Interview

Morgan Sanson : « J’avais besoin de jouer un rôle important »

Morgan Sanson : « J’avais besoin de jouer un rôle important »

Interview
Publié le 17/05 à 10:12 -

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Renfort du mercato d’hiver, Morgan Sanson est tout de suite devenu une pièce maîtresse du RC Strasbourg Alsace. En pleine lutte pour le maintien en Ligue 1 Uber Eats, le milieu de 28 ans évoque son apport, sa mise en conditions pour rebondir en Alsace, les clés de la belle série actuelle et également Frédéric Antonetti.

Morgan, pouvez-vous revenir sur les conditions de votre retour en Ligue 1 Uber Eats lors du mercato d’hiver ?
Je n’avais pas de temps de jeu à Aston Villa et j’avais besoin de changer d’air donc il pouvait y avoir des opportunités avec des clubs qui avaient des besoins sur le poste de milieu du terrain. De mon côté, il me fallait un challenge. En venant à Strasbourg, c’était simple : je pouvais participer au maintien du RCSA. C’est un club attractif avec un stade plein à tous les matchs. Le président Marc Keller fait un travail excellent depuis longtemps, cela a pesé dans mon choix.

Aviez-vous d’autres critères de choix ?
Je n’avais pas envie de rejoindre un club du « ventre mou » ou un club où j’allais avoir moins de temps de jeu. C’était un vrai critère pour moi. J’avais besoin de jouer un rôle important dans un club même s’il était en difficulté au classement. Je ne me suis pas trompé en rejoignant le RCSA, pour à la fois me relancer et pour aider le club à atteindre son objectif. Et comme je l’ai dit en arrivant, le maître mot était de retrouver du plaisir, rejouer et être à nouveau sur le terrain.

Quelle a été votre première impression en arrivant dans ce club ?
Ce qui m’a interpellé en arrivant, c'est le soutien populaire de toute la ville autour de son équipe qui n’était pas bien au classement et surtout pas performante à domicile. C’était vraiment incroyable ! Je suis arrivé en janvier, nous n’avions pas gagné un match chez nous et pourtant la Meinau était pleine ! Je peux vous dire que cela compte de sentir un tel soutien. Une telle ambiance, ça permet d’avancer. Et si nous sommes parvenus à remporter des matchs (cinq, à la Meinau), les supporters y sont pour beaucoup.

Lors des échanges des premiers jours, aviez-vous identifié des choses que vous pouviez apporter à ce groupe en dehors du terrain ?
Quand je suis arrivé, il y avait un manque flagrant de confiance, mais tout à fait compréhensible du fait des résultats. J’ai essayé d’apporter ma fraîcheur mentale et physique, parce que j’avais les crocs ! Mon objectif était d’être immédiatement performant. C’était surprenant de voir Strasbourg à cette place, à la vue des joueurs présents. J’ai aussi tenté d’apporter de la confiance et du calme.

« A mon arrivée, je voulais montrer que j’avais faim »

Au RCSA, vous avez aussi pris la place d’Adrien Thomasson, parti au RC Lens une dizaine de jours avant votre arrivée...
Je ne sais pas si j’ai pris sa place... En tout cas, je l’ai remplacé numériquement dans l’équipe. Forcément, après son départ, lui qui était un des leaders, les supporters s’attendaient à voir arriver un renfort. Il apportait beaucoup de choses à l’équipe, ce m’a mis une pression supplémentaire. Je n’en avais pas nécessairement besoin pour me donner envie de bien faire, mais cela y contribue…J’ai toujours aimé jouer avec de la pression. Je prends cela comme quelque chose de positif. C’est ce que l’on recherche dans le foot, car cela procure de l’adrénaline.

