Moussa Sissoko (FC Nantes).
Interview

Moussa Sissoko : « Je donne ma vision sans me prendre pour le coach »

Moussa Sissoko : « Je donne ma vision sans me prendre pour le coach »

Interview
Publié le 27/07 à 12:16 - N. Maître

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Recrue phare du FC Nantes, Moussa Sissoko se livre sur son retour en Ligue 1 Uber Eats et se projette sur le Trophée des Champions face au Paris Saint-Germain, programmé dimanche (20h).

Moussa, revenir en Ligue 1 Uber Eats cet été, c’était votre priorité ?
Dans ma tête, c’était clair, je voulais revenir en France tôt ou tard. J’ai quitté la Ligue 1 Uber Eats jeune, j’avais 23 ans, donc je me suis toujours dit que je reviendrais. J’ai envie de rendre au championnat français ce qu'il m'a donné puisqu'il m'a permis d’être le joueur que je suis aujourd’hui. Le projet du FC Nantes m’a plu et convaincu, c’est pour ça que j’ai accepté de revenir.

Quelles raisons vous ont motivé à rejoindre le FC Nantes ?
Premièrement, c’est la discussion que j’ai eue avec le président et le coach. Ils m’ont montré un réel désir de me voir rejoindre le club. C’est la chose la plus importante. Après, j’ai vu la très belle saison du club l’an dernier, que ce soit en Ligue 1 ou en Coupe de France, avec un bon groupe et de très bons jeunes. Puis, historiquement, Nantes fait partie des grands clubs français. C’est un mélange de tout cela qui m’a convaincu de signer ici.

Votre arrivée a suscité de l’engouement. Comment l’avez-vous perçu ?
C’est flatteur. Ça fait toujours plaisir de voir qu’on est désiré. Depuis que je suis arrivé, quand je sors dans la ville, il y a beaucoup de gens qui me remercient de ma venue. Mais le plus important pour moi, c’est de rester l’homme que je suis et de ne pas me mettre de pression. Je sais qu’il y aura forcément de l’attente au vu de ma carrière et du fait que je sois international français, c’est quelque chose de tout à fait légitime. Je viens ici avec la volonté d’apporter mes qualités au service du collectif, de partager mon expérience et de toujours apprendre. J’espère que la mayonnaise va prendre et qu’on va réussir à faire une belle saison tous ensemble.

Le groupe paraît très soudé depuis la saison dernière et son sacre en Coupe de France. Comment se déroule votre intégration ?
Très bien ! Dès ma première journée au club, les joueurs et le staff technique ont été cools avec moi. Après, j’ai la chance de bien connaître Charles Traoré, car on vient du même quartier, et Kader Bamba, que j’ai croisé à Toulouse. C’est un groupe qui vit bien à l’image de la saison passée. Mais je pense que cette cohésion est due à la saison précédente, où le club a joué le maintien avant de se sauver lors des barrages. Cette période difficile a soudé le groupe et contribué aux résultats de l’an dernier. J’espère de tout cœur qu’on va continuer sur cette lancée, car on va avoir de belles affiches à disputer entre le championnat, l’Europa Ligue et la Coupe de France.

« Je vais tout faire pour partager mon expérience »

Du côté de vos coéquipiers, avez-vous également ressenti une certaine attente ?
(Il réfléchit.) Il faudrait leur poser la question. Mais j’ai vu que le groupe était heureux de ma venue, certains m’ont également posé des questions. C’est aussi ce qui a facilité mon intégration parce que j’ai vu qu’ils étaient contents de mon arrivée. Et de leur côté, ils ont vu que je suis quelqu’un de simple, qui ne se prend pas la tête, qui aime déconner, que ce soit avec les plus jeunes ou les plus vieux.

Avez-vous déjà prodigué des conseils à vos coéquipiers ?
Déjà, sur le terrain, il m’arrive d’en donner naturellement. Après, du fait de mon vécu, j’essaye de les aider et de répondre à leurs demandes mais, parfois, le coach peut avoir une réponse différente. On va dire que je donne ma vision par rapport à ce que j’ai pu voir à l’étranger et avec l’équipe de France, sans pour autant me prendre pour le coach et me positionner au-dessus des autres joueurs.

