Pedro Chirivella (FC Nantes).
Interview

Pedro Chirivella : « J’aime être où le jeu de l’équipe se dessine »

Pedro Chirivella : « J’aime être où le jeu de l’équipe se dessine »

Interview
Publié le 01/06 à 09:56 - NM

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Arrivé à l’été 2020 au FC Nantes, Pedro Chirivella s’impose depuis comme la plaque tournante du jeu des Canaris. Formé à Valence puis passé par l’académie de Liverpool, l’Espagnol se livre sur sa conception du poste de milieu de terrain, sa manière de voir et de penser le jeu.

A quoi pensez-vous lorsque vous entrez sur le terrain ?
Je n’ai qu’une hâte : que l’arbitre siffle le coup d’envoi ! L’échauffement, c’est toujours un peu long, j’ai tout de suite envie de débuter la rencontre. Ensuite, je me concentre sur le fait de tout donner pour l’équipe et de faire de mon mieux, pour qu’une fois que le match se termine, je sois content d’avoir donné le meilleur de moi-même.

Vous êtes immédiatement concentré sur votre rencontre ?
Je suis quelqu’un qui pense beaucoup. Dès la veille d’un match, que je sois chez moi ou à l’hôtel, je le prépare déjà mentalement. Quand on joue à domicile, j’entre plus facilement dans mon match, car ça fait déjà pas mal de temps que je me concentre dessus.

Vous voyez vous évoluer ailleurs qu’au milieu un jour ?
Non, c’est le poste auquel je joue depuis toujours ! Dès que j’ai commencé à jouer, tout petit à Valence, mon premier coach m’a positionné au milieu. C’est le poste où je me sens le mieux et où je peux le plus aider l’équipe. C’est devenu naturel pour moi. Je pense que je jouerai à ce poste toute ma vie. Mes coachs m’ont toujours mis au milieu. J’aime être où le jeu de l’équipe se dessine. Je suis quelqu’un qui aime beaucoup avoir le ballon, le toucher et, forcément, en étant à ce poste, c’est plus facile de l’avoir, car tout le jeu passe par le milieu de terrain. Je n’ai pas peur de toucher plein de ballons. Je n’ai pas non plus peur d’avoir des responsabilités. Antoine Kombouaré me dit souvent de toucher le plus de ballons possible car c’est important pour l’équipe.

Quand l’un de vos défenseurs a le ballon, quel est votre premier réflexe ?
D’être libre pour le recevoir. Quand on doit ressortir le ballon, j’aime bien m’insérer entre les défenseurs centraux pour pouvoir initier la relance le plus vite possible et être face au jeu. Je pense que c’est l’un de mes points forts. Nous, les joueurs espagnols, c’est quelque chose qu’on travaille très jeune. Dès tes six ans, tu t’entraînes beaucoup sur cet aspect pour qu’il devienne naturel.

« Au milieu, il faut jouer très vite et toujours être bien orienté »

Faut-il toujours voir et savoir avant de recevoir ?
C’est très important ! Au milieu, il faut jouer très vite et toujours être bien orienté car tu as des joueurs qui viennent de partout. Il faut savoir si tu dois jouer en une touche ou si tu peux te retourner. C’est pour cela qu’il faut toujours être bien orienté.

C’est-à-dire ?
Il faut être le plus possible face au jeu. Quel que soit le joueur, tu es plus fort lorsque tu as le jeu face à toi. Quand tu as quelqu’un dans ton dos, c’est toujours plus compliqué de te retourner et de prendre la bonne décision. Si tu reçois le ballon le corps tourné vers un côté, tu vas plus facilement pouvoir faire un contrôle orienté et te retrouver face au jeu.

Quand le ballon arrive dans vos pieds, vous savez donc toujours ce que vous allez faire ?
J’essaie ! Comme je l’ai dit, j’essaie toujours de voir avant. Par exemple, si un de nos latéraux a le ballon, moi, j’appelle déjà les attaquants, car je sais déjà que lorsque je vais le recevoir, je vais tenter de les trouver en une touche. Bien sûr, ce n’est pas toujours possible, donc il faut avoir des alternatives : dribbler ou jouer vers l’arrière.

Dans ce cas-là, est-ce l’instinct qui prédomine ?
Oui, quand je ne peux pas jouer en une ou deux touches, c’est l’instinct qui parle. Tu ne peux que compter sur ta capacité à conserver le ballon ou à trouver une passe compliquée. Mais j’aime bien me retrouver dans ce type de situations, car j’ai assez d’habilité pour garder la balle ou trouver des solutions peu évidentes.

Quelle est votre idée première quand vous recevez le ballon ?
Ça dépend du match et de l’état de forme de l’équipe. Si tu subis pendant dix minutes, tu vas préférer le garder un peu et ne pas tout de suite repartir vers l’avant. Après, si c’est un match plus ouvert, qu’on a des solutions au milieu et qu’on voit qu’on peut avoir des occasions quand on récupère le ballon, je vais directement penser à trouver mes attaquants.

