Interview

L’œil de Jérôme Alonzo sur les gardiens de la saison

L’œil de Jérôme Alonzo sur les gardiens de la saison

Interview
Publié le 15/03 à 09:20 -

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Jérôme Alonzo, consultant pour Prime Video et ancien du PSG, de l’OM ou encore de Saint-Etienne, livre son analyse des gardiens évoluant cette saison en Ligue 1 Uber Eats. Découvrez son top 3, son coup de cœur et sa vision sur l’évolution du poste.

Jérôme, quel serait votre top 3 des gardiens cette saison en Ligue 1 Uber Eats ?
D’abord, Brice Samba pour le plaisir des yeux ! Antho Lopes et Pau Lopez, pour sa progression en un an. Et Alban Lafont n’est pas loin… Tout comme Lucas Chevalier. Alban est un espoir qui se confirme. Il n’est plus une surprise depuis longtemps. On ne peut d’ailleurs pas décorréler sa progression de l’arrivée d’Antoine Kombouaré à Nantes. Il est bien possible qu’il ait changé sa carrière. Sur le mois écoulé, je mettrais Kasper Schmeichel. Et s’il y avait le trophée de la meilleure progression, ça serait pour Mory Diaw. Il y est pour beaucoup dans la bonne saison du Clermont Foot.

Avec lequel des gardiens actuels vous trouvez-vous le plus de points communs ?
Au niveau du style, celui qui me ressemble le plus est Anthony Lopes. Idem dans le côté spectaculaire. Après, je le trouve très bon depuis plusieurs saisons avec l’OL. J’adore son style, même si à une époque il y a eu des polémiques, car il arrivait qu’il en faisait trop avec son côté hypertonique. Maintenant avec l’expérience, il a épuré son jeu. C’est mon coup de cœur !

Mais vous mettez tout de même le Lensois Brice Samba devant lui. Est-ce que son niveau vous étonne ?
Je ne suis pas surpris par ce que réalise Brice Samba à Lens. Je savais qu’il était très bon. Et on voit que ce n’est pas un feu de paille, contrairement à que certains disaient au début. C’est un gardien qui s’est énormément structuré mentalement. Il a encore ce côté un peu fou avec ses arrêts à une main, mais ça fait partie de sa personnalité. Il montre son envie de faire le spectacle. J’adore ça ! Ce qui selon moi fait aussi partie du rôle des gardiens. J’ai plus de mal avec les gardiens sobres…J’ai été admiratif d’un Lionel Letizi avec qui j’ai joué au PSG et qui était un gardien sobre, mais j’ai été davantage inspiré par les Barthez, Olmeta et Huard.

« Chevalier est presque déjà un vieux briscard »

Cette saison est riche en révélations à ce poste puisque les jeunes Yehvann Diouf (Stade de Reims) et Lucas Chevalier (LOSC) sont aussi devenus numéros 1…
J’aime bien le « petit » Chevalier. Cette saison marque son avènement. Si je devais les comparer, je dirais que Chevalier est un plus mature dans son jeu. C’est difficile à expliquer pourquoi, mais je le vois à l’attitude. Le Lillois se comporte presque déjà comme un vieux briscard. Il donne une impression de grande solidité. Même si sur ce qu’il démontre cette saison, je vois Diouf réussir une belle carrière.

Sur quoi vous basez-vous pour juger de l’apport d’un gardien pour son équipe ?
Je regarde beaucoup les points que rapportent les gardiens. Par exemple, Kasper Schmeichel (OGCN) contre Reims (0-0, J19), c’est un point à lui tout seul (en s’interposant sur le pénalty de Balogun). Et contre le LOSC (1-0, J20), à lui seul, c’est encore trois points ! Même à l’OM (1-3, J22), il sort un très bel arrêt à 0-0. Sur la série de l’OGC Nice, il ne faut pas oublier que ce sont 4-5 points grâce à lui. S’il a eu beaucoup de difficultés au début, il est désormais très décisif pour son équipe.

« Si un gardien envoie une transversale en touche, tout le monde lève les bras… »

En tant qu’expert du poste, quelles sont les principales évolutions que vous avez pu constater dernièrement ?
Je suis contre la philosophie actuelle qui veut imposer qu’un gardien doit être un joueur de champ. Pour moi, un gardien doit d’abord effectuer des arrêts et faire gagner son équipe. Après ça, s’il a un bon jeu aux pieds, c’est du bonus.

En quoi cela vous dérange-t-il ?
Aujourd’hui, le jeu aérien a été complètement délaissé. L’approche a totalement changé dans le football moderne. A mon époque, c’était : « Jérôme, si à la 90e, tu ne sors pas pour nous soulager, tu ne joueras pas le match d’après ». Et cet avis était partagé pour tous les joueurs ! Car j’en ai eu des prises de bec au PSG avec les Heinze, Déhu, Cristobal et Pochettino, parce qu’ils voulaient que je sorte davantage. Ces mecs m’ont d’ailleurs fait progresser car, après l’avoir travaillé, c’est devenu un de mes points forts. Car en réalité, si le gardien y va, il n’y a pas d’occasion. Il stoppe l’action tout de suite sans avoir à faire un arrêt. Et en plus il s’affirme et dit aux adversaires : « La prochaine fois, vous saurez que je suis là -. Mes coachs me disaient toujours : « Premier corner, dernier corner... Tu montres que tu es là ! ». En gros, ils voulaient que j’y aille pour montrer que c’était moi le patron, et si je me trompais, ce n’était pas grave.

Quelles répercussions cela a-t-il sur le jeu ?
Je note que l’on ne demande plus aux gardiens de sortir sur les corners. Si je regarde 50 buts à la suite d’un corner, je suis certain que je me dirais que le gardien aurait pu sortir sur 40 d’entre eux. La culture du gardien de but était auparavant celle de soulager les défenseurs. La priorité est désormais donnée à la relance pour faire mieux jouer l’équipe. J’ai l’impression qu’il n’y a que moi qui ne trouve pas normal de voir des buts avec des têtes à deux mètres… En revanche, si un gardien envoie une transversale directement en touche, tout le monde lève les bras ! C’est une évolution du rôle de gardien que je n’arrive pas à comprendre.

Enfin, une autre évolution est la présence d’un 3e gardien de métier dans plusieurs clubs de Ligue 1 Uber Eats, tels que Penneteau (42 ans) à Reims, Letellier (32 ans) au PSG, Salin (38 ans) à Rennes ou encore Kawashima (40 ans le 20 mars) à Strasbourg et Moulin (37 ans) à Troyes. Quel rôle occupent-ils ?
Ils ont un rôle hybride de grands frères et de sparring-partners ! Et en cas de cascade de blessures, ils peuvent assurer au poste. Ensuite, ils ont vu et vécu beaucoup de choses dans leurs carrières, ils connaissent par cœur la Ligue 1 Uber Eats. Ils sont là pour se faire canarder tous les jours à l’entraînement, avant et après les matchs sans se plaindre. Et le plus souvent, ce sont des bons mecs. C’est une tendance qui a commencé avec le PSG avec Ronan Le Crom venu comme 3e gardien (arrivé en 2011 derrière Sirigu et Douchez). Ce qui n’existait pas avant.