Avez-vous un exemple ?
Je n’aime pas donner des détails (rires). Bon, par exemple, lors d’un entraînement, j’ai eu une petite discussion avec Robin Voisine au sujet du marquage. On a échangé sur le moment où il faut changer de joueur, je lui ai dit qu’il fallait essayer de ne pas se croiser entre coéquipiers et toujours être dans la communication pour parvenir à défendre plus facilement. Ce sont des petites choses qui peuvent avoir une grande importance durant les matchs. La communication est très importante, c’est ce qui peut faire la différence.

Antoine Kombouaré attend beaucoup de votre apport dans le vestiaire. En quoi votre expérience du très haut niveau peut être précieuse pour le groupe ?
J’ai eu la chance, et j’espère en avoir encore d’autres, de jouer beaucoup de matchs avec l’équipe nationale, beaucoup de matchs de Ligue des champions, de jouer le haut de tableau avec Tottenham, de côtoyer des grands joueurs et d’être entraîné par des grands coachs, donc j’ai vu un peu de tout et j’ai beaucoup appris. Je reviens en France avec beaucoup plus d’expérience et de vécu. Tout ce que j’ai pu vivre, que ce soit dans les bons moments ou même dans les périodes difficiles, je vais pouvoir le partager. Et même si l’équipe n’en retient qu’un ou deux pourcents, je pense, et j’espère, que ça peut la faire progresser. Je vais tout faire pour partager mon expérience de la meilleure des façons. Après, la vérité, ce sera sur le terrain. C’est bien beau de parler pour essayer de donner les meilleurs conseils mais, le plus important, c’est de se donner à fond, se battre et tout faire pour être plus fort que l’adversaire.

« J’ai envie de me fixer un nombre de buts »

Vous avez passé presque 10 saisons en Angleterre. Sur quels points avez-vous le plus appris en Premier League ?
C’est au niveau de l’intensité des matchs. C’est vraiment du non-stop, du box to box, pendant 90 minutes. Avant d’aller là-bas, je voyais les matchs à la télé mais, sur le terrain, c’est encore plus intense, je l’ai réellement vécu en étant resté quasiment 10 ans. J’ai vraiment fait le bon choix quand je suis parti en Angleterre, car c’est un championnat qui est fait pour mes qualités. Et je pense que c’est pour cela aussi que j’ai réussi là-bas. Ce n’est pas un championnat facile, on voit pas mal de joueurs y aller et rencontrer des difficultés, mais j’ai eu la chance de m’y plaire et d’être performant. Après, j’ai eu des saisons moins bonnes, ce qui arrive mais, sur mes dix années, je ne retiens que du positif. Ça a été dix années merveilleuses pour moi.

Savez-vous dans quel registre Antoine Kombouaré souhaite vous utiliser ?
Oui et non. On a eu une courte discussion avec le coach. Après, lors de ma présentation, il a dit qu’il voulait me voir jouer 8 et, personnellement, c’est mon poste préférentiel. Après, par le passé, j’ai aussi évolué devant la défense ou sur le côté droit. De toute façon, même si j’ai une préférence pour l’axe en tant que 8, je ferai ce que le coach me demande. Je suis un joueur au service du collectif car il faut savoir s’adapter à des changements tactiques, à une idée du coach ou à un plan de jeu bien précis pour telle ou telle raison. Ce sera au coach de voir. S’il décide de me mettre dans une position, je sais que ce sera pour un but précis.

Être associé aux côtés de Pedro Chirivella pourrait vous plaire ?
Jouer à deux milieux, ça ne me pose pas de problème. Il y en a toujours un qui reste pour assurer l’équilibre tandis que l’autre est plus libre et peut aller vers l’avant. Je suis prêt à occuper ce second rôle. Après, je ne sais pas si je vais être aligné avec Pedro. On sera plusieurs à candidater au milieu. Il y a Samuel Moutoussamy, les jeunes Lohann Doucet et Mohamed Achi. Il y aura des rotations. Il faudra savoir nouer une bonne relation au sein de chaque paire. Maintenant, si je joue avec Pedro, je pense qu’on est complémentaire. Lui, c’est plus un joueur de ballon qui reste devant la défense et, moi, je me projette plus, je suis dans la percussion. C’est quelque chose qui peut bien fonctionner. Mais peu importe la paire qui sera au milieu, peu importe si l'on joue dans un système à deux ou à trois, le plus important sera d’être performant tous ensemble.

