Interview

Shabani Nonda : « Deschamps m’a transformé en killer face au but »

Shabani Nonda : « Deschamps m’a transformé en killer face au but »

Interview
Publié le 09/05 à 13:47

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Il y a 20 ans, Shabani Nonda signait avec l’AS Monaco sa saison la plus accomplie en Ligue 1 Uber Eats, manquant le titre de champion pour un point face à l’OL, mais raflant celui de meilleur buteur à Pedro Pauleta. Entretien.

Shabani, pouvez-vous revenir sur cette saison 2002/2003 particulièrement riche pour vous avec l’AS Monaco qui remporte la Coupe de la Ligue et finit à une petite longueur de l’OL, sacré en Ligue 1 Uber Eats ?
Ce n’était pas juste ! Dans nos têtes, nous étions nous aussi un peu les champions. C’était dur à accepter…D’autant plus que nous avions gagné les deux confrontations directes face à Lyon (1-3, 2-0). Mais la défaite à Guingamp nous a fait du mal (3-1 en J37)… Elle avait eu lieu trois jours après la finale de la Coupe de la Ligue gagnée contre Sochaux (4-1). Nous ne l’avions pas vraiment fêté, mais nous ne pouvions pas nous empêcher de la savourer...

Le scénario de cette saison vous a-t-il laissé des regrets vis-à-vis de l’OL ?
Déjà, la saison précédente (en réalité en 2000/01), l’OL nous avait piqué la Coupe de la Ligue (2-1, a.p.). Sonny Anderson nous avait remis à notre place, car on se voyait déjà avec la Coupe. Alors cette saison (02/03), nous étions déterminés pour leur prendre le titre. Nous n’avions pas digéré cette défaite en finale. Je ne sais pas pourquoi, mais sur ces saisons je considère que l’AS Monaco était meilleur que l’OL. Que l’on avait un meilleur groupe.

On s’est dit : « Plus jamais ça ! »

Pourtant l’AS Monaco avait dû lutter pour le maintien lors de la saison précédente en finissant à la 15e place (2001/02).
Nous ne comprenions pas pourquoi cela ne fonctionnait pas. Car nous avions conscience de la qualité de notre groupe. Sur le papier, il y avait du beau monde ! Simone, Gallardo, Marquez, Giuly… D’ailleurs, malgré ce classement, nous répondions présents face aux grosses équipes (l’ASM est resté invaincu à domicile contre le top 5 avec 3 V et 2 N). A d’autres moments, nous étions inconstants et les autres nous bousculaient. Après cette saison, nous nous sommes dit : « Plus jamais ça ! Soyons unis ! ». La mentalité a alors complètement changé d’une année à l’autre. Nous étions concentrés de la 1ère à la dernière minute.

Comment un tel changement a-t-il pu s’opérer en une intersaison ?
Didier Deschamps y est pour beaucoup. Il entamait sa 2e saison de jeune entraîneur. Il savait galvaniser l’équipe, nous faire travailler. Il a transmis cet état d’esprit du haut niveau. Cela ne m’étonne pas de voir tous les trophées qu’il a remportés depuis…Partout où il va, il a le don de motiver ses joueurs.

« Les gars me cherchaient au lieu de tirer »

A titre individuel, vous avez également franchi un cap en passant de 14 à 26 buts sur la saison en Ligue 1 Uber Eats...
Didier avait compris quel était mon style et comment je pouvais m’exprimer le mieux. Dans son système en 4-4-2, il y avait donc deux attaquants, ce qui me donnait la possibilité de redescendre, de servir d’appui sans être obligé de rester immobile devant. L’association avec Dado Prso était bonne. Lui aussi aimait bien sa liberté. Avec des joueurs de couloirs comme Giuly et Rothen, je pouvais prendre la profondeur, ça fonctionnait très bien avec beaucoup de complicité.

