Interview

Édouard Cissé : « Marco Verratti a marqué l’histoire du PSG »

Édouard Cissé : « Marco Verratti a marqué l’histoire du PSG »

Interview
Publié le 20/09 à 10:06 - ADS

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Ancien joueur du PSG et de l’OM, Édouard Cissé commente aujourd’hui les matchs pour Prime Video. Sa drôle de célébration, Deschamps, Verratti, Ugarte ou Aubameyang… Entretien avant le Classique.

Savez-vous combien de Classiques vous avez disputé quand vous étiez joueur ?
14 ou 15 ?

15 ! 12 avec le PSG et 3 avec l’OM…
Et ceux avec l’OM, je les ai tous gagnés je crois (2 victoires en championnat et une victoire aux tirs au but lors du Trophée des champions 2010).

De tous les classiques que vous avez disputés, quel est celui qui vous vient à l’esprit en premier ?
Ce sont des matchs tellement particuliers que c’est dur d’en ressortir un mais je dirais le premier ! C’était assez lunaire. C’était lors de la saison 1997/98, trois jours après ma première titularisation en Champions League, au Parc contre le Bayern. Jusqu’alors, je ne savais pas ce que c'était la rivalité PSG-OM car je ne suis pas Parisien, je viens de Pau. Et je vois mon pote Pierre Ducrocq métamorphosé, qui fait ce tête contre tête avec Fabrizio Ravanelli. Je me dis : « Mais il est fou, c’est Ravanelli ! ». Il était dans un monde parallèle et il me sort : « Je ne le respecte pas, lui. C’est un PSG-Marseille, je ne respecte pas les Marseillais ». C’est là que j’ai compris que c’était bien « furax ». C’est la première image qui me vient, un moment qui m’a fait comprendre immédiatement que c’était un match à gagner (rires).

« Lorsque je marque, il y a cette private joke avec Pauleta… »

En novembre 2004, vous marquez le but de la victoire lors d’un PSG-OM (2-1). C’est votre meilleur souvenir de Classique ?
Je n’irais pas jusque là mais c’était assez cool car c'était un match où j'étais remplaçant. Je sortais d’une très bonne saison avec Monaco mais entre Vahid Halilhodžić et moi, ce n'était pas une histoire d'amour… J’entre parce que Sylvain Armand prend un rouge pour un tacle sur Fabrice Fiorèse et sans cet épisode, je pense sincèrement que je ne serais pas entré. Donc je me retrouve sur la pelouse, on est 10 contre 11 et j’ai des choses à montrer. Pas à mes coéquipiers mais à mon coach, qui ne veut pas me faire jouer pour diverses raisons. Ça tombe bien puisque je marque du pied gauche, un beau but qui reste dans l’Histoire. Et il y a cette célébration…

Racontez-nous !
Il y a encore deux semaines, mes enfants m’ont demandé : « Mais pourquoi tu as fait ça papa ? C'était bizarre, surtout en te connaissant ». En fait, pendant la semaine, j’avais marqué un but à l’entraînement, que j’avais célébré en faisant l’Aigle des Açores comme Pauleta. Et quand Pedro voit ça, il me dit : « Tu fais ça mais, le coach, il t’a coupé les ailes ». Je lui réponds : « Ne t’inquiète pas, elles vont vite repousser ! » C’est pour ça que lorsque je marque, il y a cette private joke avec Pedro, au-delà du fait que ce soit un but important ! Les gens qui regardaient n’ont pas dû comprendre mais, pour moi, ça avait du sens car je revenais de Monaco, où j’avais fait une super saison, et je me retrouve « blacklisté », « friendzoné » même ! C’était ma façon de répondre et ça fait plaisir de voir que ce but repasse en boucle avant les Classiques des années plus tard, surtout que je n’en ai pas mis beaucoup !

