Bilan

L'OL, usine à champions

L'OL, usine à champions

Bilan
Publié le 18/10 à 09:23

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Alors que l'un de ses plus célèbres élèves vient d'être couronné par le Ballon d'Or, focus sur l’Olympique Lyonnais véritable référence en matière de formation depuis près de 30 ans.

En juillet dernier à l'occasion de la traditionnelle publication du classement des centres de formation publié par la FFF, l’Olympique Lyonnais s'affichait en tête. Rappelant ainsi son hégémonie dans ce domaine sur une dizaine d'année, voire même davantage. « La capacité à former des joueurs de niveau Ligue 1 est une régularité du club. La stabilité de la structure et une stratégie cultivée au fil des ans », rappelait à l’époque Jean-François Vulliez, directeur de l’OL Academy depuis 2017.

Et le sacre du Français Karim Benzema pour le Ballon d’Or 2022 agit comme un coup de projecteur sur le travail du club lyonnais en matière de formation. Ce qui permet de valoriser l’ADN OL. Et le n°9 du Real l’illustre parfaitement : « C’est un jeu d’attaque, c’est un jeu protagoniste, c’est un jeu où on aime marquer des buts. C’est un jeu avec de nombreux joueurs qui sont connectés, du jeu combiné, de la technicité, du jeu à une touche, des attaquants qui sont capables de finir, avec des déplacements soit dans la zone de progression, soit dans la zone de déséquilibre. En gros, des joueurs qui sont capables de se connecter et de se comprendre pour finir. Le jeu à la Lyonnaise, c’est ça. », résumait Jean-François Vulliez.

Benzema, le plus bel exemple

Cinquième français à remporter le Ballon d'Or après Kopa, Platini, Papin et Zidane, Benzema a forcément été félicité par son premier président. « C'est une immense fierté avec beaucoup d'émotion, parce que Karim est un enfant de l'OL. C'est un enfant que l'on a vu grandir et que l'on a vu s'épanouir. On l'a vu réussir pratiquement tout ce qu'il a entrepris. Et puis c'est pour nous, qui l'avons non seulement embauché puisque ses premiers contrats, il les a signés avec nous, une fierté. », a réagi Jean-Michel Aulas.

Talent extrêmement précoce, Karim Benzema est arrivé en poussins (10 ans) à l’OL. « C’était un gros chasseur de buts, un avant-centre de formation, avec des gestes qui ne trompaient pas. C’est à la puberté qu’il a véritablement évolué, pour avoir cette combinaison exceptionnelle entre la facilité balle au pied, la vista dans le jeu, et les moyens techniques. », expliquait Robert Valette, son ancien coach en CFA. Champion d’Europe U17, la star actuelle du Real Madrid a ensuite été lancée par Paul Le Guen en janvier 2005, un mois après ses 17 ans. « KB » en profite pour délivrer sa première passe décisive en Ligue 1 (pour Bergougnoux). Sa progression est ainsi constante et régulière. Surperformant chez les jeunes, l’attaquant doit patienter plus d’un an pour fêter son 1er but en championnat, en mars 2006 à Ajaccio. Dans le sillage des Fred, Carew, Wiltord puis Baros, Benzema gravit les échelons et débute en Ligue des Champions en décembre 2005.

Et après une dernière saison de transition (5 buts en 21 matchs) à 20 ans sous les ordres de Gérard Houllier, tout de même récompensée par une 1ère sélection en Bleus et un premier but au passage contre l’Autriche sous l’ère…Domenech (mars 2007), le Gone décolle d’un seul coup ! Karim Benzema s’était tout de même déjà fait remarquer sur la scène européenne, en marquant lors de chacune de ses trois premières apparitions en Ligue des Champions. Performance pour un joueur de moins de 20 ans seulement dépassée par Erling Haaland cette saison.

A l’époque, malgré les sollicitations le coach lyonnais parvient à convaincre sa pépite de rester au club, « lui et son entourage m’ont écouté. Tottenham voulait le prendre. », a révélé l’ancien coach de Liverpool dans Le Parisien en avril 2018 pour qui Benzema « n’est pas mûr pour la Premier League ». Une patience récompensée rapidement. « La saison suivante avec moi, il se blesse, mais est vraiment en train de devenir un grand joueur », a expliqué Houllier. En 2007/08, il est devenu titulaire indiscutable avec Alain Perrin (36 matchs) et termine meilleur buteur du championnat avec 20 buts, quadruple son total de l’exercice passé. En juillet 2009, après 112 apparitions en Ligue 1 pour 43 buts marqués, il signe au Real après avoir terminé 2e meilleur joueur français en 2008. Un phénomène.

