Interview

Pierre Lees-Melou : « Je ne vais pas me mettre à aboyer »

Pierre Lees-Melou : « Je ne vais pas me mettre à aboyer »

Interview
Publié le 08/03 à 18:28 - Arnaud Di Stasio

Partager

Revenu en France l’été dernier, le milieu brestois Pierre Lees-Melou se livre avant la réception du PSG. Le capitanat, le cadeau de Jordan Galtier, les haricots, Loïc Rémy... Entretien.

Le Stade Brestois 29 vient de sortir de la zone rouge grâce à une belle victoire à Strasbourg (0-1). C’était impératif de prendre des points avant de se déplacer à Paris ?
C’est sûr que c’était un match très important pour nous car c’était face à un concurrent direct. On savait que ce ne serait pas facile mais on a réussi à répondre présent dans cette bataille. Ce n’était sûrement pas le plus beau match de Ligue 1 Uber Eats de la saison mais il fallait prendre les trois points. C’est ce qu’on a fait, en montrant de la solidarité et des valeurs de combat. Ces trois points nous font du bien.

Vous allez affronter le PSG trois jours après son match de Ligue des champions. Est-ce un avantage ?
Pas vraiment car le PSG a un gros effectif, ils n’ont pas seulement 11 joueurs. Leur match de Ligue des champions aura peut-être une incidence sur notre rencontre de samedi mais ça reste des professionnels. On sait que ce n’est jamais facile contre Paris. Mais au match aller, on n’a perdu que d’un but au Parc (1-0), en ratant un pénalty à la fin, donc on ne se dit pas que c’est perdu d’avance. On va tout essayer pour faire un résultat chez nous.

Vous avez bien attaqué 2023 avec notamment une série de 5 matchs sans défaite lors de laquelle vous aviez accroché des équipes comme Lens, Lille et Lyon. Vous sentez que vous avez plus de facilités contre ce type d’équipes ?
C’est vrai qu’en regardant nos résultats, on pourrait le croire ! J’ai l’impression qu’on a réussi à faire moins d’erreurs, à être plus concentrés et plus sérieux lors de ces matchs-là. C’est dommage car on arrive à gratter des points contre de grosses équipes mais face aux équipes de la seconde moitié de tableau, on a plus de difficultés. Mais pour se sauver, il faudra battre nos concurrents directs, comme on l’a fait contre Angers et dimanche contre Strasbourg. Il faut que l’on arrive à jouer de la même façon quel que soit l’adversaire.

Est-ce une affaire de concentration ou plutôt de style de jeu de l’adversaire ?
Je ne pense pas que ce soit une histoire de concentration. On ne se dit pas que ça va être plus facile quand on joue contre une « petite » équipe car, vu notre situation, on ne prend aucun match à la légère. C’est juste qu’on n’arrive pas toujours à maîtriser de la manière qu’on voudrait, comme contre Montpellier où on fait un non-match (défaite 3-0 le 12 février). Parfois, il n’y a pas vraiment d’explications, c’est juste qu’on passe à travers…

Avant Brest, tu avais déjà joué le maintien avec Dijon mais la saison en cours est particulière avec quatre descentes en Ligue 2 BKT. Est-ce que ça se ressent sur le terrain ?
C’est sûr. Les quatre descentes, ça fait peur à tout le monde. Mine de rien, il y a un peloton qui s’est détaché et le maintien va se jouer entre ces 6-7 équipes-là. Mais quand on joue le maintien, on sait que tous les matchs sont importants et que ça se jouera jusqu’à la dernière journée. Pour nous, ça ne change pas grand-chose. C’est toujours compliqué de jouer le maintien mais c’est notre mission. A nous de la réussir.

Plusieurs joueurs sont arrivés à Brest cet hiver, parmi lesquels Loïc Rémy. Tu peux nous donner de ses nouvelles ?
Il est en phase de reprise. Il court. On a hâte de l’avoir sur les terrains avec nous car il va nous apporter son expérience et son vécu. Ça ne peut que nous faire du bien !