Et ce titre de meilleur buteur obtenu avec trois buts de mieux que Pauleta (Bordeaux, 23 buts) était-il un objectif ?
Cela a presque était plus collectif que personnel. Car même si nous avions l’espoir de remporter le championnat, j’avais toute l’équipe derrière moi pour m’aider à marquer et battre Pauleta. Cela m’a facilité la tâche dans ce duel (Nonda a inscrit 9 buts lors des 6 derniers matchs). Nous n’en avons jamais parlé, mais je le sentais sur le terrain. Certaines fois, je voyais que les gars me cherchaient au lieu de tirer directement.

Ce qui démontre l’ambiance qui devait régner à l’époque dans cette équipe...
Oui, nous vivions bien ensemble. Je rejoignais les copains. Ça rigolait bien. Il faut avouer qu’au cours d’une carrière il arrive que l’on traîne un peu les pieds pour aller à l’entraînement…Mais à Monaco sur cette période de deux-trois ans avec Didier Deschamps, c’était vraiment plaisant.

Diriez-vous justement que c’est lui qui vous a fait progresser devant le but ?
Je savais que j’avais des qualités de buteur mais si je suis devenu en quelque sorte un « killer » devant le but, c’est clairement grâce à lui. Ses conseils ont révélé ça en moi. Grâce à notre travail ensemble, une ou deux occasions me suffisaient pour réussir à marquer. Avant, je n’avais pas cette qualité, cette hargne de vouloir toujours marquer.

« A mon arrivée, on m’a demandé de faire du Trezeguet » 

Vous avez débuté à l’AS Monaco sous Claude Puel (2000/01). Pouvez-vous revenir sur ces débuts avec le champion en titre où vous devez succéder à David Trezeguet parti à la Juventus ?
Avoir cette chance de remplacer un champion du monde et d’Europe en arrivant à Monaco, je l’ai pris comme une reconnaissance de mes progrès depuis la Suisse. D’un autre côté, c’était aussi une pression d’arriver dans une équipe qui tournait très bien. Il me fallait montrer que j’étais à la hauteur. Car Monaco comptait beaucoup d’internationaux. En arrivant tout de même de Rennes, j’ai rapidement vu le niveau de joueurs comme Simone, qui a connu le grand AC Milan, de Gallardo ou encore Giuly… Et il y avait aussi le projet de la Ligue des Champions. C’était ma première fois, car jusqu’ici mon maximum avait été l’Intertoto avec Rennes (99/00). Je montais encore de niveau avec un enjeu important.

Comment s’est alors passée la succession de David Trezeguet ?
Nous avions des profiles totalement différents. Il était peut-être un peu plus buteur que moi. A mon arrivée, on m’a demandé de faire du copier-coller. C’est-à-dire de rester fixer devant pour faire du Trezeguet. C’était la première fois de ma carrière que l’on me demandait d’être un point fixe. De ne pas trop bouger. Car jusque-là, je me considérais plus comme un deuxième attaquant. J’étais libre de m’exprimer, de redescendre, d’aller sur les côtés…sans doute parce que plus jeune je n’ai pas toujours évolué à ce poste. Donc on me disait : « Tu ne bouges pas, les autres joueurs vont t’alimenter ». Au fond de moi, je ne voulais pas attendre qu’on m’alimente ! Cela me perturbait. C’est certainement la raison pour laquelle ma première saison a été un peu difficile (12 buts en 2001/02).

A l’AS Monaco, vous avez dès votre arrivée été confronté à davantage de concurrence avec les Simone, Bierhoff, Prso, Raducioiu, Eloi, S. Camara… Comment l’appréhendiez-vous ?
La concurrence n’est pas une mauvaise chose. Au lieu de me faire peur, cela me motivait ! ça me donnait l’envie de me surpasser. Je le prenais de façon positive. J’avais confiance en mes qualités. Mais je n’ai pas vraiment découvert la concurrence en arrivant à Monaco. Je l'avais connue en Suisse avec Yekini. En Afrique, il était une référence. Et à Zürich, il a été un modèle pour moi. Même à Rennes, quand je suis arrivé (en 1998), le club venait d’acheter Cédric Bardon et il y avait aussi Nicolas Goussé et le jeune Eli Kroupi. Et initialement, c’était plutôt Bardon qui devait être le titulaire.