Interview

L’interview 100% Haïti avec Danley Jean Jacques (Metz)

L’interview 100% Haïti avec Danley Jean Jacques (Metz)

Interview
Publié le 21/02 à 10:25 - Arnaud Di Stasio

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International haïtien, le milieu du FC Metz Danley Jean Jacques nous présente son pays. Des Grenadiers au championnat local en passant par le riz sos pwa, Wyclef et Placide. Entretien.

Tu as quitté Haïti pour rejoindre le FC Metz à la fin de l’été 2021. C’était ta première fois en France ?
Non, j’étais déjà venu pour faire un essai au Havre mais ça n’avait pas marché pour moi. En une semaine, c’est dur de prouver sa valeur et de montrer toutes ses qualités. Un peu plus tard, je suis revenu en France pour faire un essai à Metz et vous connaissez la suite… Mais avant de venir en France, j’avais pas mal voyagé avec les sélections de jeunes d’Haïti, j’étais allé dans beaucoup de pays des Caraïbes, aux États-Unis, au Brésil, en Colombie, à Panama…

Comment s’est déroulée ton adaptation à Metz ?
Très bien ! Comme je suis timide, je restais un peu dans mon coin au début. Je faisais mon boulot, j’allais à l’entraînement et je ne me prenais pas la tête. Je m’adapte très vite en général même si c’est vrai que le froid, c’était un défi ! Le premier hiver a été un peu compliqué mais j’ai réussi à m’habituer par la suite.

Depuis que tu es en France, qu’est-ce qui te manque le plus ?
La cuisine haïtienne (rires) ! Mon plat préféré, c’est le riz sos pwa légumes (une recette à base de riz blanc et d’une purée de pois épaisse). Ça, c’est ce qu’il y a de meilleur, surtout quand c’est ma mère qui le cuisine ! Mais je n’en mange jamais à Metz car moi, je ne sais pas cuisiner ! S’il y a autre chose qui me manque ? La chaleur et ma famille bien sûr.

Tu arrives à faire en sorte qu’Haïti soit présent dans ton quotidien à Metz ?
Ce n’est pas mon idée. Je n’ai pas vraiment d’objets qui me rappellent Haïti chez moi par exemple. Je me concentre sur le foot et j’essaie de ne pas trop penser à mon pays ou à ma famille. Je mets ça de côté, sinon je ne vais avoir qu’une envie : rentrer chez moi ! Ah si, j’écoute un peu de musique haïtienne bien sûr, notamment le rappeur Wendyyy. Ça m’arrive d’écouter ses chansons avant les matchs même si j’écoute surtout des prêches.

« Si tu nous cherches, tu nous trouves »

Comment présenterais-tu ton pays aux gens qui ne connaissent pas Haïti ?
C’est un pays tropical, où la vie est tranquille. Les gens y sont bien. Je conseille aux touristes de venir parce qu’il y a beaucoup de choses à faire, beaucoup d’endroits à visiter : Le Cap, Labadie... La devise du pays, c’est : « L’union fait la force », et ça nous représente bien. Surtout, j’aime Haïti parce que c’est mon pays !

Haïti se trouve sur une île qu’elle partage avec la République dominicaine. Peux-tu nous parler des relations entre les deux pays ?
C’est de la politique ça ! Ce que je peux dire, c’est que les relations sont difficiles, c’est tendu même !

Pour toi, quelle est la principale qualité des Haïtiens et, à l’inverse, leur principal défaut ?
C’est dur comme question ! Je vais dire qu’on est gentils mais qu’il ne faut pas nous chercher. Si tu nous cherches, tu nous trouves !

Qui est la personnalité haïtienne la plus célèbre selon toi ?
Il y a donc le rappeur Wendyyy… Et ensuite, moi… Non, je rigole (rires) ! Je peux citer un autre rappeur, Fantom, et dans le foot, Donald Guerrier, qui a joué la Ligue des champions avec Qarabağ, Frantzdy Pierrot, Duckens Nazon… Ah, et j’oubliais Wyclef Jean bien sûr !