« Ça m'est égal d'avoir le brassard ou pas »

Cette saison, tu évolues devant la défense, plus bas que là où tu jouais ces dernières années...
Même si ce n’est pas mon poste de prédilection, c’est un rôle qui me plaît et que je connais puisque j’ai déjà joué là quelques fois à Nice avec Patrick Vieira ainsi que la saison dernière à Norwich. C’est un rôle différent où l’on est davantage au départ des actions qu’à la finition mais ça me plaît. Les coachs m’ont mis à cet endroit pour que je sois davantage dans la construction du jeu, que je trouve des passes dans les intervalles, pas seulement pour que je défende. C’est sûr qu’il y a des matchs où c’est plus compliqué de jouer au ballon mais comme j’aime jouer court et propre, je prends du plaisir à ce poste. J’ai toujours été un joueur endurant, avec un profil box to box, donc ça ne m’a jamais dérangé de faire des kilomètres.

Y a-t-il des moments où il faut que tu te retiennes pour moins monter qu’à ton habitude ?
Non, car on s’entend très bien avec les autres milieux de l’équipe. Quand l’un de nous monte, un autre prend sa place automatiquement. Contre Strasbourg, je suis sorti 2-3 fois et je suis monté sans me poser la question car je savais qu’Hugo Magnetti ou Haris Belkebla allaient glisser à ma place. On a réussi à développer une complémentarité qui fait qu’on n’est pas obligés de rester à un poste fixe, on sait qu’un partenaire va prendre notre place si on dézone.

Quels sont les réflexes à prendre ou à perdre lorsque l’on recule devant la défense ?
La première chose, c’est que je ne peux plus me permettre de trop traîner dans le camp adverse (rires). Et devant la défense, il faut perdre encore moins de ballons, tenter moins de dribbles… Quand on perd le ballon en position de 8 ou de 10, il y a du monde derrière pour rattraper le coup mais là… C’est pour ça qu’il faut être plus propre et défendre un peu plus aussi. Mais dans les duels et dans l’agressivité, je sens que j’ai évolué, grâce notamment à mon année en Angleterre.

En l’absence de Brendan Chardonnet, Éric Roy t’a confié le brassard de capitaine. Comment ça s’est fait ?
En ce moment, j’ai le brassard mais c’est uniquement car Brendan est blessé, je suis capitaine par intérim. Le staff a décidé ça dans la continuité de ce qui avait été déjà fait en début de saison puisque Michel Der Zakarian m’avait déjà donné le brassard lorsque Brendan avait été absent. On est dans la continuité. Mais moi, franchement, ça m’est égal d’avoir le brassard ou pas. C’est une responsabilité bien sûr mais je ne vais pas me mettre à aboyer ou à multiplier les discours parce que je suis capitaine. Je suis plutôt dans l’idée de montrer un état d’esprit exemplaire sur le terrain.

Ce n’est pas la première fois que tu portes le brassard puisque ça avait été le cas à Nice. Tu disais que ça t’était égal tout à l’heure. Ça ne modifie vraiment en rien ton approche ?
Dans le jeu, je ne pense pas, mais ça fait toujours plaisir car ça veut dire qu’on a la confiance du coach et du staff, que l’on est vu comme un exemple pour les autres, qu’on a de l’expérience… Ça ne me pose pas de problèmes de devoir faire passer des messages mais ça ne me met pas plus de pression que ça. Et je ne vais pas changer de comportement non plus. La seule chose qui change vraiment, c’est que j’ai le droit de parler aux arbitres (rires). C’est plus plaisant. D’ailleurs, j’ai été agréablement surpris dimanche dernier par M. Buquet – et je lui ai fait la remarque – car on peut parler avec lui. Il nous expliquait ses décisions et, à un moment, il a même admis qu’il s’était peut-être trompé. Je l’ai remercié. C’est agréable d’avoir ce type d’échanges.

