Légendes

Sonny Anderson : « Après Bordeaux, on s’est dit on est champions »

Sonny Anderson : « Après Bordeaux, on s’est dit on est champions »

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Publié le 04/05 à 10:53 - LFP

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Capitaine de l'Olympique Lyonnais la saison du premier titre de champion de Ligue 1 en 2001/2002, Sonny Anderson revient sur cette grande saison marquée par une course-poursuite avec le RC Lens et un final en apothéose à Gerland.

Lors de sa 3e saison lyonnaise, Sonny Anderson permet aux Gones d’atteindre le Graal avec le premier de ses sept titres consécutifs de champion de France de Ligue 1 Uber Eats, après avoir pourtant compté jusqu’à 8 points de retard sur le RC Lens. A présent consultant pour beIN SPORTS, le Brésilien revient pour nous sur ce premier sacre ô combien important dans l’histoire de l’Olympique Lyonnais.

Racontez-nous dans quelles circonstances vous avez choisi de revenir en France et plus précisément à l’OL à l’été 1999 ?
Je venais de passer deux belles saisons au Barça avec deux titres de champion d'Espagne. Le club voulait que je reste mais Louis van Gaal m’a dit que je serais remplaçant derrière Patrick Kluivert. Du coup, j’ai décidé d’accepter la proposition de l’OL. Je suis venu pour le projet sportif après avoir discuté avec Bernard Lacombe (entraîneur), Jacques Santini (directeur sportif) et le président Jean-Michel Aulas. L’objectif était de bâtir un grand club à la fois au niveau français et européen et donc d’aller chercher des titres. Les dirigeants sont venus me chercher à Barcelone pour ça, pour aider à insuffler la culture de la victoire à l’OL. Il ne manquait qu’un petit quelque chose au club pour aller chercher le titre (3e en 98/99 et 99/00, 2e en 2000/01). J’ai été séduit à l’idée de construire quelque chose de grand à l’OL, de tenter de marquer l’histoire de ce club.

Recrue star de l’ambitieux club lyonnais, ressentiez-vous une pression particulière ?
J’ai signé à Lyon en étant blessé à la cuisse. On ne savait pas comme j’allais revenir de cette blessure à 29 ans. Il y avait un petit risque pour l’OL. Ensuite, j’étais parti du championnat de France par la grande porte (champion et vainqueur du trophée UNFP de meilleur joueur 96/97) et tout le monde connaissait ma façon de jouer mais c’était aussi un challenge pour moi de revenir et être performant, après y avoir réussi des belles saisons. Et cela d’autant plus dans un club qui n’avait pas encore la réputation de remporter des titres. Il me fallait refaire ce que j’avais réussi en Principauté. Mais c’était réalisable car le projet était ambitieux. Et j’avais de la confiance car je revenais dans un championnat que je connaissais parfaitement. Je savais ce qu’il fallait mettre en place pour réussir. Je n’avais pas besoin d’un temps d’adaptation en arrivant à Lyon.

Est-ce que vous aviez ramené avec vous des bonnes pratiques de votre passage au Barça ?
J’ai en effet demandé que les pelouses soient toujours arrosées, aussi bien à l’entraînement qu’en match. J’avais remarqué que cette pratique n’existait pas trop en France alors qu’elle était utilisée avec succès au Barça. Cela a permis de rendre notre jeu plus fluide et rapide à la maison. Et nous avons pris l’habitude de jouer avec un ballon qui allait beaucoup plus vite ! Nous en avons tiré un avantage à domicile où nous avons beaucoup gagné (l’OL a été invaincu à Gerland en 2001/02 avec 14 victoires et 3 nuls en 17 matchs).

« Il y a eu une prise de conscience après la victoire en Coupe de la Ligue »

Au-delà de votre leadership, comment avez-vous contribué à conduire l’Olympique Lyonnais jusqu’à son premier titre de champion de France de Ligue 1 Uber Eats ?
Ce titre est arrivé dans la continuité de mes deux premières saisons, où j’ai terminé deux fois meilleur buteur de Ligue 1 (2000 et 2001). J’ai pris mes responsabilités pour que tout le monde puisse avoir confiance en moi dans l’optique du titre, que ce soit le public ou les dirigeants. Une fois que j’ai réussi cela, j’ai changé de fonctionnement. Avec la progression de l’équipe, qui avait fini sur le podium du championnat et joué la Champions League, il y a eu davantage d'ambition. Il y a aussi eu le recrutement de joueurs qui avaient envie de venir, comme Juninho, Caçapa et Edmilson. A présent, je ne me disais plus : « Il faut que je réussisse » mais « Il faut que nous réussissions ». Après avoir voulu marquer des buts, je voulais contribuer à construire une équipe pour le titre.

