Claude Puel, l'entraîneur de l'AS Saint-Etienne qui fête ses 60 ans ce jeudi, a d’emblée imposé sa patte chez les Verts : large utilisation de son effectif et lancement de jeunes talents. Une philosophie à l’image de ses divers passages en Ligue 1 Uber Eats.
En à peine plus d’un mois, l’AS Saint-Etienne avait déjà pris le pli. Dès l'arrivée de Claude Puel sur le banc des Verts, en octobre 2019, tout le monde a été mis à contribution, notamment les plus jeunes. S’il a marqué sa première sur le banc des Verts en alignant l’espoir maison Charles Abi (19 ans) dans le derby face à l’OL (1-0), Claude Puel (60 ans ce jeudi 2 septembre) ne s’est pas arrêté là. D’autres ont suivi dans la foulée (Youssouf, W. Fofana, Camara…), avant l'arrivée de nombreux autres joueurs du centre de formation dans l'effectif (Green, S. Sow, Gourna...). Durant sa longue carrière, l’homme n’en est pas à son coup d’essai dans ce domaine. La jeunesse, ça le connaît. Et ce, depuis ses débuts comme coach, il y a vingt ans à l’AS Monaco (en janvier 1999), où il a révélé son expertise en jeunes talents.
Claude Puel a révélé des jeunes partout
Partout où il est passé, Claude Puel a donné sa chance aux jeunes éléments du club. Champion de France dès sa première saison complète sur un banc (1999/2000), l’ancien milieu de terrain commence donc par le club qu’il connaît le mieux, l’AS Monaco, où d’emblée il donne le ton pour sa première, à Lens (1-1). Alors que son équipe est menée, Puel fait entrer les néophytes Julien Rodriguez et David Di Tommaso. Formés au club, les deux défenseurs obtiennent ainsi la confiance de leur jeune entraîneur qui les titularise avec succès la journée suivante face au PSG (2-1). Le parti pris de la mobilisation générale chez les joueurs, faisant la part belle aux surprises – débouchant généralement sur des coups gagnants avec Puel - pourrait ainsi être sa marque de fabrique.
De Monaco 1999 à Saint-Etienne 2019
Fortement inspiré par Arsène Wenger pour lequel il a joué une dizaine de saisons sur le Rocher, Claude Puel y a par la suite lancé deux autres défenseurs internationaux : Eric Abidal et Gaël Givet. « Il m’a marqué avec son état d’esprit, s’est souvenu pour RMC l’ancien du Barça. Je pense que c’est ce qui m’a forgé aussi un caractère. Il a vraiment inculqué à tous les joueurs cette envie, cette gagne, cette rage de vaincre, cette envie de te battre sur le terrain. C’est aussi lui qui m’a permis de pouvoir vivre ce rêve de gosse », avant de lui avoir fait goûter à la Ligue 1 Uber Eats en septembre 2000, à tout juste 21 ans. « A cet âge, soit ça passait, soit ça cassait. Le discours de l'entraîneur, c'était : - Eclatez-vous et on verra - ». Claude Puel était allé le chercher six mois plus tôt du côté de La Duchère en CFA 2 et l’avait fait signer pour cinq ans au bout d’une petite semaine d’essai (février 2000), après avoir identifié ses qualités (« vif, entreprenant, rapide »). Comme d’autres après lui, Abidal a évolué ailleurs sous les ordres de celui qui l’a repéré : au LOSC le concernant. Et avec la plus grande réussite.
La saison du titre avec l’AS Monaco, Claude Puel avait aussi fait des jeunes Trezeguet, Christanval et Rafa Marquez, débarqué du Mexique à 20 ans, certains de ses leaders. Une saison de réussite totale qui fera dire à l’expérimenté Marco Simone (21 buts cette saison-là), qui avait connu Sacchi et Capello au Milan, que « beaucoup de techniciens français devraient s'en inspirer ». Sur le Rocher, le tacticien fait aussi éclore Dado Prso ou encore John Arne Riise.