« Je voulais rester dans l'élite »

Pour revenir à l’été dernier, alors que tu avais encore deux ans de contrat à Norwich, tu as choisi de signer à Brest. Peux-tu nous parler de ta réflexion ?
Après la relégation de Norwich en Championship, j’ai reçu plusieurs propositions. Je ne veux pas dénigrer la deuxième division anglaise mais ça ne m’intéressait pas trop de jouer en Championship. C’est un beau championnat mais il y a beaucoup de matchs, deux coupes, et surtout, je voulais rester dans l’élite. Je voulais continuer à jouer au plus haut niveau. A côté de ça, le projet de Brest était ambitieux même si on n’est pas actuellement à la place où l’on voudrait être. Le recrutement était intéressant et ça me plaisait de rentrer en France. J’avais longuement parlé avec Grégory Lorenzi et avec le coach. J’avais aussi eu Christophe Hérelle, avec qui j’ai joué à Nice. J’ai bien réfléchi au moment de choisir Brest et, même si la saison ne se déroule pas comme on le souhaitait, je ne regrette pas du tout. On a un bon groupe, un bon collectif, avec une ambiance familiale. J’espère vraiment qu’on se maintiendra car tout le monde au club le mérite.

Ton expérience en Premier League restera forcément contrastée puisque la saison s’est terminée par une relégation. Qu’est-ce que tu en retiens ?
Quand on signe dans un club, ce n’est pas pour descendre, forcément. Mais cette année à Norwich restera une bonne expérience d’un point de vue personnel. J’ai découvert la Premier League, ses stades, de belles ambiances… Quand on a joué contre Manchester United à Old Trafford, c’était quelque chose. On avait perdu 3-2 avec un triplé de Cristiano Ronaldo. Ils n’avaient plus grand-chose à jouer mais il y avait 80 000 personnes, ça m’avait marqué. Et, dans mon jeu, j’ai largement progressé niveau agressivité et défensivement. Désormais, je parle anglais couramment, je connais une nouvelle culture… Même si j’aurais voulu que Norwich se maintienne en Premier League, il y a beaucoup de positif, je n’ai pas vécu ça comme un échec.

Et la vie en dehors des terrains ?
C’était sympa même si, avec ma compagne, on n’était pas très fans de la nourriture. Les Anglais adorent mettre des haricots un peu partout. Mais la vie là-bas était agréable. D’autant plus que les clubs donnent davantage de jours de repos qu’en France au moment des trêves internationales donc on en a souvent profité pour aller à Londres.

« Je n'ai pas pu jouer longtemps avec les chaussures de Juninho »

Si je prononce le nom de Juninho, qu’est-ce que ça t’évoque ?
Une anecdote qui date d’il y a longtemps ! Quand j’étais au centre de formation de Bordeaux vers 14-15 ans, j’étais le plus petit donc beaucoup de joueurs plus grands m’aimaient bien et me prenaient un peu sous leur aile. C’était le cas de certains joueurs de la réserve comme Sébastien Bouscarrat, Sacha Clémence ou Jordan Galtier, qui était le plus petit de son équipe, comme moi ! Un jour, Jordan me demande ma pointure et, quand je lui réponds que je fais du 41, il me dit qu’il a un cadeau pour moi. C’était une paire de chaussures à crampons portée par Juninho. « Galette » les avait eues parce que son père Christophe était entraîneur adjoint à l’OL à l’époque. Malheureusement, je n’ai pas pu jouer longtemps avec car mes pieds ont grandi mais je les ai toujours dans une vitrine chez moi ! Ce sont des Adidas Predator blanches avec l’élastique qui va sous la semelle pour plaquer la languette. Elles sont personnalisées avec un drapeau du Brésil sur le talon et les prénoms de ses trois filles brodées sur la languette.

Depuis, tu as eu l’occasion de récupérer d’autres pièces de collection ?
Je n’ai pas d’autres chaussures mais, la saison dernière, j’ai récupéré quelques beaux maillots en Premier League : ceux de Virgil van Dijk, Sadio Mané, Riyad Mahrez, N’Golo Kanté… Quelques jolis noms ! Mais je n’aime pas trop demander les maillots. Quand j’étais jeune pro, j’essayais parfois d’échanger mon maillot mais je suis devenu plus timide par la suite. Peut-être par peur de me prendre un refus ! Maintenant, je m’en fiche, et la plupart du temps, je n’échange mon maillot qu’avec des potes ou d’anciens coéquipiers.

Dernière question : joues-tu à Mon Petit Gazon ?
J’y ai joué à une époque mais j’ai arrêté car je n’étais pas assidu pour faire mes compositions tous les week-ends. Et je ne suis pas celui qui suis le plus l’actualité foot donc je mettais titulaire des joueurs suspendus ou blessés… Je n’étais pas assez informé pour être bon à MPG !