Interview

Han-Noah Massengo : « Thierry Henry est toujours là pour m'aider »

Han-Noah Massengo : « Thierry Henry est toujours là pour m'aider »

Interview
Publié le 29/03 à 14:03 - Arnaud Di Stasio

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De retour en France après quatre ans en Angleterre, Han-Noah Massengo surprend par sa fraîcheur. Entretien avec le milieu international Espoirs de l’AJ Auxerre.

Après presque quatre ans en Angleterre, tu es revenu en France en janvier, à Auxerre. Tu peux nous expliquer ton choix ?
J’étais dans une situation compliquée à Bristol City. Le club m’a proposé une prolongation de contrat mais on n’a pas réussi à se mettre d’accord. Comme j’allais être libre à la fin de la saison, Bristol m’a mis de côté à partir du mois d’octobre. Je ne m’entraînais quasiment plus avec le groupe professionnel, je ne jouais plus qu’en réserve… Je voulais retrouver du temps de jeu et il se trouve que l’AJA recherchait un milieu de terrain… Le challenge d’aider le club à se maintenir m’a plu, retrouver le championnat de France aussi, et j’ai donc signé à l’AJA fin janvier !

Même si l’AJA reste sur une défaite contre Strasbourg, le club a trouvé une certaine solidité ces dernières semaines, enchaînant 6 matchs sans défaite pour tes 6 premières titularisations, contre des adversaires comme l’OL, Nice et Rennes notamment. On peut parler d’effet Massengo ?
Pas du tout (rires) ! D’ailleurs, mon premier match ici a été une défaite, même si je n’étais pas titulaire, c’est vrai. Mais on est 11 sur le terrain, avec ceux qui commencent et ceux qui entrent. Il n’y a pas d’effet Massengo (rires). J’essaie juste d’encourager tout le monde, d’amener mon énergie et tout ce que je sais faire. La bonne série qu’on a faite, ce n’est pas l’effet Massengo, c’est l’effet AJA.

Quelles sont les clés pour se maintenir selon toi ?
Comme le coach le répète au quotidien et comme on se le dit entre coéquipiers, il faut qu’on travaille en équipe. On a eu une bonne série de résultats et il faut maintenir cette unité, continuer à faire ce qu’on fait bien et gommer nos erreurs. On peut toujours faire mieux. Il faut continuer à mettre de l’intensité, jouer en équipe, aller vite de l’avant… Et dans les choses à améliorer, il y a la finition, avoir moins de trous pendant les matchs, faire moins d’erreurs…

Tu parlais de ce que tu essayais d’amener sur le terrain. Pour ceux qui ne t’ont pas vu évoluer ces dernières semaines, peux-tu décrire quel type de joueur tu es devenu depuis ton départ de l’AS Monaco lors de l’été 2019 ?
J’aime un peu tout faire. J’aime bien me projeter avec le ballon ou sans ballon, j’aime aider à la récupération, j’aime courir pour mettre mes adversaires sous pression et qu’ils n’aient pas le temps de faire ce qu’ils avaient prévu de faire… Défendre me plaît autant qu’attaquer.

Après presque quatre mois sans jouer en Championship, tu n’as pas eu trop de difficultés à retrouver le rythme ?
Si, forcément un peu. Je m’entretenais de mon côté, notamment avec mon préparateur physique personnel, mais ça ne remplace jamais la compétition, surtout la compétition de haut niveau. Il m’a fallu quelques matchs pour me sentir en jambes mais maintenant, ça va.

Après Strasbourg juste avant la trêve, l’AJA va maintenant affronter Troyes et Ajaccio, deux autres concurrents directs dans la course au maintien. Est-ce qu’on se prépare différemment pour ce type d’affiches ?
Je n’ai pas l’impression. On sait qu’on est dans une situation compliquée et qu’il faut tout faire pour gagner chaque match. Au minimum, il faut prendre un point. Bien sûr, on sait qu’en battant un adversaire direct, ce sera un week-end lors duquel on prendra des points et eux non mais sinon, rien ne change. On prépare les matchs de la même façon.