Comme à Saint-Etienne, Claude Puel rejoint en 2012 un club fraîchement titré chez les jeunes, l’OGC Nice. A son arrivée, il conduit même les Aiglons à la 4e place du classement final en championnat. Forcément avec quelques jeunes : Eysseric (20 ans), Bosetti (19 ans), Kolodziejczak (21 ans) – déjà lancé par lui-même avec l’OL pour une 1ère au Parc des Princes en novembre 2008 – et surtout Neal Maupay (16 ans). C’est justement sous les ordres de Claude Puel que l’attaquant devient le 3e plus jeune buteur de l’histoire du championnat de France (16 ans et 4 mois), le plus précoce de l’OGC Nice, face à Evian le 15 décembre 2012. Comme les autres pépites, avant et après lui, Maupay récolte les mêmes conseils auprès de Puel. « Je veux qu'il reste équilibré. La route est longue », affirmait le tacticien dans la foulée des débuts du Franco-argentin en 2012.
A Nice, le technicien est aussi confronté à l’ambition de la jeunesse. Trois ans après des débuts tonitruants, l’espoir Neal Maupay a des envies d’ailleurs. « Après plusieurs saisons d'apprentissage, un jeune doit avoir du temps de jeu. A un moment donné, il doit jouer pour continuer à progresser dans sa carrière. Et au moment où il en est, je ne pouvais pas le lui certifier. Il ne partait pas titulaire, mais dans une logique de jeune joueur qui doit aller chercher du temps de jeu. Il y a de l’impatience, cela peut se comprendre chez Neal », qui rejoint alors Saint-Etienne. Idem pour Valentin Eysseric. Lancé en Ligue 1 Uber Eats (2012) – « Puel m’a donné l’opportunité de rebondir. Cela s’est super bien passé pour moi cette année-là », relayait So Foot en 2015 –, l’ex-milieu de Nice a ensuite perdu sa place au profit « de recrues et d’autres jeunes ». Deux ans plus tôt, le jeune Eysseric louait déjà le travail de son coach au micro de RMC : « Il nous protège beaucoup, surtout les jeunes. Il nous dit tous les jours de ne pas s’enflammer. Il n’y a que le travail qui paye ». Une vraie maxime chez Claude Puel en 40 ans de carrière.
Nice reste influencé par son passage
Chez les Aiglons, Claude Puel s’investit grandement dans le travail de formation. « Avant de s'engager avec l'OGC Nice, Claude est aussi venu observer nos équipes de jeunes. Il a pu se rendre compte que nous travaillions dans le même sens que lui, que nous partagions la même philosophie », a expliqué en 2014 Alain Wathelet, directeur du centre de formation du Gym jusqu’en septembre 2019. Sur la Côte d’Azur, le technicien travaille quotidiennement sur la post-formation pendant quatre ans : « Il y a beaucoup de choses entre la Gambardella et le monde professionnel. La gagner est une bonne expérience, même s’il y a encore du chemin pour arriver au niveau des pros », expliquait-il à La Provence en 2013, année où il lance également Jordan Amavi.
Mais diriger le plus jeune effectif de Ligue 1 Uber Eats (2013/14) comporte sa part de risques ; l’OGC Nice boucle l’exercice au 17e rang sans que pour autant cela ne bouscule les principes du tacticien. « Il faut insister, donner du temps de jeu à ces jeunes. C’est une prise de risques importante, mais je l’ai toujours assumée en tant qu’entraîneur. Faire débuter un jeune peut coûter des points, mais j’ai toujours eu cette démarche. Ce n’est jamais évident ». La suite lui donnera raison, puisque le Gym se classe une nouvelle fois 4e pour la dernière saison de Claude Puel au club (15/16).
D’ailleurs, trois ans après son départ, le club azuréen demeure marqué par son passage, comme l’a révélé Emerse Faé (entraîneur U19) en octobre 2019 sur beIN SPORTS : « Avant son arrivée, le club n’était pas connu pour sortir beaucoup de jeunes du centre de formation. Mais depuis, l’OGCN a changé sa philosophie (…) On s’appuie beaucoup plus sur les jeunes du centre. » A Nice, le coach a aussi laissé le souvenir de celui qui a permis de profiter des qualités exceptionnelles d’Hatem Ben Arfa (17 buts en 2015/16). « Il a une très grande part de mérite dans ce qui m’arrive actuellement. Sans lui, je ne serais pas revenu aussi vite (…) C’est le premier qui me cerne aussi bien », a avoué l’ancien international dans France Football en novembre 2015.