« Les ballons dans le dos sont ceux qui posent le plus de difficultés aux défenseurs »

Avez-vous parfois peur de perdre le ballon ?
J’aime prendre des risques. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose d’avoir le ballon et d’en même temps penser au fait qu’il ne faille pas le perdre. Sinon, tu vas jouer lentement et tu ne vas pas faire les bons choix. Le football, c’est des prises de décisions et des prises de risques. Sans cela, tu ne peux pas marquer de but. Il faut savoir trouver un équilibre dans son jeu. Si je joue toujours vers l’arrière, le jeu de mon équipe ne va pas progresser et ce sera plus facile pour l’adversaire de presser.

A votre poste, faut-il penser plus vite ?
Je dirais plutôt qu’il faut penser de manière différente. Dans le football actuel, qui est très physique, il faut penser plus vite que l’adversaire à tous les postes, mais c’est vrai qu’au milieu, tu n’as vraiment pas beaucoup de temps avec le ballon. On vient te presser de partout, il faut être très vigilant et jouer avec sa tête pour trouver des solutions. Il faut toujours être attentif et concentré.

Quand vous avez le ballon, qu’est-ce que vous regardez en premier ?
Je regarde tout le temps au loin. À mes yeux, les ballons dans le dos sont ceux qui posent le plus de difficultés aux défenseurs. Dans ce cas-là, c’est une décision que tu dois prendre rapidement. Il faut voir si tu peux vraiment la mettre en profondeur, sinon il faut trouver une solution proche ou garder le ballon. Mon rôle, c’est de ne pas perdre le ballon et de faire progresser l’équipe sur le terrain.

Comment réagissez-vous quand vous voyez qu’un adversaire est en marquage individuel sur vous ?
J’essaie d’abord de voir si le joueur me suit dans toutes les zones du terrain ou si je peux avoir des zones de liberté. Si je ne peux vraiment rien faire, car un adversaire est très bon au marquage, je tente de l’amener avec moi dans des zones qui vont libérer des espaces pour Ludovic Blas ou un autre milieu. Quand ça m’arrive, c’est un peu frustrant, mais c’est normal, ça fait partie du jeu. Il faut savoir s’adapter.

Quelle est votre définition d’une bonne passe ?
Premièrement, c’est une passe qui arrive à un coéquipier. Ensuite, il faut qu’elle soit vers l’avant et qu’elle casse une ligne. Quand j’étais en Angleterre, lors de ma formation à Liverpool, le coach Neil Critchley me disait que le rôle des milieux était de mettre dans les meilleures conditions les joueurs qui vont faire des différences : le numéro 10, l’attaquant ou les ailiers. Donc, une bonne passe, c’est réussir à trouver quelqu’un qui va faire la différence.

D’où vient votre capacité à renverser le jeu en une ou deux touches de balle ?
Quand je suis arrivé à Valence à l’âge de 5 ans, mon premier coach m’a dit après trois ou quatre entraînements : « Tu vas être milieu de terrain ». En Espagne, la formation est beaucoup axée sur la tactique, les passes et les changements de direction. Le jeu que je pratique aujourd’hui, c’est celui que j’ai appris là-bas. Après, même si j’ai travaillé, j’ai un bon pied droit depuis tout petit. Mon jeu de passe a toujours été ma qualité première.

« J'ai tendance à parler avec l'arbitre. C'est mon caractère »

Est-ce quelque chose que vous avez également développé à Liverpool ?
C’est surtout au niveau physique que mon passage à Liverpool m’a beaucoup aidé. A l’époque, j’avais déjà un gros volume de jeu, mais je courrais toujours dans le même tempo, je péchais dans les courses à haute intensité. C’était mon point faible étant plus jeune mais je trouve que je me suis beaucoup amélioré. Je continue de travailler sur cela depuis mon arrivée à Nantes.

Quel geste préférez-vous réaliser sur le terrain ?
J’aime tous les gestes avec le ballon aux pieds, mais celui que j’affectionne le plus, c’est de réaliser des passes en une touche qui cassent les lignes.

Si Pedro Chirivella joue bien, le FC Nantes joue bien ?
Je ne crois pas. Peut-être que ça aide un peu mais c’est beaucoup plus important que Ludovic Blas soit bien, que Moses Simon soit dans son match ou qu’Alban Lafont enchaîne les arrêts… On est une équipe qui a de belles individualités mais on est surtout un bloc cohérent. On s’entend bien et on joue comme une équipe.

Ce rôle de joueur qui pense le jeu pour les autres demande-t-il d’avoir un caractère affirmé ?
Oui. On voit sur le terrain que j’aime bien parler et replacer mes coéquipiers. J’ai aussi parfois tendance à parler avec l’arbitre. C’est mon caractère. J’ai toujours eu ce comportement sur le terrain. De toute façon, c’est un rôle que le coach me demande de tenir. Au milieu, j’ai tous mes attaquants devant moi, donc il faut forcément parler. Si tu vois qu’il y a un espace alors que ça ne devrait pas être le cas, il faut communiquer et appeler un de tes coéquipiers pour le fermer.

Vous définiriez-vous aujourd’hui comme un milieu de terrain complet ?
Oui. C’est vrai qu’au-delà de mes qualités avec le ballon, je me suis beaucoup amélioré sans. Mais j’ai encore des points à améliorer. Je dois devenir encore plus décisif sans le ballon. Je travaille pour ça. Depuis la saison dernière, je sens que c’est plus facile pour moi dans ces phases de jeu. J’ai disputé plus de 100 matchs depuis mon arrivée à Nantes, donc c’est plus facile de progresser avec autant de temps de jeu.