« Je préfère qu’on me parle sans prendre de pincettes »

Pour ton premier match avec l’AJA début février, tu as eu droit à un déplacement au Stade Louis-II. Ça a dû être particulier de commencer ton aventure ici par l’AS Monaco, ton club formateur…
C’était très spécial ! Quand je suis parti à Bristol, ça s’est fait vite et je n’avais pas eu le temps de dire au revoir à la plupart des gens que je côtoyais au quotidien à l’AS Monaco. Ça m’a fait bizarre de revoir tout le monde, ce stade, pour mon match de retour en France. Même s’il y a eu pas mal de changement, j’ai revu plein de visages connus, des joueurs avec qui j’étais au centre de formation comme Eliot Matazo, Yllan Okou… Mais j’ai aussi pu recroiser les gens qui travaillent à Louis-II, à la cantine ou encore ma prof d’espagnol de l’époque !

Ce match-là avait-il eu droit à une préparation spéciale ?
C’est vrai que j’avais préparé ce déplacement à Monaco différemment mais pas en raison de l’adversaire, plutôt car je n’avais pas joué de match professionnel depuis plusieurs mois. C’était un match important pour moi puisque c’était mon premier avec Auxerre. Il fallait faire bonne impression. Et je savais aussi qu’il fallait prendre des points. L’approche avait été un peu différente dans le sens où il y avait une pression supplémentaire. Maintenant, la pression est toujours là quand on joue des matchs et ce n’est pas quelque chose de négatif. Au contraire, la pression m’aide à être sur le qui-vive, à être alerte.

C’est Thierry Henry qui t’a lancé chez les professionnels en novembre 2018. Peux-tu nous parler des mois à son contact ?
La première chose à dire, c’est que c’est un passionné de football. Il pouvait rester des heures et des heures à expliquer des situations, des points sur lesquels travailler. Thierry m’a beaucoup aidé. Aujourd’hui encore, on continue à échanger. Il est toujours là pour m’aider, pour répondre à une question. Depuis que j’ai commencé ma carrière professionnelle, il a toujours été là pour moi. D’abord comme coach, puis comme grand frère. Je sais qu’il regarde certains de mes matchs et ça m’intéresse de lui demander ce qu’il en pense, de lui demander des conseils.

Quel type de conseils te donne-t-il ?
La dernière fois, je lui ai demandé… (Il s’interrompt). Non, je vais garder ça secret en fait (rires). Disons qu’il me donne des conseils sur plein de situations différentes que l’on peut rencontrer dans un match. Par exemple, comme j’aime bien jouer box to box, il m’arrive de me retrouver dans la surface adverse. Tout le monde sait que Thierry a été un grand attaquant. Ce qu’il va me dire sur comment gérer ce type de situations est forcément pertinent.

Thierry Henry est connu pour ne pas mâcher ses mots. Comment ça s’est passé pour toi ?
Je n’ai pas vraiment cette impression. Après, il adapte sûrement sa façon de parler au joueur qui est en face de lui. Personnellement, je préfère qu’on me parle franchement, sans prendre de pincettes. Durant notre période commune, il s’est comporté tout à fait normalement avec moi comme avec les autres. Maintenant, il faut rappeler que j’avais 17 ans quand il m’a lancé. On s’adresse sans doute différemment à un jeune de 17 ans et à un trentenaire de l’effectif.

Tu as longtemps fait partie des équipes de France de jeunes, où tu côtoyais Khéphren Thuram, William Saliba, Bafodé Diakité ou encore Benoît Badiashile… Mais depuis fin 2019, tu n’étais plus appelé jusqu’à ta convocation chez les Espoirs il y a quelques jours. Est-ce que tu es revenu en France pour retrouver de la visibilité vis-à-vis de la sélection ?
Si j’ai choisi Auxerre, c’est pour retrouver du temps de jeu avant tout mais c’est sûr que jouer en France change beaucoup de choses. En Angleterre, j’ai fait de bonnes performances mais les gens ne regardent pas forcément le Championship. Aujourd’hui, si je fais un bon match en Ligue 1, ça aura sans doute plus de résonance. Ce n’était pas dans ma réflexion au départ mais si la Ligue 1 m’offre davantage de visibilité, c’est un avantage pour moi. Mais je n’ai pas besoin de ça pour être en contact avec Khéph’ et Benoît (rires). On a un groupe WhatsApp tous ensemble sur lequel on est assez actifs ! Plus sérieusement, je suis très content d’être revenu en France.