Ses deux années lyonnaises avec Gérard Houllier lui ont été très profitables. L’ancien sélectionneur des Bleus s’est rappelé dans le livre Le Système Benzema, « avoir été frappé par son écoute. Comme une éponge. Il prend chaque conseil et essaye de les appliquer. Il s’agissait d’une relation quasi filiale. C’était la star montante, j’avais envie de le protéger.»

De son côté, le formateur Armand Garrido qui a notamment eu Benzema chez les jeunes à l’OL se souvenait il y a quelques années ce qui l’avait surpris chez le joueur à ses débuts : « C’est qu’il aille aussi vite, pas qu’il aille aussi haut car il avait des capacités énormes. Il a été très vite. Quand on m’a annoncé qu’il allait au Real Madrid, je me suis dit : "qu’est-ce qu’il va faire là-bas !?" Il s’est adapté et il est toujours à Madrid. Il a éclos à une vitesse folle. En 17 ans, il a été catapulté vers l’avant et il ne s’est pas arrêté. » (Footmercato.com).

Plus jeune de neuf mois, Hatem Ben Arfa ne peut être dissocié de Karim Benzema. C’est ensemble à l’OL que les deux talents montent en puissance. Tout comme son compère, HBA émerveille la Ligue 1 lors de la saison 2007/08, avec une mémorable prestation au Parc des Princes face au PSG en octobre 2007 avec un doublé.

Également lancé par Paul Le Guen, quelques mois avant Benzema (août 2004), Ben Arfa est récompensé du titre de meilleur espoir de la saison 2007/08 aux trophées UNFP. A Lyon, c’est Perrin qui en tire le meilleur. « Pour que ses qualités s’expriment, ce joueur a besoin de beaucoup d’autonomie et de liberté. Il joue au feeling, à l’instinct. » a confié l’ancien coach lyonnais au Parisien en 2016. « C’est un joueur un peu taiseux qui peut être plus difficile à intégrer dans un collectif. »

Interview Maxime Gonalons : « Ce serait beau que Karim Benzema termine à l’OL »

OL : la formation accélérée

A l’image du Lyonnais Benzema, ou encore des retours au club l’été dernier d’Alexandre Lacazette et de Corentin Tolisso, un des trois champions du Monde 2018 formés au club (Umtiti et Fekir), l’identité lyonnaise est forte. De même, voir les jeunes gones prendre une place au sein du groupe pro est une habitude, presque une coutume. Depuis ses premières années, l’identité lyonnaise est une chose de très ancrée. Du coup, bon nombre de dirigeants, d’entraîneurs et de formateurs ont été d’anciens joueurs (Domenech, Lacombe, Garde, Genesio, Juninho…). Et ce notamment depuis la mise en place de la formation.

Dans les années 70, l’OL décide ainsi de la création d’un centre de formation, comme plusieurs autres clubs français. Et ce, sous l’impulsion d’entraîneurs-formateurs hyper-investis qu’ont été José Broissart, Alain Thiry et Gérard Drevet. Mais pour Armand Garrido, ancien formateur et présent pendant trente ans au club, « ce n’est pas que l’école Broissart c’est l’école Olympique Lyonnais. Le flambeau a été repris par Alain Olio, puis Georges Prost, puis Rémi Garde, puis Stéphane Roche… Que des mecs qui sont passés par l’Olympique Lyonnais et qui ont à la fibre de ce club. Broissart a été l’instigateur de l’école lyonnaise mais elle s’est pérennisée.  Elle coule désormais dans notre sang. » (Butfootballclub.fr, 2013).

Si « au début, c’était dur de convaincre certains jeunes. Le club n’avait pas le même palmarès et Saint-Etienne était le grand club de la région », se souvient José Broissart, la culture de la formation s’est accélérée à partir de l’arrivée de Jean-Michel Aulas à la présidence du club. Alors que Laurent Fournier avait été l’une des premières pépites révélées par les Gones en 1980, la formation s’est donc intensifiée avec la montée en Ligue 1 en 1989, symbolisée par le capitanat de Rémy Garde ou encore l’émergence de Bruno Ngotty. A cette époque, la moitié de l’équipe est constituée de joueurs « maison ». Comme le dit cet ex-défenseur international, « l’OL laisse sa chance aux jeunes. Beaucoup arrivent à jouer quelques matchs en pros et, après, ils s’affirment ». Et relève sur le site leLiberoLyon.fr qu’« évoluer à Lyon, c’était forcément une fierté pour les joueurs qui y sont nés. Beaucoup de joueurs qui ont réussi à Lyon étaient originaires de la région. »