Cette association vous a déjà permis de vous montrer offensif au cours de la préparation…
C’est sûr que lorsqu’on a été associé avec Pedro, ça s’est bien passé. On arrive bien à communiquer. C'est toujours plaisant de jouer avec un joueur avec une telle aisance technique. C'est lui qui crée le jeu, donc ça me permet d'être un peu plus focalisé sur la partie offensive, d'essayer d'apporter un plus pour les attaquants, d'être un soutien et d’être dans la zone de vérité. Je ne le cache pas, j’aime bien marquer. Ces dernières saisons, j’ai été un peu moins décisif mais, cette année, j’ai envie de me fixer un nombre de buts. Si on est bon collectivement et qu’en parallèle je peux apporter un certain nombre de buts ou de passes, ce sera encore plus gratifiant.

« Le PSG a carrément changé de dimension »

Quels joueurs vous ont particulièrement surpris depuis votre arrivée au FC Nantes ?
Il y a un très bon groupe ! Ludovic Blas est un très gros joueur, très fort techniquement, Marcus Coco également et, comme je l’ai dit juste avant, Pedro Chirivella a une grande aisance technique. Il y a aussi Alban Lafont dans la cage, qui est, à mon sens, proche des portes de l’équipe de France. J’allais l’oublier, car il a repris plus tard, mais Moses Simon est inarrêtable en un contre un. Après, il y a des jeunes qui arrivent qui sont très forts, mais il faut leur laisser du temps. Il y a vraiment de quoi avoir une très belle équipe.

Quels sont vos objectifs ?
C’est de faire une bonne saison personnellement et collectivement. Je veux réussir mon retour en France. J’espère parvenir à apporter mon expérience à l’équipe. Et j’ai avant tout envie de prendre du plaisir sur le terrain, d’être heureux, parce qu’on fait un métier formidable. Ensuite, il y a le Mondial qui arrive en fin d’année, je vais essayer de mettre toutes les chances de mon côté pour faire partie de l’aventure.

Cette saison s’annonce passionnante pour le FC Nantes avec un Trophée des Champions à conquérir et un retour en Coupe d’Europe…
Avoir autant d’échéances à disputer, en tant que professionnel, c’est ce dont on rêve. Le Trophée des Champions arrive très rapidement. C’est un très beau trophée à ne surtout pas négliger. Une finale, ça ne se joue pas, ça se gagne. Je pense que cela peut être quelque chose de grandiose pour le club. Concernant la Coupe d’Europe, je pense que ce sera des matchs où il y aura une belle ambiance au stade. Ça va être quelque chose de magnifique pour le club de revivre des soirées européennes. Ce club et ce public le méritent par rapport à leur histoire. Et, c’est pareil, il faudra jouer les matchs à fond, surtout qu’ils ont toujours une saveur particulière, et faire du mieux qu’on peut.

Lors de votre départ de la Ligue 1 Uber Eats en janvier 2013, le projet du PSG prenait forme avec Thiago Motta, Javier Pastore ou Zlatan Ibrahimović. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’évolution de cette équipe ?
Le PSG a carrément changé de dimension. En dix ans, il a pris une tout autre envergure. Maintenant, ils ont les meilleurs joueurs au monde. Je pense que tous les joueurs sont aujourd’hui attirés par le PSG. Je trouve ça bien d’avoir un club français à ce niveau-là, c’est plaisant de voir des grosses stars venir dans notre championnat. Cela permet de relever le niveau. Pour les autres équipes, c’est aussi toujours plus stimulant de jouer face aux meilleurs joueurs au monde. Peut-être que c’est plus difficile d’obtenir un résultat, mais c’est bien. Quand tu es compétiteur, tu aspires à jouer face à une équipe de ce calibre. C’est une chance de pouvoir l’affronter. Après, ils ont l’objectif de gagner la Ligue des champions et on voit que même si tu as de grands joueurs, ça ne fait pas tout. Mais j’espère qu’à l’avenir ils réussiront à le faire pour enrichir le palmarès du football français. Cela ne pourra être que plus gratifiant pour notre pays.

