Sélectionné pour participer à sa deuxième Coupe du monde avec la Tunisie, l’attaquant du Montpellier Hérault SC Wahbi Khazri revient sur ses meilleurs souvenirs avec les Aigles de Carthage et évoque sa joie de se retrouver dans le groupe de l’Equipe de France.
Vous portez les couleurs de la Tunisie depuis quasiment 10 ans. Cela doit vous faire quelque chose à l’aube de débuter votre deuxième Coupe du monde ?
C’est exceptionnel ! Je ne pensais pas un jour jouer pour mon pays ou disputer une Coupe du monde. Tout ce qui m’arrive avec la sélection, c’est magnifique. Avoir déjà joué une Coupe du monde, c’est une fierté, alors en jouer une deuxième... En plus, on est dans la même poule que la France, c’est magnifique. Depuis toutes ces années, je prends beaucoup de plaisir et je suis content de ce que je fais avec la sélection. Il y a tellement d’engouement autour. La Tunisie, c’est un pays de football. Depuis la révolution en 2011, on sent que les gens ont besoin de vivre des moments de joie, et le foot leur permet de s’évader. Sachant qu’on est garants de cela, c’est important de tout donner.
Quels souvenirs gardez-vous de votre première cape (face à Éthiopie 1-1, le 7 janvier 2013) ?
J’avais un peu d’appréhension et une petite boule au ventre au début car j’avais envie de bien faire. Mais ça reste un bon souvenir. Dès que tu entends l’hymne, tu as les frissons. Tu sens directement que c’est autre chose de représenter son pays. J’ai dû patienter un peu avant de jouer à domicile. Mais quand tu joues au Stade Olympique de Radès, c’est plaisant parce que tu joues devant 60 000 personnes. De toute façon, même quand on se déplace dans des petites villes, c’est souvent plein. L’ambiance est à l’image de celle des clubs du pays, que ce soit le Club africain, l'Espérance de Tunis ou encore de l'Etoile du Sahel. D’ailleurs, ce sont des ambiances à voir !
La pression est-elle différente lorsqu’on porte le maillot de son pays ?
Dans ma tête, j’essaie de prendre n’importe quel match de la même façon. Je ne me mets pas plus de pression pour un match de Coupe du monde que pour un match de championnat. J’aborde les matchs en me disant : « Je ne dois pas avoir de regret à la fin, je dois donner mon maximum. » Je ne me suis jamais dit : « C’est un match de Coupe du Monde, je dois en faire plus ». Ce n’est pas ma manière de fonctionner. J’entre toujours sur le terrain avec le même état d’esprit après je peux être bon comme mauvais…
Vous étiez du voyage en 2018. Un premier match en Coupe du monde, qu’est-ce que ça représente ?
C’était exceptionnel. En face, c’était l’Angleterre, un collectif rempli de stars. Réussir à rivaliser avec eux, c’était quelque chose de fort. On prend un deuxième but d’Harry Kane dans le temps additionnel (1-2), mais je pense qu’on avait fait honneur au peuple tunisien. Quand tu disputes un tel match, alors que des joueurs de classe mondiale n’ont jamais eu la chance de participer à un Mondial, ça reste gravé dans ta mémoire toute ta vie. Puis, j’ai aussi eu la chance de marquer et de faire marquer face à la Belgique et au Panama (un but et une passe décisive lors des deux matchs).
« J’ai envie de rendre fier le peuple tunisien »
Quel autre moment est resté gravé à jamais dans votre mémoire ?
Le match nul face à la Libye à Radès qui nous permet de nous qualifier à la Coupe du monde 2018 (0-0, le 11 novembre 2017). Le stade était plein à craquer. Je me souviens que pendant l’hymne tout le monde chantait. D’ailleurs, j’en ai gardé une vidéo dans mon téléphone !
Comment voyez-vous votre rôle au sein de cette équipe de Tunisie ?
Je commence à devenir un ancien, j’ai pas mal d’expérience, donc j’essaie de bien intégrer les nouveaux et les petits jeunes qui arrivent. C’est important car ce sont eux qui vont prendre la succession. Comme je l’ai dit, c’est un pays de football, il y a beaucoup de jeunes qui rêvent de porter ce maillot, donc une fois qu’ils sont appelés, il faut qu’ils sachent pourquoi ils sont là. Après, j’essaie surtout d’être performant personnellement et d’apporter un plus à l’équipe. J’ai envie de rendre fier le peuple tunisien.