Et les Classiques joués sous le maillot de l’OM ?
C’est simple, il y en a eu trois et donc, je n’en ai perdu aucun. Il y a eu ce PSG-OM où on se déplace au Parc et on gagne 3-0. On n’a pas eu l’impression d’avoir joué le match et 3-0 ! Après le coup de sifflet final, j’ai demandé à Claude Makelele ce qu’il s’était passé de leur côté et il ne savait pas quoi répondre. On n’a pas compris pourquoi c’était aussi facile pour nous. Il y a aussi eu ce Trophée des champions en Tunisie dans une période où on était sur notre petit nuage avec l’OM. Le club n’avait rien gagné pendant 17 ans et là, on remporte la Coupe de la Ligue, le championnat de France et donc le Trophée des champions (0-0, 5-4 tab). A chaque fois qu’on jouait un match important, on le gagnait, c'était assez fun. Même avant la séance de tirs au but, on était sereins et même si ce n’est qu’un match, ça reste un trophée !

 

« Quand l’OM m’a contacté ? J’appelle Didier Deschamps et je décline »

Vous avez fait vos débuts professionnels avec le PSG, où vous avez joué 7 ans. Quelle est la première chose qui vous est passée par la tête quand vous avez été contacté par l’OM en 2009 ?
Didier Deschamps m'appelle alors que je suis encore en Turquie, à Istanbul. Je suis en passe d'être champion de Turquie avec Beşiktaş mais il reste un ou deux matchs. Didier me dit : « Je vais reprendre une équipe et je voudrais savoir si ça te dit de bosser avec moi de nouveau ». Je lui réponds : « Bien sûr ! Dans quel club ? » Didier ne voulait pas me le dire car il n’avait pas encore été présenté et, deux jours plus tard, je vois que c’est l’OM… Je me dis : « Oh non, je ne peux pas y aller… Si c’est Marseille, ça ne va pas être possible pour moi qui suis un ancien Parisien » donc j’appelle Didier et je décline. Mais Didier me dit : « Ça va, tu n'es pas Ginola ! Tu n'as pas marqué le PSG de ton empreinte ! » Une phrase pleine de sens. J’y ai repensé et c'est vrai que plein de joueurs sont passés directement d’un club à l’autre alors que moi, j’étais désormais en Turquie. J’ai mis un mois avant d’accepter. Ça n’a pas été facile mais je voulais rejouer pour Didier et gagner quelque chose avec l’OM parce que la première chose qu’il m’a dite, c’est : « Être champion de Turquie, c'est bien, mais être champion de son pays, c'est mieux ». Il m’a retourné façon « Inception » et j’ai dit : « Bingo ! » C’est une chose de le dire mais ce qui est fort, c'est qu'on a réussi à le faire, alors que l’OM attendait ça depuis 17 ans ! Comme quoi…

À Marseille, on vous a parfois fait sentir que vous étiez un ancien Parisien et que sur certaines choses, vous ne seriez pas traité comme un joueur lambda ?
Non. Je me souviens qu’au bout d'une ou deux semaines, José Anigo avait organisé une réunion pour présenter les recrues aux différents chefs des supporters marseillais. Et ils ont été super honnêtes puisqu’ils nous ont dit que maintenant, on portait le maillot de Marseille, qu’il n’y avait pas de souci, mais que Gabriel Heinze et moi, on serait jugés un peu différemment des autres. A partir du moment où on mouillait le maillot, il n’y avait pas de problème. Et avec Gabi, on n’a jamais senti qu’il y avait un souci. Les seules fois où on a été sifflés, c'est parce qu'on avait été nuls, pas parce qu’on avait joué au PSG, et ça, c'est cool. Finalement, on a fait le boulot sur le terrain, on ne se la racontait pas et quelques mois plus tard, on était sur le Vieux Port à voir tout le monde s’embrasser… C’était beau ! Donc on ne m’a pas sifflé parce que j’avais été Parisien, seulement parce que j’étais mauvais, et heureusement, ce n’était pas trop souvent (rires).