Vous sortez d’une saison pleine avec Watford (36 matchs de Premier League). Peut-on s’attendre à un Moussa Sissoko en pleine possession de ses moyens dès le Trophée des Champions ?
C’est difficile à dire car il y a eu les vacances. Après la préparation estivale, on n’est jamais directement dans les meilleures conditions. Il faut que la machine se remette en route, il y a aussi la chaleur, plein de choses qui entrent en jeu. Lors du premier match, il n’y a aucun joueur qui peut dire qu’il est à 100%. Mais je fais tout pour être dans les meilleures conditions pour pouvoir faire une belle performance et aider l’équipe à gagner ce match. On ne sera pas au top de notre forme mais le PSG non plus. C’est un trophée, il faut le prendre. Même si c’est le PSG en face, le club a montré à plusieurs reprises qu’il est possible d’avoir des résultats face à cette équipe. Il faudra aller là-bas en étant costaud, solide, en ayant confiance en soi, même si on sait qu’on joue un grand d’Europe.

« C’est important de ne pas être intimidé »

Vous connaissez les grands rendez-vous. Comment faut-il aborder ce genre de confrontations ?
Sans pression ! De toute façon, on ne va pas se mentir, sur le papier, ils sont favoris. C’est quelque chose de tout à fait normal. Nous, je ne vais pas dire qu’on n’a rien à perdre, car c’est une finale, mais il faudra jouer libéré. Dans ce type de match, il faut jouer son jeu, kiffer l’instant présent et, évidemment, tout faire pour l’emporter. Il faut être sûr de ses forces, de ses qualités, jouer sur nos qualités et ne pas montrer trop de respect à l’adversaire parce qu’il y a Messi, Neymar ou un tel en face. C’est important de ne pas être intimidé, car il y a certains matchs, tu peux les perdre avant de les avoir joués. Il ne faut pas se focaliser sur les noms qu’il y a en face, il faut y aller !

Allez-vous tenir un discours particulier auprès de vos coéquipiers ?
Peut-être. Après ça, c’est quelque chose de spontané, ça ne se prépare pas. En fonction de ce que je vais voir à l’entraînement ou avant le match, si je sens que je dois prendre la parole, je dirais ce que j’ai à dire au moment venu. Mais je ne suis pas le seul joueur d’expérience, il y a d’autres joueurs dans l’équipe qui prennent la parole au quotidien. On devra se souder tous ensemble, et je pense qu’on peut faire quelque chose de beau.

La victoire du LOSC la saison passée peut-elle être une source d’inspiration ?
Sur le match en lui-même, c’est difficile de dire qu’on va s’inspirer d’une autre équipe. On a des joueurs différents. Je pense plutôt qu’on doit s’inspirer de la manière dont le FC Nantes a réussi à battre le PSG la saison dernière à la Beaujoire (3-1). Bien sûr, ils ont beaucoup de qualités, mais ils ont aussi des faiblesses. Il faut jouer sur ces faiblesses pour leur faire mal. Si l’équipe a réussi à les battre l’an dernier, c’est grâce à cela. Il faudra continuer sur cette logique et pas forcément regarder ce qu’a pu faire le LOSC, hormis peut-être dans l’état d’esprit collectif.

Vous n’avez toujours pas remporté de trophée. N’est-ce pas le meilleur moment pour y remédier ?
Ce serait formidable ! Revenir en France et commencer avec un trophée, mon premier, ce serait sympa. J’ai beau avoir joué une finale de Ligue des champions en 2019, une finale de l’Euro en 2016 et une finale de League Cup en 2021, je n’ai toujours pas eu cette chance de soulever un trophée. Bien sûr, il y a de la déception, mais ça fait partie du jeu. J’ai digéré toutes ces finales perdues. Ce n’est pas parce que je n’ai pas gagné de trophée qu’aujourd’hui je me sens mal ou que je ressens un manque. Avant tout, quand j’étais gamin, mon rêve, c’était de devenir footballeur professionnel et j’ai réussi à l’atteindre. Le reste, ce n’est que du bonus. Mais ma carrière n’est pas terminée, si je peux ramasser quelques trophées, ce sera avec plaisir.

(Crédit photo : FC Nantes)