Sur tes chaussures, tu portes le drapeau du Congo, d’où une partie de ta famille est originaire. La fédération locale t’a-t-elle contacté ?
Oui, je suis d’ailleurs allé au Congo pendant la trêve Coupe du monde. Avec ma famille, on a été invités par la fédération à visiter les installations. Ils aimeraient que je joue pour la sélection mais je leur ai répondu que mon choix n’était pas encore fait. Ça peut être une option un jour, comme l’équipe de France.

« Toxique et malsain de ne penser qu’au foot »

Tu as disputé près de 100 matchs à Bristol. Qu’est-ce que tu retiens de ton expérience anglaise ?
C’était avant tout une expérience humaine. Ce n’est pas forcément ce à quoi on pense d’abord mais j’ai dû apprendre l’anglais, découvrir une nouvelle ville, un nouveau pays, une nouvelle culture… C’est une autre façon de voir la vie. Ça m’a beaucoup aidé. Je me suis beaucoup enrichi en partant en Angleterre, que ce soit dans le foot ou dans la vie de tous les jours. Pour en venir au foot, c’est à Bristol City que j’ai fait ma première saison complète. Là-bas, il y a beaucoup de matchs, le rythme est plus intense qu’en France. J’ai appris au niveau physique, au niveau technique et au niveau mental car j’ai vécu quelques moments difficiles : il y a eu des périodes où je ne jouais pas, on a changé d’entraîneur plusieurs fois…

Tu évoquais l’aspect physique du Championship où les équipes jouent 46 matchs de championnat, sans même parler des coupes et des éventuels play-offs. Comment as-tu vécu cette transition à seulement 18 ans ?
Il a fallu s’adapter physiquement et mentalement. Les deux vont ensemble. Quand tu joues tous les 3-4 jours, tu es fatigué et, au début, c’est dans la tête que c’est le plus dur car il faut toujours être en condition de jouer. Quand je suis arrivé, j’ai enchaîné les matchs comme titulaire sans souffler. J’ai dû en faire 10 en un mois et demi. C’était un peu dur et le coach (Lee Johnson) a compris que j’avais besoin d’un temps d’adaptation. Mais avec le temps, je me suis habitué.

Comment ?
Au début, j’étais sans doute trop impliqué. Je n’avais pas réalisé que, comme dans un match, il y a des temps forts et des temps faibles. J’étais tout le temps à fond, j’avais du mal à couper. Sur le long terme, ce n’était pas bon. J’ai dû apprendre à me gérer pour être frais mentalement les jours de match. Il a fallu que j’apprenne à m’aérer et à ne pas penser qu’au foot pendant la semaine car si tu ne fais pas attention et que tu penses tout de suite au match suivant, tu ne te laisses pas le temps de te vider la tête. J’ai dû apprendre à couper car ça devenait toxique et malsain de ne penser qu’au foot.

Dans un entretien, tu avais expliqué qu’en Angleterre, tu avais « appris à jouer sans être à 100% »…
Dans le sport de haut niveau, il y a souvent une petite blessure, une petite gêne.. Tu ne peux jamais être aussi bien tous les jours. Et plus tu joues de matchs, plus il va y avoir de différences. C’est pour ça qu’il faut apprendre à jouer sans être à 100%. Il faut trouver des petites combines pour être le mieux possible. Tu apprends au fur et à mesure, en faisant des erreurs, en vivant différentes situations… N’importe quel joueur qui enchaîne les matchs ne se sent pas à 100% tout le temps. Il y a souvent une petite douleur, un muscle un peu plus tendu que les autres…

Tu vivais ta première saison en Angleterre lorsque le gouvernement britannique a décidé, comme en France, de mettre en place un confinement en raison du covid. Comment as-tu affronté cette période ?
Ce n’était pas facile mais j’avais la chance d’avoir ma famille avec moi. Au début, je voulais rentrer en France mais c’était compliqué d’organiser ça alors qu’on vivait tous au jour le jour l’évolution de la pandémie. Mais j’avais donc la chance de ne pas être seul car une partie de ma famille était à Bristol avec moi. Je vivais avec mon grand frère, qui a deux ans de plus que moi, alors que mon père et mes sœurs, qui m’ont suivi en Angleterre au début, étaient dans une autre maison à Bristol. Pendant ce temps-là, ma mère était en France avec une de mes sœurs et mon autre grand frère. Avoir une partie de ma famille avec moi a facilité les choses, je n’étais pas le plus à plaindre.