LOSC : Eden Hazard débute sous ses ordres
Auparavant au LOSC entre 2002 et 2008, fort d’un titre de champion de France de Ligue 1 Uber Eats acquis sur le Rocher, Claude Puel donne sa pleine mesure dans l’intégration des jeunes, qui s’y inscrivent dans la durée et constituent le socle de l’équipe. « Sortir des jeunes est une nécessité pour Lille. Il faut miser sur la formation et la préformation, d’autant plus qu’il existe ici le tissu et le potentiel pour avoir beaucoup de bons gamins », glisse-t-il dans France Football (janvier 2005). En effet, le successeur de Coach Vahid parvient à y faire conjuguer pépites et performances. Dès sa première saison, il donne sa confiance à la jeunesse lilloise et révèle une partie de son approche : « Il faut être vigilant quand on entraîne des stars, alors que les jeunes sont plus réceptifs. Il faut beaucoup travailler l’aspect individuel et collectif, si bien que j’ai l’impression de former des jeunes pour le haut niveau ».
Vice-champion de Ligue 1 Uber Eats en 2005, il permet dans le Nord à Debuchy et Cabaye, tous deux retrouvés lors de la saison 2019/20 dans le Forez, mais aussi à Obraniak, Mirallas, Moussilou, Rami, Makoun, Odemwingie – ramené de La Louvière après avoir observé sa progression depuis les gradins du Tivoli – et évidemment Eden Hazard de démarrer leur carrière professionnelle ou de se révéler au plus grand monde ! A 16 ans, la star belge est ainsi lancée dans le grand bain des pros en 2007 lors d’un amical contre Bruges. « Il a fait des choses extraordinaires, de très haut niveau dès son premier match. Il avait cette capacité à éliminer quatre ou cinq joueurs en enfilade, même avec la pression de l'adversaire », s’est souvenu Claude Puel dans L’Equipe en 2016. S’il est un de ceux qui ont été le plus haut, Hazard n’est pas forcément le meilleur joueur qu’a eu l’ancien entraîneur du LOSC : « Est-ce le plus grand talent que j'ai entraîné ? Non. Hatem (Ben Arfa), c'est énorme aussi. Mais lui a progressé avec l'âge. Eden, il avait tout d'emblée. Il avait cette propension à faire des différences, à éliminer tout en gardant sa lucidité pour se montrer efficace devant le but, et il était très, très jeune ». De son côté et comme beaucoup d’autres, la star belge conserve une image positive de celui qui a cru en lui : « J’ai passé deux mois avec Puel à Lille. Il est l’un des meilleurs coachs que j’ai eu, parce qu’il a peut-être fait de moi le joueur que je suis devenu », indiquait le Diable Rouge en mai 2017.
Et à entendre les réactions d’autres anciens Dogues à sa nomination à Saint-Étienne, il est facile d’imaginer les bons souvenirs que ces derniers ont également conservé de leur premier coach en pro. « C'est quelqu'un de droit, franc et honnête », a d’emblée réagi Cabaye. De son côté, Ludovic Obraniak a rappelé qu’il « est un formidable bâtisseur, un formateur aussi. Il a réussi à Lille, à Nice. »
Au LOSC, Claude Puel a aussi lancé le néo-Troyen Adil Rami, venu de presque nulle part à 21 ans : en mai 2007 face à Auxerre, contre qui il fait un match « fantastique » s’est remémoré Pascal Plancque dans France Football. Pourtant, comme l’a rappelé l’adjoint lillois de l’époque, « peu de gens étaient convaincus qu'il aurait une telle trajectoire. Il y avait beaucoup de scepticisme, y compris dans le staff des pros ». Dans le Nord, Claude Puel ne se contente pas de repérer les talents, il les repositionne aussi. Si la transition est fluide avec Mathieu Debuchy, replacé latéral droit après des débuts au milieu, avec Mathieu Bodmer, l’histoire est plus complexe.
Convaincu que son joueur pouvait représenter l’avenir au poste de défenseur central (« Il a un très gros potentiel mais il n’est pas reconnu à son véritable niveau »), Puel le fait redescendre de sa position offensive pour finir par le convaincre de jouer derrière. « Il est performant à plusieurs postes. Là où il aime bien jouer c’est en position avancée de milieu offensif comme il le faisait à Lille. Mais pour moi, il aurait eu un avenir international à un poste de défenseur central à la Laurent Blanc », estimait Puel dans 20 Minutes en avril 2012. Malgré une brouille à l’OL, Bodmer est ensuite revenu à ses côtés à Nice pour évoluer…en défense centrale, où il n’avait plus joué depuis Lyon. Sans doute une autre force de coach Puel.