À Monaco et à l’OM, vous avez eu Didier Deschamps pour entraîneur. Vous avez déjà dit plusieurs fois que c’était le coach qui vous avait le plus marqué. Quelle est la question sur Didier Deschamps que l’on vous pose le plus ?
Qu'est-ce qu'il a de spécial ? Ce à quoi je réponds que ce qu’il a de spécial, c'est que partout où il passe, il gagne. Ça ne peut pas être de la chance. Son secret, c’est qu’il arrive à insuffler un esprit de compétition dans le cerveau de ses joueurs. Il fait la différence entre un compétiteur et un bon joueur. Le compétiteur accepte de perdre. Il sait que la défaite fait partie du jeu, mais il faut la haïr et tout faire pour éviter de perdre. Mais perdre, ça fait partie du jeu. Parfois, tu gagnes un match où tu as été nul mais, après la rencontre, la première chose qu'il te dit, c’est : « Bravo ! Ce n'est jamais facile de gagner. » Tu comprends donc que ton but, c’est de gagner, peu importe la manière. Je sais qu’il n’aime pas que je dise ça mais ce qu’il faut dans un premier temps, c’est gagner. Quand tu joues dans un grand club, est-ce que tu es payé pour bien jouer mais ne pas gagner ? Tu es d’abord payé pour gagner. Une fois que tu as compris ça, tu fais tout pour gagner. Ça ne veut pas dire que tu vas y arriver mais tu fais tout pour y arriver. En dehors, tu t’étires et tu fais tout pour ne pas être blessé parce que tu es dans une équipe où il y a beaucoup de joueurs, où il y a de la concurrence… Ce mode de pensée devient naturel. Je suis content de l'avoir connu quand j'étais à Monaco parce que ça m’a servi pour la suite de ma carrière. Le petit regret que j’ai, c’est de ne pas l'avoir connu plus tôt, mais ça devait se faire comme ça.

« Manuel Ugarte ne peut pas être ton crack »

Vous qui étiez milieu défensif, le PSG a recruté dans ce secteur de jeu un joueur qui fait forte impression en ce début de saison, Manuel Ugarte…
C’est un bon joueur, agressif, donc il apporte quelque chose que le Paris Saint-Germain n'avait pas ces dernières saisons. Il y a plusieurs années, c’est ce que devaient amener Krychowiak et Stambouli, deux joueurs pas très hype. Et à l'époque, le PSG dominait donc ce n’étaient pas des profils qui brillaient. Mais quelques années ont passé et on se rend compte que c'est ce qui manque au Paris Saint-Germain. Sur les premiers matchs, on se rend compte que c'est un plus mais il y a un bémol : Ugarte doit être un joueur important de l'équipe mais ça ne peut pas être ton crack parce que si ton crack, c'est un milieu défensif, c'est que le PSG ne va pas bien, qu’il est en rodage. Donc Manuel Ugarte fait son taf, il le fait très bien et il apporte quelque chose qui manquait au milieu parisien mais le PSG n’a disputé que cinq matchs de championnat. Ugarte laisse entrevoir de belles choses. C’est un bon joueur et un joueur qu'il fallait à Paris. Maintenant, à lui de terminer de s'adapter parce que le public parisien est exigeant mais pour l’instant, je dis oui !

Au milieu toujours, Marco Verratti vient de quitter le PSG après 11 ans au club. Comment jouer sans lui ?
Le PSG sait déjà comment jouer sans lui parce qu’il a raté pas mal de matchs (sourire). Marco était un grand professionnel, pas dans l’hygiène de vie mais dans l’attitude, car quel que soit l’adversaire, il a rarement été mauvais. Il a toujours mouillé le maillot et il n'a jamais trahi le jeu. Après, son hygiène de vie a fait qu’il a manqué des matchs importants, des matchs que le PSG a réussi à gagner. Néanmoins, quand il ne jouait pas, le Paris Saint-Germain a quand même gagné des matchs. Marco est un grand joueur, qui a marqué l'histoire du PSG, c’est sûr, mais après, c'est le quotidien du football, tu as beau être dans un club depuis 10 ou 15 ans, il y a un moment où on passe à autre chose. Mais Marco Verratti a fait plus de 400 matchs ici, il a remporté plein de titres, donc ça restera. Et s’il laisse un vide, ce sera aux autres joueurs de le combler.