Vous avez en effet un peu moins marqué lors de la saison du 1er titre (14 buts, contre 23 et 22 les deux premières saisons). En quoi votre rôle a-t-il changé ?
En 2001/02, je suis devenu le capitaine de l’équipe. J’ai pris le brassard après la blessure de Florent Laville. J’étais du coup davantage dans un rôle de guide. J’avais la confiance du staff et des joueurs, qui savaient que j'avais gagné des titres avec Monaco, le Barça et Vasco de Gama, au Brésil. J’ai fait en sorte que tout le monde ait le même état d’esprit. Personne ne se prenait pour la star de l’équipe. Je ne jouais pas pour moi mais pour l’équipe.

N'y avait-il pas tout de même des leaders dans le groupe ?
Dans l’organisation, nous avions décidé cette saison avec Jacques Santini, devenu l’entraîneur, qu’il y aurait plusieurs cadres capitaines, sur lesquels les autres joueurs se reposeraient : Laville, Violeau, Delmotte, Coupet et moi. Cela a rendu notre effectif plus soudé.

Trois autres Brésiliens sont arrivés après vous à l’OL pour contribuer à ce titre de 2002. Vous avez certainement joué un rôle dans leur intégration...
Oui, cela a été plus simple pour eux de m’avoir. Je leur ai d’abord fait découvrir la ville de Lyon, par exemple où ils pouvaient se balader en famille. Et je leur ai parlé de l’OL. Cela leur a permis de s’intégrer rapidement et de ne pas se sentir seuls. Mieux connaître l’endroit où l’on va vivre est capital une fois sur le terrain car lorsque l’on se sent bien dans la tête, cela devient plus facile. Même pour Juninho, pour qui l’acclimatation a été un peu plus longue que pour les autres, cela n’a pas duré longtemps. Sur le terrain, le fait d’évoluer proche de lui a contribué à l’aider.

Parlez-nous du fameux 4-4-2 de l’Olympique Lyonnais. Comment vous situiez-vous dans cette formation ?
On jouait avec des faux ailiers. Un joueur comme Eric Carrière ne mangeait pas la ligne, il avait plus tendance à repiquer dans l’axe. Ça nous donnait plutôt quatre milieux axiaux. Pour ma part, j’ai toujours pris le temps de discuter avec les joueurs qui donnaient les ballons. Je voulais connaître leur façon de jouer et eux devaient comprendre comment me faire de bonnes passes. Il fallait chercher le bon tempo : quand faire les appels ou quand faire la passe à la sortie d’un dribble. On a réussi à bien se connaître assez facilement. Même chose avec Sidney Govou, mon coéquipier d’attaque. Je savais qu’il avait beaucoup d’énergie et d’activité donc j’adaptais mon jeu en fonction de ses qualités.

En y réfléchissant 20 ans plus tard, qu’est-ce qui a fait la force de ce groupe ?
La force du groupe a été la solidarité, ce lien entre nous tous. Toute la saison, nous avons conservé notre habitude de partager des moments ensemble, à cinq, six ou dix joueurs. Nous allions par exemple boire un verre après l’entraînement, même après les défaites. Nous avons toujours gardé en tête cet objectif du titre, même avec 8 points de retard sur Lens. Et nous voulions tous le bien de l’équipe. Par exemple, il pouvait y avoir des semaines où je n’étais pas bien et je ne m’entraînais pas. Aucun joueur ne venait se plaindre ou me dire quelque chose. Ils savaient que je répondais présent le jour du match.

Quelle importance a joué votre titre en Coupe de la Ligue la saison précédente (2000/01) ?
Psychologiquement, l’expérience de cette victoire nous a rendu plus forts. Quand on attend depuis des années un titre, c’est énorme de remporter la Coupe de la Ligue. Et tout de suite après, on s’est dit : « Ce n’est pas beau ce que l’on a vécu ? Et si on le faisait maintenant en championnat ! ». Il y avait cette envie de revivre cela, après une finale où Lyon n’était pas favori contre Monaco. Il y a eu une prise de conscience lors de cette finale : c’était comme cela qu’on pourrait être sacrés champions de France. Ce vécu nous a aussi aidé dans la course-poursuite avec Lens sur la fin de saison.

