis souvent identifié aux gardiens havrais : Carlos Kameni, Steve Mandanda, Brice Samba… J’ai aussi eu la chance de m’entraîner avec Edouard Mendy. Même à l’heure actuelle, je continue de m’inspirer des gardiens havrais. Je ne peux pas m’empêcher de les regarder, c’est la culture du club. Après, j’aime beaucoup Manuel Neuer. Quand j’étais petit, j’aimais bien regarder des vidéos de ses arrêts. A la Coupe du monde 2014, il avait terminé meilleur gardien, il était incroyable. Après la compétition, je ne faisais que de regarder des vidéos de lui. Je me disais : « Comment il fait ? Il est beaucoup trop fort ». C’est un gardien impressionnant, il a un style unique. Manuel Neuer, c’est la définition d’un gardien complet.

Quel est le moment où vous prenez le plus de plaisir ?
Quand j’attends un gros « waouh » traverser les tribunes après un arrêt. C’est une très grosse sensation. C’est ce qui me marque le plus depuis que j’ai commencé avec les pros. Ce sont des moments que je rêvais de vivre. Quand j’allais en tribune regarder un match en tant que spectateur et que je voyais un gardien faire un bel arrêt, j’espérais un jour être à sa place pour faire vibrer le public.