Comment êtes-vous parvenu physiquement à passer d’un temps de jeu quasi nul en Premier League à une place de titulaire pour enchaîner les matchs avec Strasbourg ?
Au cours de ma carrière, j’ai toujours démontré une capacité à rapidement m’intégrer. Cela a été le cas à l’OM et même à Aston Villa où, avant ma blessure, ça se passait bien. J’ai réussi à prendre le train en route, à m’impliquer à 100% dans l’objectif de maintenir le club. J’ai pris ce rôle à cœur. Même si je ne suis qu’en prêt ici, j’ai vraiment envie qu’on s’en sorte. Ça serait un échec personnel de ne pas y parvenir donc j’ai fait en sorte d’être performant le plus rapidement possible.

Forcément, il s’agissait aussi d’un défi personnel en vous relançant en Ligue 1 Uber Eats et à Strasbourg...
En venant ici, j’ai placé la barre très haut au niveau de mon exigence sur mes performances. J’attendais vraiment beaucoup de moi. Il fallait que je montre à tout le monde que je n’étais pas mort. Quand on ne joue pas pendant six mois ou plus, et que les choses sont difficiles pour vous, les gens se posent beaucoup de questions. D’abord sur mon état physique, mais pas seulement. Donc j’avais de grandes ambitions à mon arrivée : montrer que j’avais faim, être utile pour l’équipe...

« J’étais déjà solide dans ma tête mais maintenant, je suis blindé »

Comment vous y étiez-vous préparé ?
Une fois que j’ai compris que je n’aurais toujours pas de temps de jeu fin septembre-début octobre avec Villa, sous Steven Gerrard, malgré mes performances aux entraînements, je me suis mis en mode focus sur le mercato d’hiver pour trouver un club et finir au mieux cette 2e partie de saison. Du coup, j’ai travaillé plus que tous les autres à l’entraînement. Comme je ne jouais pas le week-end, je faisais du rab. Bien sûr qu’un entraînement ne remplace pas un match, mais lorsque l’on se met en condition, ça permet d’être dans les meilleures dispositions. C’est grâce à cela que j’ai pu rapidement enchaîner les matchs ici.

Retenez-vous quelque chose de positif de l’expérience à Aston Villa ?
J’ai vécu des moments difficiles là-bas. D’abord au niveau du temps de jeu, ce qui est le plus important pour un joueur. Ne pas jouer, ça enlève tout le plaisir de notre métier et ça crée certaines tensions… En revanche, je me suis endurci mentalement. J’étais déjà solide dans ma tête mais maintenant, je suis blindé. Passer des mois à ne pas jouer, après avoir été blessé six mois la première année, revenir et se blesser à nouveau… C’était l’enfer.

Comme vous l’avez dit, le club n’avait pas encore remporté de match à la Meinau avant votre arrivée. Inverser cette tendance était la clé pour vous permettre de compter aujourd’hui cinq points d’avance au classement sur le 17e (FC Nantes) ?
Nous avions besoin d’un déclic à domicile. Remporter cette 1ère victoire (vs MHSC en J22) devait nous lancer chez nous. Elle a fait beaucoup de bien dans les têtes. Strasbourg est une équipe réputée pour la ferveur de son public et ne pas avoir gagné un match à domicile, c’était problématique… D’autant plus que l’on sait bien que le maintien passe par des victoires chez soi. Ne pas être parvenu à s’imposer à la maison lors de la première partie de saison, ça nous pesait.

« Conserver de la lucidité dans ces matchs décisifs est primordial »

Cela vous a-t-il rappelé des souvenirs de votre début de carrière en Ligue 1 Uber Eats avec le MHSC, où vous aviez lutté pour le maintien lors de deux saisons (2013/14 et 2015/16) ?
Ça m’a rappelé des souvenirs difficiles. Je me sers de cette expérience aujourd’hui… Même de celle au Mans où ça a été difficile en Ligue 2 BKT. Ce sont des moments où il ne faut pas s’éparpiller et se réfugier dans le travail. Et surtout avoir un groupe soudé, comme c’est le cas actuellement à Strasbourg. Cela va nous aider à nous maintenir.