Tu parlais de Frantzdy Pierrot et Duckens Nazon. Tu as croisé certains joueurs haïtiens sur les terrains de France ?
Johny Placide ! Quand on a joué contre Bastia la saison dernière, j’en ai profité pour discuter un peu avec lui car c’est notre capitaine en sélection. On a parlé du match (victoire 3-2 lors de la dernière journée alors que Johny Placide était sur le banc, son numéro 2 Zacharie Boucher ayant été titularisé pour ce dernier match de la saison). Frantzdy Pierrot, je ne l’ai pas croisé en France parce qu’il est parti de Guingamp au moment où Metz est descendu en Ligue 2 BKT. Mais je le vois en sélection même si, moi, je reste surtout avec mes potes, Leverton Pierre, Jairo Jean, Mondy Prunier, Dany Jean…

Un des meilleurs joueurs de Ligue 1 Uber Eats, Jonathan David, est aussi d’origine haïtienne…
Ah, oui, mais quand j’ai joué contre lui (victoire du LOSC 2-0 à Saint-Symphorien en décembre dernier), on n’a pas du tout parlé d’Haïti !

Pour remonter un peu dans le temps, peux-tu nous raconter ton ascension jusqu’à la D1 haïtienne ?
J’ai commencé dans un petit club puis je suis allé dans un centre de formation pendant quatre ans. J’ai ensuite rejoint le Don Bosco FC en 2017. Mon coach en équipe d’Haïti U17 est devenu directeur sportif du club et c’est lui qui m’a fait venir. Je n’ai pas hésité car cette personne est comme un père pour moi. Et Don Bosco, c’est un des plus gros clubs du pays, bien structuré, et sur le terrain, ça joue bien au ballon. J’ai tout de suite intégré l’équipe première et j’y suis resté quatre ans.

A quoi ressemble le championnat haïtien ?
Déjà, il faut savoir que les gens adorent le foot. C’est le sport numéro 1, celui qui ramène le plus de personnes dans les stades. Et donc, dans le championnat, il y a plusieurs gros clubs, Don Bosco mais aussi le Violette AC, le Réal du Cap, le Racing club haïtien… Ce sont des équipes qui essaient de bien jouer au ballon mais la majorité des équipes ne jouent pas comme ça. Si elles mènent au score, elles ne font que balancer, avec des joueurs qui vont passer trois ou quatre minutes au sol pour gagner du temps…

« Mon meilleur souvenir ? Mon but contre le Mexique »

Pour maintenant parler de l’équipe d’Haïti, comment présenterais-tu la sélection ?
On nous surnomme les Grenadiers. L’équipe d’Haïti est connue pour avoir disputé la Coupe du monde 1974. Ça remonte mais c’est un exploit dont on parle encore car c’est la première et la seule participation du pays à la Coupe du monde. Plus récemment, en 2019, la sélection a réussi à se qualifier pour les demi-finales de la Gold Cup, en battant le Canada et le Costa Rica notamment.

Qui sont les plus grands joueurs de l’histoire de la sélection ?
Il y a Emmanuel Sanon, qui était l’attaquant de l’équipe lors du Mondial 1974 (où il marqua les deux buts de la sélection lors du tournoi, contre l’Italie de Dino Zoff et l’Argentine). Il y a plein d’autres très bons joueurs mais je ne vais en citer que deux : « Manu » Sanon donc, et mon joueur préféré, Jeff Louis (milieu passé par Le Mans, Nancy et Caen dans les années 2010). J’ai eu la chance de jouer une fois contre lui, dans le championnat haïtien, juste avant de partir pour Metz. Pour ce qui est des joueurs actuels, je pense que les deux joueurs les plus connus, c’est Frantzdy Pierrot et Duckens Nazon. Et ensuite, c’est moi (rires).

Quel est le style de jeu de la sélection ?
On joue au ballon, en essayant de ressortir depuis l’arrière. Ça fait longtemps que la sélection joue de cette façon, en mettant l’accent sur le jeu plus que sur le physique ou la vitesse.

Tu as le même rôle en sélection qu’au FC Metz ?
Oui, je joue au même poste, au milieu. Mais lors de mes deux derniers matchs en sélection, j’étais un peu plus haut sur le terrain.

Quel est ton meilleur souvenir en sélection ?
Mon premier but avec l’équipe A ! C’était en juin dernier, contre le Mexique. On perdait 2-0 mais on a poussé, poussé, et j’ai réussi à marquer de la tête sur un corner (contre Guillermo Ochoa, défaite 3-1). Mais mon but le plus important, c’était avec la sélection U17, en finale d’un tournoi éliminatoire pour le Mondial, contre Cuba.

Il y a quelques années, ton coéquipier en sélection et ex-attaquant de Guingamp Frantzdy Pierrot nous avait expliqué qu’à la fin de sa carrière de joueur, il voulait intégrer le FBI. As-tu as un projet aussi original que lui pour ton après-carrière ?
Non (rires). Je ne sais pas encore ce que je veux faire exactement mais je veux travailler à mon propre compte, avoir une entreprise et être mon propre patron.

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