Interview

Jonas Martin : « Avec Paulo Fonseca, c’est au centimètre près »

Jonas Martin : « Avec Paulo Fonseca, c’est au centimètre près »

Interview
Publié le 18/08 à 10:55 - Arnaud Di Stasio

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Nouveau joueur du LOSC, Jonas Martin se livre sur ses débuts à Lille, de la méthode Paulo Fonseca à son rôle d’exemple. Un entretien dans lequel il est aussi question de bonnes sœurs, du calendrier des Dieux du Stade et de sa rencontre avec Zidane.

Pour commencer, qu’est-ce qui t’a donné envie de signer au LOSC cet été ?
On n’a plus besoin de présenter le LOSC. Tout le monde sait que c’est un grand club, avec un effectif de qualité. Il y a eu des changements par rapport à l’effectif qui était là la saison du titre. Le club repart sur un nouveau cycle et le président Olivier Létang voulait que j’en fasse partie, ce qui fait plaisir à entendre. On a commencé à échanger à la fin de la saison dernière, puis mon agent a pris le relais et tout s’est accéléré fin juin. Je connais le président depuis mes années rennaises, ça facilite forcément les choses. D’autres clubs se sont intéressés à moi mais le LOSC est un club très structuré, avec des ambitions, ça m’a attiré.

Quel rôle souhaites-tu tenir à Lille ?
Un peu comme au Stade Rennais la saison dernière, je veux être un élément moteur de l’équipe, tirer le groupe vers le haut dans le travail, la volonté de toujours gagner… C’est ce que je veux amener au quotidien, pour montrer l’exemple aux jeunes. Une carrière, ça passe vite. Quand on est jeune, on ne s’en rend pas toujours compte mais il faut suivre les bons exemples tout de suite. Et moi, j’ai envie d’être un exemple pour eux. Sur le terrain, j’ai envie d’avoir un rôle important lorsque je jouerai. Je veux toujours être positif pour l’équipe, simplement rester moi-même, naturel. J’estime être un leader dans l’âme et je pense que ça se ressent sur le terrain et dans le vestiaire. C’est tout ça que j’ai envie d’apporter ici.

A Rennes, tu as été longtemps gêné par des blessures avant de réussir une belle 3e saison. N’est-ce pas frustrant de repartir à zéro ailleurs ?
Si, forcément. Dès qu’on se blesse, on est coupé dans son élan. Mais ça fait partie d’une carrière de footballeur. Les blessures peuvent aussi avoir du bon car elles forgent le caractère, elles te sortent de ta zone de confort. Ça te permet de faire des choses que tu ne pensais pas être capable de faire. Quand tu es blessé, il y a beaucoup de déception et de frustration mais il faut essayer d’en tirer du positif. Il y a toujours quelque chose à en tirer, c’est comme ça que je vois les choses. Ça peut par exemple permettre de profiter davantage de sa famille et de ses proches avant de revenir sereinement sur le terrain. J’ai eu plusieurs blessures durant ma carrière et ça ne m’a pas empêché de continuer à progresser. Maintenant, je connais très bien mon corps et je sais quand il faut un peu lever le pied et faire attention.

« Paulo Fonseca m’a montré des images de Busquets et Rodri »

Ta signature au LOSC a été annoncée quelques jours après celle du nouvel entraîneur. Tu as eu l’occasion de t’entretenir avec Paulo Fonseca avant de t’engager avec Lille ?
Oui, on avait un peu discuté, par l’intermédiaire du président et de Sylvain Armand, car je ne parle ni portugais ni anglais (rires). Mais oui, si j’ai signé ici, c’est parce que je savais que le coach souhaitait ma venue. Je ne viens pas sans être désiré par l’entraîneur, c’est compliqué sinon. Paulo Fonseca m’a indiqué ce qu’il comptait faire de moi, le rôle qu’il voyait pour moi sur le terrain, ce qu’il attend de ses milieux selon le dispositif… Il m’a montré des séquences vidéo de mes matchs de la saison dernière. Il m’a aussi montré des images de certains grands joueurs qui jouent à mon poste, comme Sergio Busquets ou Rodri, et qu’il prend en exemple. Il a envie de me faire progresser donc c’est très intéressant.

Plus précisément, qu’est-ce que Paulo Fonseca te demande ?
Je ne peux pas trop en dire, c’est confidentiel ! A nos adversaires de découvrir ça sur le terrain. Mais c’est sûr que certaines choses changent pour moi. C’est bien pour ça que le coach m’a montré mes anciens matchs pour me dire ce qu’il ne voulait plus que je fasse et ce qu’il voulait que je continue à faire. Ces discussions sont arrivées très vite parce qu’il voulait mettre un maximum de choses en place dès la reprise. Quand on ne comprend pas bien ce qu’il veut, il nous le montre avec des images ou sur son tableau, la tactique notamment, et tout devient plus facile.