Qu'y-a-t-il de différent pour un joueur lorsque son club se bat pour le maintien ?
C’est complètement différent d’aborder un match quand on est classé 10e, ou que l’on est 16e ou 17e. D’abord, il y a la perte de confiance qui est présente dans le second cas. Elle peut provoquer de mauvais choix. Parce que, dans ce cas, on sait que l’on n’a pas le droit à l’erreur, qu’il ne faut pas perdre le ballon qui va déséquilibrer l’équipe ou commettre la faute qui va apporter le danger. Il faut trouver un équilibre pour ne pas être inhibé par l’enjeu. Pour y arriver, il faut garder la maîtrise avec beaucoup de calme. Conserver de la lucidité dans ces matchs décisifs est primordial.

Avec quatre victoires sur les cinq dernières journées, le RCSA montre sa capacité à bien gérer les matchs décisifs. Comment l’expliquez-vous ?
Il y a peut-être une part de réussite mais, si nous en sommes là à présent, c’est que nous avons su bien aborder les matchs charnières. On ne pourra s’en féliciter qu’une fois le maintien mathématiquement acquis. Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore sauvés. Nous avons essayé de travailler au mieux ces matchs en nous appuyant sur nos points forts. Ensuite, nous avons une équipe avec pas mal de qualité. Si nous arrivons à être au-dessus des autres dans l’agressivité et l’intensité, ça nous donne plus d’opportunités pour récupérer le ballon et surprendre l’adversaire.

Avez-vous ressenti une mobilisation générale dans cette quête actuelle du maintien ?
Le plus important a été la réaction de tout un club avec un groupe qui a fini par dire : « Oh les gars ! Stop ! ». On n’est pas en train de jouer l’Europe comme la saison dernière, on se bat pour notre maintien en Ligue 1 Uber Eats. Et je pense que nous avons pris le bon chemin. Le groupe est vraiment top ici. Tout le monde est à l’écoute des uns et des autres et tire dans le même sens, aussi bien les jeunes que les plus expérimentés. Nous cherchons à être irréprochables.

« Antonetti m’a dit qu’il serait exigeant avec moi »

En effet, le RCSA n’était semble-t-il pas programmé pour lutter pour le maintien cette saison...
Ça a été le problème du Racing. En finissant 6e l’an passé et en conservant ton effectif, tu t’attends à obtenir plus ou moins le même résultat cette saison. Mais quand au bout de quelques matchs, tu te retrouves avec des défaites et un déficit de points… Les joueurs ne sont pas forcément prêts à mener ce combat du maintien. Et si les joueurs ne sont pas conscients de cela, ça peut devenir très dangereux.

Quelques semaines après vous, c’est Frédéric Antonetti qui a repris la tête de l’équipe. Le connaissiez-vous ?
Pas spécialement. Je l’avais déjà affronté. C’est un personnage calme et posé, très serein. La prise de contact a été très bonne. A son arrivée, j’ai eu une discussion avec lui, comme il en a eu avec beaucoup d’autres joueurs, pour savoir ce que je pensais de la situation actuelle, ce que je voyais pour les semaines à venir. Une sorte d’état des lieux pour prendre la température. Il m’a tout de suite fait part de sa confiance, qu’il attendait beaucoup de moi et qu’il serait exigeant avec moi. Tous les week-ends, j’essaye de le lui rendre en étant performant. Ça me va très bien puisque je suis quelqu’un de très exigeant envers moi-même.

Quelle méthode a-t-il employé depuis son arrivée pour redresser le RCSA ?
Il est venu ici en mission pour une quinzaine de matchs. Il était impossible pour lui de travailler en amont, comme on peut le faire lors d’une préparation avec un gros travail athlétique et de la tactique. Dans cette situation, il faut être pragmatique et tirer le meilleur du groupe à disposition. Là-dessus, il est performant. Et puis, il a son expérience que plaide en sa faveur. C’est un meneur d’hommes qui tient la barre. Il nous emmène dans son sillage pour atteindre cet objectif.