Quand Tigana découvre Giuly

Et c’est notamment le cas du duo Giuly-Maurice. L’avant-centre est d’ailleurs repéré par Raymond Domenech, lui-même ancien pur produit du club, alors que Ludo Giuly remporte la Gambardella (1994) aux côtés des Bardon, Devaux et Fiorèse. Mais « Super souris » a vite rejoint le groupe pro comme l’a rappelé dans France Football, profitant de l’absence d’un coéquipier (Patouillard) pour claquer un doublé à Pascal Olmeta avec la réserve face aux pros. « C’était pour évoluer en 6, alors que mon poste, c’était 9 et demi. Mais je lui réponds : « Pas de problème ! », avait-il raconté dans Sud Ouest en 2010. Une performance qui convainc Jean Tigana, coach lyonnais d’alors : « Il vient me voir après - Comment ça se fait que tu ne joues pas en CFA ? Demain matin, 9h30, avec les pros ! - », s’est remémoré Giuly. En 1994/95, les Gones terminent justement à une surprenante 2e place en Ligue 1, 13 des 22 joueurs de l’effectif viennent du centre de formation !

Deux ans plus tard (1997), l’OL récidive en Gambardella et démontre son art de la formation autour des Malbranque, Balmont et Bréchet. S’il s’agit de la dernière Coupe Gambardella brandie par les Lyonnais, ils n’en sont pourtant qu’aux débuts de leurs exploits en matière de révélation, comme l’a confié Giuly : « nous avons fait des choses pour le club dont les gens ne se souviennent pas forcément. C’est normal vu tout ce que le club a connu par la suite, avec son apogée lors des années 2000. » Une période qui voit également Christian Bassila, Joseph-Désiré Job et Frédéric Kanouté se faire une place en équipe première et participer à la qualification pour les quarts de finale de la Coupe UEFA (98/99).

Une réussite qui en annonçait bien d’autres. En effet, les années 2000 ont été très riches pour l’Olympique Lyonnais avec un septuplé historique dans le championnat de France et des jeunes talents révélés presque par poignées ! Même si ceux-ci partagent davantage les premiers rôles avec des recrues stars.

Govou, le fidèle

Au cours de son hégémonie sur la Ligue 1 Uber Eats, l’Olympique Lyonnais s’est grandement appuyé sur ses jeunes. Outre Benzema et HBA, Sidney Govou, Jérémie Bréchet, les deux Florent (Laville et Balmont), Loïc Rémy, Jérémy Berthod, Bryan Bergougnoux, François Clerc, David Linarès, Julien Viale, Jérémy Clément ou encore Romain Sartre ont tous joué un rôle dans la réussite du club. Faisant parties des rares joueurs à sept titres, Sidney Govou – arrivé au club à 17 ans - a donc été de toutes les conquêtes (411 matchs et 77 buts au club), lui qui a d’abord eu la confiance de Bernard Lacombe en janvier 2000 (18 ans) dans un rôle d’attaquant axial, avant de s’imposer dans le couloir droit. S’il a évolué 11 saisons en équipe première, Govou a à la base choisi les Gones pour ses études, car il avait « passé un essai concluant au FC Nantes, mais c’était l’année du Bac alors j’ai privilégié mes études ». Comme expliqué au site Olympique et Lyonnais.com, l’ex-international « joue une mi-temps au poste de milieu offensif et l’autre au poste de défenseur central. Les choses se passent plutôt bien puisque je marque un but même si on se prend une valise. Un mois plus tard, le club me contacte pour me proposer un contrat stagiaire d’un an ». Un titre de champion de France des réserves plus tard, « Sid » prolonge son contrat stagiaire de trois ans. Période durant laquelle l’attaquant s’impose en scorant à 82 reprises.

De quoi séduire Bernard Lacombe qui le convoque à l’entraînement des pros à l’été 1999. Ensuite, malgré la concurrence – Govou côtoie Anderson ou encore Cavéglia – l’espoir choisit de se faire une place à l’OL, où il s’engage pour quatre ans à une époque où le club commence à se tourner vers des renforts extérieurs. « Quand on était jeune, on savait que ce serait très compliqué de percer », a-t-il confié. A cette époque, les formés au club constituent un peu moins l’ossature de l’équipe. Cela ne l’empêchera pas d’en devenir le capitaine au cours de la saison 2004/05.

Si des talents offensifs tels qu’Alassane Pléa et Anthony Martial sont rapidement partis, l’OL a encore pu compter sur la qualité de son centre de formation après les sept années de gloire. Lors de la saison 2012/13, 12 des 27 joueurs du groupe pro sont formés à Tola Vologe : les Lopes, Gonalons, Umtiti, Grenier, Lacazette, Ghezzal, Ferri ou encore le revenant Malbranque… alors que Nabil Fekir et Corentin Tolisso fourbissent encore leurs armes chez les jeunes.