Justement, le scénario de cette fin de saison fait partie de l’histoire de la Ligue 1. Quel en est aujourd’hui votre souvenir ?
Je me souviens surtout qu’il fallait gagner les matchs pour garder espoir. Et on gagnait de partout ! (4 victoires sur les 5 dernières journées). C’est ce qui a déstabilisé Lens qui nous voyait grappiller des points. En regardant le calendrier, on voyait que l’on pouvait le faire car on jouait le dernier match contre eux à la maison. La pression était sur eux, pas sur nous. L’un des tournants a été le nul de Lens à Bollaert face à Troyes (0-0) à trois journées de la fin (qui permet à l’OL de revenir à deux points). Derrière, si on va gagner à Bordeaux, on a encore une chance pour le titre.

Et l’OL réussit à s’imposer à Bordeaux (0-1), avec un but décisif de… Sonny Anderson !
Après la victoire contre Bordeaux, on se dit : « On est champion de France », parce que l’on jouait une finale à domicile. Nous avions fait tout ce chemin pour que le dernier match de la saison soit une finale contre Lens. A ce moment-là, tu ne peux pas le lâcher. La motivation était encore plus grande. Pendant toute la semaine de préparation, nous avons emmagasiné de la confiance. Je repense à ce moment fort lorsque nous a été diffusée une vidéo de soutien de nos familles faite par le club.

« On a fait venir le coiffeur pendant la mise au vert ! »

Comment aviez-vous préparé cette « finale » contre le RC Lens à Gerland ?
Il y a eu une mise au vert au château de Pizay, en Bourgogne. Et chose un peu spéciale pour une mise au vert, je me souviens que nous avions fait venir le coiffeur. Il fallait être beau pour ce match de gala ! Tous les jours, nous nous répétions qu’il fallait être champions, qu’il fallait gagner cette finale. On faisait chaque entraînement avec cet objectif en tête. On repensait à la finale de Coupe de la Ligue gagnée.

Quel souvenir gardez-vous du jour J ?
Nous étions à l’hôtel. Ensuite, il y a eu la promenade, le réveil musculaire, la causerie de Jacques Santini… Rien de spécial. A l’échauffement, nous avons vu les supporters avec une ambiance de fête. Il n’y avait alors plus qu’une envie : que le match commence ! Lens avait tout à perdre. Nous avons eu des faits de jeu en notre faveur. Sur le but de Govou, Warmuz glisse. Sur le but de Laigle, le ballon est contré par Wallemme et lobe le gardien. On n’a jamais pensé que l’on pouvait perdre ce match.

Finalement, avant la rencontre, vous étiez presque dans une meilleure position que les Lensois, leaders pendant 21 journées…
Nous savions que Lens n’avait besoin que d’un nul pour avoir le titre. C’est une situation difficile à appréhender. Pour nous, c’était plus simple, nous devions attaquer. Et nous avons conservé ce principe de jeu. Sur ce match, il y avait Sidney avec moi devant, Pierre Laigle sur le côté, et Edmilson était en tribune. Le choix de Jacques Santini a été un important de mettre une charnière Caçapa-Müller. Il estimait que c’était plus efficace de les mettre sur ce match. Et Edmilson n’a pas fait la tête, il voulait le titre comme nous tous.

Après la victoire 3-1 synonyme de titre de champion pour l’Olympique Lyonnais, il y a eu les festivités…
Nous n’avons pas dormi pendant trois jours ! Normalement, après le dernier match de la saison, tout le monde part en vacances le soir-même. Forcément, pas dans ce cas. Nous avons fêté le titre à Saint-Tropez, invités par le président Aulas. C’était la première fois que l’on s’y rendait à la fin de saison. Pour l’anecdote, pendant ce séjour, nous avions disputé un match amical contre Monaco. A la mi-temps, on prenait 3-0… Dans le vestiaire, on s’est tous regardé, l’air de dire, ce n’est pas possible de perdre comme ça. Au final, on a fait 3-3 et j’ai mis un triplé (rires).

Ce premier titre a finalement servi de dynamique pour la suite avec les sept titres de champions de France de suite de l’OL...
En réussissant ce retour exceptionnel sur Lens, quelque chose est né. Ce n’était peut-être pas la meilleure équipe de l’histoire du club, mais c’était sans doute celle qui vivait le mieux, qui avait le plus de copains. A partir de ce titre, nous avons commencé à être craints par les autres équipes. Cela a amorcé la série lyonnaise.