A l’OL, Puel mise encore sur la formation
A l’Olympique Lyonnais justement, où l’aventure a été plus compliquée qu’ailleurs, Claude Puel n’a pas dérogé à ses principes au sein d’un club déjà foncièrement tourné vers la formation. A l’été 2008, il retrouve donc notamment Bodmer, mais aussi « son guerrier » Jean II Makoun, qui n’a alors pas manqué d’exprimer sa satisfaction à l’idée de le retrouver : « Ça serait encore génial de travailler avec lui. On s'entend très bien ». Preuve des liens qu’a pu nouer le coach avec certains de ses joueurs.
L’actuel coach des Verts avait aussi puisé dans le riche vivier de la formation lyonnaise avec les fraîchement sacrés champions d’Europe U19, Alexandre Lacazette et Clément Grenier, mais aussi Maxime Gonalons et Ishak Belfodil en 2009/10, en bousculant au passage la hiérarchie et en jouant, une fois encore, à fond la carte de la libre concurrence. « Il faut leur attribuer une mention particulière. Ces jeunes amènent du sang frais et nous en avons besoin. Ils sont en train de prendre de la présence et de la qualité. Ils le méritent par rapport aux choses qu'ils démontrent lors des entraînements ou des matchs de la réserve. Il y a une certaine logique dans leur progression et leur temps de jeu », expliquait Puel en octobre 2010, au soir du 1er but en Ligue 1 Uber Eats de Lacazette (19 ans) pour sa troisième apparition avec l’équipe première.
Puel lance la jeunesse des Verts
De retour en Ligue 1 Uber Eats en octobre 2019, les principes de Claude Puel ne semblent pas avoir pris une ride, désormais du côté du rival stéphanois. « Tout le monde est dans le même bateau, personne n’est à l’écart », expliquait Denis Bouanga sur France Bleu. Une approche qui « permet de concerner une grande quantité de joueurs et c'est important pour la dynamique », confiait encore Puel quelques semaines après son arrivée. « Notre comportement le montre, ils ont compris ce que je voulais faire, même si certains ne jouent pas tout le temps. Je pense qu'on a montré une cohésion extraordinaire et j'espère qu'on va pouvoir continuer comme ça. » Auteur des meilleurs débuts d’un coach stéphanois dans l’histoire (4 victoires et 1 nul), Claude Puel avait permis à l’ASSE de grimper de la 19e à la 4e position après 13 journées, en ayant aligné 22 titulaires différents, avant de voir les résultats grandement déclinés. Mais l'entraîneur a continué de faire confiance aux jeunes, avec la même réussite. Titulaire avec son nouvel entraîneur, Wesley Fofana a par exemple été l'une des révélations de la saison 2019/2020, avant de partir exploser en Premier League sous les couleurs de Leicester. Convaincu par le Castrais de naissance, la promesse Adil Aouchiche a de son côté préféré signer son premier contrat professionnel dans le Forez plutôt qu'au PSG. Avec la crise de la Covid-19, l'ASSE s'est encore plus tourné vers son centre de formation, vainqueur de la Gambardella en 2019. Mahdi Camara, Etienne Green, Saïdou Sow, Lucas Gourna ou encore Aïmen Moueffek ont ainsi profité de la présence de Claude Puel pour lancer leur carrière dans l'élite. A eux d’en profiter donc, pour exploser à l'instar de nombreux talents qui ont évolué sous les ordres du technicien.
Le bilan de Claude Puel en Ligue 1 Uber Eats
AS Monaco : 83 matchs (42 victoires, 16 nuls, 25 défaites) : 51% de victoires
LOSC : 228 matchs (84 victoires, 77 nuls, 67 défaites) : 37% de victoires
Olympique Lyonnais : 114 matchs (57 victoires, 36 nuls, 21 défaites) : 50% de victoires
OGC Nice : 152 matchs (61 victoires, 34 nuls, 57 défaites) : 40% de victoires
AS Saint-Etienne : 62 matchs (18 victoires, 17 nuls, 27 défaites) : 29% de victoires
Total : 639 matchs (262 victoires, 180 nuls, 197 défaites) : 41% de victoires
Classement historique des entraîneurs au nombre de matchs en Ligue 1 Uber Eats
1. Guy Roux (1980-2007) : 895 matchs
2. Kader Firoud (1955-1982) : 782 matchs
3. Albert Batteux (1950-1979) : 658 matchs
4. José Arribas (1963-1982) : 654 matchs
5. Claude Puel (depuis 1999) : 639 matchs