Les successeurs de Benzema

D’abord ailier droit pour épauler l’avant-centre star Yanis Tafer, Alexandre Lacazette finit par s’imposer dans l’axe, avec une progression à la Benzema : à savoir régulière et sereine pour au final tout exploser. De 3 buts en 2012/13, l’attaquant est passé à 15 réalisations inscrites la saison suivante en Ligue 1 Uber Eats, avant de signer le record du club à 27 unités en 2014/15 ! « Il est devenu puissant et on s’aperçoit qu’il est bon aussi dans le jeu aérien. Sa prise de balle est un régal. Et puis, il fait toujours les bons choix. » s’enthousiasmait Bernard Lacombe à l’époque. « Il est venu jeune, il était de Lyon 8ème. Il disposait d’une certaine habilité motrice extraordinaire. Il marquait aussi énormément des buts, ça a toujours été un vrai attaquant. Il avait l’essentiel, cette capacité à marquer. », se souvenait sur Footmercato.com le recruteur rhodanien Gérard Bonneau en mars 2015.

« On compte sur lui. Il restera sur Lyon comme tous les jeunes qui sont régulièrement dans le groupe et à qui on va donner du temps de jeu », avait réagi Claude Puel, son premier coach en pro dans la foulée de son 1er but en Ligue 1 (octobre 2010). Une façon de balayer les rumeurs d’un prêt au mercato d’hiver. Le joueur affichait lui un attachement certain aux Gones : « Je suis très content d'appartenir à ce groupe. Cela fait plaisir de se retrouver avec de très grands joueurs comme j'ai autour de moi. Puis, l'OL, c'est mon club ». Une fidélité (7 ans en Ligue 1 Uber Eats) récompensée par un titre de meilleur buteur (en 2014/15), comme Benzema, mais avec en plus un total record dans l’histoire du championnat pour un Lyonnais (27 buts). A 31 ans et après cinq saisons chez les Gunners, le « général » Lacazette a signé son retour au club. « Ça fait plaisir je rentre à la maison, il y a ma famille, mes amis, un public qui m’apprécie. Le staff aussi je connais quasiment tout le monde, c’était un bon retour à la maison pour moi, mais avec une pression différente, donc c’est aussi un nouveau test », avait commenté celui qui a déjà marqué à six reprises cette saison.

Autre pépite lyonnaise à avoir décidé de quitter le nid, Nabil Fekir, qui a d’ailleurs formé un duo de choc avec Lacazette en 2014/15 sous Hubert Fournier et Bruno Genesio. « Il est passé par un parcours atypique, il a fait trois ans de formation dans les clubs amateurs quand on ne l’a pas gardé, mais tout en essayant de suite de passer par la CFA, pour rester au haut niveau », indiquait Gérard Bonneau. « Des joueurs qui voient aussi vite dans la profondeur ou d’un point de vue périphérique, et qui font autant de différences en match, il y en a très peu. » En effet, non conservé par le club à l’âge de 15 ans, l’attaquant du Bétis est finalement récupéré quatre ans plus tard après une belle prestation en Gambardella face à …l’OL.

Modeste 3e option à son poste derrière Grenier et Gourcuff à l’amorce de la saison 2014/15, il éclabousse de sa classe le championnat de France (13 buts et 9 passes décisives) : « Nabil Fekir, qui n'était pas utilisé par Rémi Garde mais qui m'a tout de suite tapé dans l'œil (…). C'était du gagnant-gagnant (avec Lacazette). Les deux brillaient, les deux étaient sous le feu des projecteurs », déclarait Hubert Fournier dans L’Equipe en novembre 2016. Alors loin de pouvoir prétendre à beaucoup qu’à des miettes lors de la prise de fonction de Fournier à l’été 2014, l’ex-meneur lyonnais avait reconnu, « C’est lui qui a impulsé son explosion. Il est celui qui m'a fait le plus confiance » résumait-il en 2015.

Avant lui, un autre Gone avait rejoint la Liga en 2016, Samuel Umtiti. Dans le giron du club depuis ses 8 ans, le natif de Yaoundé demeure très marqué par ses 14 années lyonnaises. En février 2019 au moment d’affronter son club formateur, le défenseur livrait que l’OL est « un club où j’étais aimé et qui m’a apporté tellement de belles choses. Sans l’OL, je n’aurais jamais pu signer à Barcelone ou postuler en équipe de France. Dans ma tête, le club est associé à toutes mes victoires. A l’issue de la finale en Coupe du Monde, j’ai repensé à mes débuts à l’OL et vu le bonheur de Jean-Michel Aulas. Que ce soit en équipe de France ou sous le maillot de Barcelone, je représenterai toujours l’OL. »

Désormais, c’est donc au tour des Malo Gusto, Rayan Cherki, Castello Lukeba et Maxence Caqueret de perpétuer la tradition de la formation lyonnaise dans le sillage des tauliers Anthony Lopes, Corentin Tolisso et Alexandre Lacazette. En y ajoutant Houssem Aouar, Bradley Barcola et Rémy Riou, ils sont dix joueurs formés au club à faire partie de l’ossature de l’équipe lyonnaise cette saison encore.