« J’ai toujours un appareil photo sur moi »

Tout à l’heure, tu disais ressentir le besoin de t’aérer l’esprit entre les matchs. Qu’est-ce que tu fais pour cela ?
Pour me changer les idées, je lis, je regarde la TV, je sors avec mes potes… J’aime aussi beaucoup la photographie. J’essaie également d’apprendre de nouvelles choses. Par exemple, juste avant d’arriver à Auxerre, j’ai suivi une formation en ligne sur la nutrition.

Ce n’est pas commun de s’intéresser à ce type de thématiques si jeune…
C’est un sujet important selon moi. J’investis sur moi-même en faisant ça. Dans le même ordre d’idées, ça fait déjà plusieurs années que j’ai un chef à la maison et un préparateur physique. Ça m’intéresse beaucoup de voir ce que les grands athlètes mettent en place pour performer. Je suis beaucoup la NBA et je voyais que les grands joueurs avaient des chefs, des préparateurs physiques, mentaux, des nutritionnistes, qu’ils s’entouraient de leurs propres équipes. LeBron James, Jimmy Butler ou Evan Fournier, Nicolas Batum, Rudy Gobert pour citer les Français… La plupart des basketteurs fonctionnent comme ça. J’ai voulu faire pareil, faire attention à un maximum de détails. Il y a ce qu’il se passe sur le terrain mais ce qu’il se passe en dehors est peut-être encore plus important.

Comment est née ta passion pour la photographie ?
J’avais acheté un appareil photo pour ma sœur car elle aime bien tout ce qui est créatif. Je ne sais pas pourquoi, elle ne l’a jamais utilisé alors je lui ai emprunté au moment de partir en vacances avec des amis. J’ai commencé à prendre des photos et ça m’a plu. En rentrant à Bristol, j’en ai parlé avec un ami anglais dont c’est le métier et qui travaillait pour le média Soccer Bible. C’est un fan de Bristol et il m’avait dit de ne pas hésiter à lui poser des questions sur le sujet. On a commencé à en discuter de plus en plus. De mon côté, j’allais prendre des photos, je regardais des vidéos pour apprendre à me servir de mon appareil photo en mode manuel… Ce n’est pas si compliqué que ça mais il faut se lancer ! Désormais, je prends beaucoup de photos. J’ai toujours un appareil sur moi. Je documente ma vie et, comme ça, je pourrai montrer toutes ces photos à mes enfants et mes petits-enfants plus tard. Je pourrai leur montrer ce que leur père ou leur grand-père faisait !

On voit l’importance de la photo dans ta vie quand on jette un œil à tes réseaux sociaux…
On y voit certaines photos que j’ai prises oui. Mais pas celles où je suis dessus bien sûr (rires). J’ai pour projet de sortir des recueils de photos plus tard. D’ailleurs, j’en ai déjà pris pas mal depuis que je suis à Auxerre. Comme je shoote à l’argentique, c’est facile de compter. Il y a 36 poses par pellicule et j’en ai déjà fait une trentaine depuis mon arrivée… Si on se maintient, je ferai un petit livre avec les meilleures photos de la saison de l’AJA ! La région m’inspire aussi. Les paysages sont très différents de ce que je voyais en Angleterre, où je vivais dans une grande ville comme Bristol.

Comment tes coéquipiers réagissent-ils quand ils te voient sortir ton appareil photo ?
Je ne l’ai pas encore beaucoup sorti ici mais mes coéquipiers réagissent bien, comme à Bristol. Là-bas, ils se sont habitués. A chaque fois qu’il y avait un flash, ils savaient que c’était moi (rires).