L’effectif de l’OM a beaucoup changé à l’intersaison. Y a -t-il une recrue qui te plaît particulièrement ?
J’ai très peu vu l’OM et quand ça a été le cas, ils ne m’ont pas emballé… Mais celui que je vais regarder plus attentivement, c’est Pierre-Emerick Aubameyang, comment il va se fondre dans le collectif. C’est la recrue phare et ça a été un choix fort de se séparer d’Alexis Sánchez et d’aller le chercher, lui, donc il y a une petite pression sur lui mais je pense qu’il est capable de la gérer et de mener l’attaque marseillaise.

« Joueur ou commentateur, tu sais quand tu as été bon »

Parlons maintenant de votre quotidien depuis que vous avez raccroché les crampons et de votre rôle de consultant… Est-ce que vous pouvez nous retracer un peu votre parcours dans les médias ?
J’arrête de jouer en 2012 et j'enchaîne de suite avec beIN Sports grâce à Charles Biétry. Bingo car ça m'a bien plu. Après, j’ai fait l’émission Les spécialistes sur Canal +. Ce n’était pas évident car c’était autre chose, c’était du talk, et je me suis retrouvé avec Daniel Bravo et Christophe Dugarry, qui sont très bavards (rires), mais ça a été formateur. Ensuite, j’ai rejoint l’émission Téléfoot sur TF1 pendant deux ans. On se partageait les dimanches avec Bixente Lizarazu et Christian Jeanpierre. C’était top car ça m’a permis de voir une nouvelle façon de travailler car on s’adressait à un public large, pas nécessairement des puristes, donc il fallait être très compréhensible, malin. Derrière, j’ai fait deux ans loin des médias avant de revenir sur Prime Video lors de l’été 2021. C’est très cool car, pour la première fois, je commente les matchs. Je me considère encore comme un novice mais c’est plaisant.

Même si vous commentez depuis peu, en quoi avez-vous fait évoluer votre style ?
Déjà, je regarde les matchs en écoutant les commentaires alors que jusque là, je ne mettais jamais le son (sourire). Je fais attention à ce que j’entends et j’ai appris au fur et à mesure ce qu’on attendait de nous. Ce n'est pas un exercice d'analyse, il faut se « contenter » de commenter, c’est-à-dire expliquer aux gens ce qu'on voit. J’avais un peu de mal au début mais c’est mieux ! J’échange avec les collègues que je trouve bons pour leur demander les écueils à éviter, ce qu’il faut faire, et surtout, j’essaie d’être le plus naturel possible. Je ne sais pas si j'ai trouvé ma patte mais ça va arriver progressivement.

Sans citer de nom bien sûr, y a-t-il un style de commentaire que vous adorez ? Et que vous détestez ?
Je suis admiratif des consultants qui arrivent à être eux-mêmes, qui sont devant le micro comme ils sont dans la vie. C'est à ça que j’ai envie d’arriver, que le Édouard Cissé commentateur soit comme le Édouard Cissé de la vie de tous les jours. Pour moi, c’est très facile d’analyser un match mais commenter, c’est autre chose, il faut décrire ce que l’on voit alors que parfois, je réfléchis trop. C’est un exercice intéressant dans lequel je m’améliore progressivement et auquel j’ai pris goût surtout, ce qui est bon signe car quand on aime quelque chose, c’est plus facile de s’améliorer !

Est-ce qu’il vous arrive de regarder les matchs que vous commentez en replay pour vous réécouter ?
Non. Déjà, quand je jouais, je ne me regardais pas. Ça ne sert à rien car c’est du passé. Et comme quand tu es joueur, tu sais si tu as été bon ou pas. Il y a bien sûr un feedback du journaliste avec qui j’étais en binôme et de toute l’équipe. S’ils sont contents et que j’ai dit ce que j’avais envie de dire, je suis satisfait, sachant que, comme quand j’étais joueur, il faut être meilleur au match d’après. Toujours.