Abordez-vous cette Coupe du monde en vous disant qu’il va falloir profiter du moment car cela pourrait être votre dernière ?
Je pense que ce sera ma dernière, donc oui. Il ne va pas falloir gâcher les chances qu’on aura. On a un groupe homogène. Certes, la France est au-dessus, mais tout est jouable face à l’Australie et le Danemark. Il faudra bien récupérer entre les matchs et jouer le coup à fond. Ça serait la pire des choses d’avoir des regrets, donc il faut donner son maximum. J’ai envie d’en garder de bons souvenirs.
Justement, sortir de votre groupe (France, Danemark, Australie) vous paraît à votre portée ?
Oui ! L’objectif, c’est de sortir de ce groupe ! Se qualifier pour les huitièmes, ça serait historique pour la Tunisie. On a la chance de ne pas avoir de joueur star dans l’équipe, on est plus un collectif et on a souvent réussi à tenir tête à des grosses nations ces dernières années. On est capables de faire de belles choses.
En quoi l’expérience de votre Coupe du monde 2018 peut-elle être utile ?
Elle va être utile dans la gestion des matchs. Par exemple, pour revenir au match face à l’Angleterre, on commet une erreur au poteau de corner dans le temps additionnel alors qu’on doit dégager la balle... Ce genre de détail face à des grandes nations, on le paie cash. C’est sur ce type de situation qu’on va devoir être plus vigilant pour commettre le moins d’erreur possible.
« J’ai pas mal de drapeaux sur mes épaules, c’est agréable »
Vous avez parlé à plusieurs reprises de la France, votre pays natal. Qu’est-ce que ce match représente pour vous ?
Je voulais être dans le groupe de la France avant le tirage au sort. C’est un rêve qui va se réaliser. On va jouer face à de très grands joueurs. C’est un match qui va être diffusé dans le monde entier et, surtout, en France, où je vis, donc ce sera agréable. Montrer de quoi tu es capable contre une grosse équipe et des grands joueurs, c’est ce que tu souhaites dans une carrière.
Comment êtes-vous perçu en Tunisie ?
Je pense que je suis plutôt aimé. J’essaie de représenter la Tunisie en France tous les week-ends en étant performant. Après, j’ai aussi la chance de représenter la Corse, car je suis né là-bas. J’ai pas mal de drapeaux sur mes épaules, c’est agréable. Quand on parle de moi, j’aime bien entendre : « Wahbi, le Corse, Wahbi, le Tunisien ». Je trouve que c’est plaisant de voir ses origines être mises en avant. Je suis tunisien à 100%, français à 100% et corse à 100%. Je n’ai pas de gêne par rapport à cela.
Vous comptez aujourd’hui 72 sélections. Est-ce qu’il vous arrive de penser au parcours que vous avez déjà accompli avec la Tunisie ?
Oui ! J’ai fait cinq Coupes d’Afrique, je vais participer à ma deuxième Coupe du monde… Ça pourrait être une belle manière de boucler la boucle. Je pense aussi à la fin de mon histoire avec la sélection. Il y a des jeunes qui poussent, qui ont des choses à montrer et je vais peut-être devoir leur laisser la place. Après, je me sens vraiment bien physiquement, je me sens vraiment fort. Je vais jouer cette Coupe du monde à fond, puis je verrai après ce qu’il en est.
Vous êtes tout de même à 12 buts (24) de devenir le meilleur buteur de la sélection (Isaam Jemâa, 36). Est-ce un record dans un coin de votre tête ?
Franchement, je n’accorde que très peu d’importance à cela. Comme j’aime le dire, à la base, je ne suis pas un attaquant. Je mets simplement des buts car j’aime en mettre, je suis souvent bien placé et on me met dans de bonnes dispositions. Je ne suis pas du tout obnubilé par le but. Être le deuxième meilleur buteur de la sélection, c’est déjà très beau et j’en suis fier. Je n’ai pas cette idée en tête d’aller chercher le record. Si on sort des poules sans que je ne marque le moindre but, je signe des deux pieds et des deux mains.