Toi qui le côtoies depuis plusieurs semaines maintenant, peux-tu nous parler du style Paulo Fonseca côté terrain ?
C’est quelqu’un qui dégage quelque chose. Il a du charisme. Il a du caractère aussi, ce qui est très bien car il en faut sur le terrain mais aussi sur le banc. Ça permet à tout le monde d’être au diapason. En regardant ses équipes précédentes jouer, on voit que c’est un coach qui aime avoir le ballon. Il est très minutieux tactiquement. Avec lui, c’est au centimètre près. Il y a pas mal de pressing et de contre-pressing, beaucoup d’intensité dans les entraînements. J’espère que la mayonnaise va prendre vite car on sait bien que lorsqu’il y a un nouveau coach et des nouveaux joueurs, ça peut prendre un peu de temps.

Certaines choses t’ont surpris dans la méthode du nouveau staff ?
J’en ai vu des choses dans ma carrière donc je ne suis plus surpris mais chaque coach amène sa touche. Il y a des choses que je n’avais pas l’habitude de faire, des choses auxquelles l’équipe n’était pas préparée. Déjà, le schéma tactique est différent de celui de la saison dernière. Sinon, Paulo Fonseca ne nous fait pas beaucoup courir sans ballon. On fait quasiment tout avec ballon. A l’entraînement, on répète beaucoup les efforts. C’est très positif parce que c’est en se rapprochant au maximum de la vérité du match qu’on se prépare au mieux pour ce qui nous attend le week-end.

Est-ce plus facile d’arriver dans un nouveau club lorsque le coach est également nouveau ?
Je ne sais pas… Il y a des côtés positifs et d’autres moins. Ce qui est sûr, c’est qu’avec un nouveau coach, tout est remis à zéro. Même si le coach s’est renseigné sur nous tous, tout le monde part à égalité, tout le monde doit gagner sa place.

« Chez les bonnes sœurs, c’était strict »

Dans ta carrière, tu as effectué une saison à l’étranger, au Betis, en Espagne. Qu’est-ce qui t’a marqué là-bas ?
Je n’ai pas eu de chance car je me suis fait une grosse blessure d’entrée, dès mon premier match à Barcelone. Mais c’était une super expérience malgré une saison un peu compliquée avec plusieurs changements de coach… Ce que je retiens avant tout, c’est l’amour du foot qu’il y a en Espagne. La culture est totalement différente. Là-bas, ils voient le football à travers le ballon exclusivement. Le jeu est moins physique, moins dans l’impact, mais techniquement, ça voit plus tôt, c’est beaucoup plus juste… Sur les premiers entraînements, ça m’avait surpris. Il y a des joueurs qui ne paient pas de mine, pas très costauds, mais ils ne perdent jamais le ballon. Mais la Ligue 1 a évolué depuis que je suis parti en Espagne, ça repart davantage de derrière, ça joue au foot, ça redouble les passes… Le championnat a gagné en niveau et ça se ressent dans le jeu. Tous les suiveurs du foot français ont bien vu qu’il y avait une mentalité nouvelle. On s’est peut-être inspiré du championnat espagnol tout en conservant notre dimension athlétique.

Au Betis, tu as joué avec Joaquín, qui continue à évoluer au plus haut niveau à plus de 40 ans…
Ah, Joaquín… C’est un super joueur et un super mec. Il a toujours la banane. Quand j’étais au Betis, il avait déjà 35-36 ans mais quand tu le voyais jouer à l’entraînement, ça ne se remarquait pas tellement il était facile. Grand joueur.

Pour remonter encore plus loin, est-ce que tu as des nouvelles des bonnes sœurs ?
Pas vraiment (rires) mais on en a reparlé récemment avec Rémy Cabella, que j’ai retrouvé à Lille mais que je connais depuis cette époque, chez les jeunes de Montpellier. C’est une période de ma vie que je n’oublierai jamais. Nous, ça nous a beaucoup apporté, dans le respect, dans l’éducation, tout un ensemble de valeurs… On a beaucoup appris auprès d’elles.

Tu peux nous expliquer plus en détail ?
A l’époque, les jeunes joueurs du MHSC passaient par l’Institut de L’Enfant Jésus, tenu par les bonnes sœurs. Quand on avait 14 ans, on y passait une année. Là-bas, c’était strict : on ne pouvait pas jouer au foot dehors, il fallait faire ses devoirs... Les téléphones portables, c’était jusqu’à 19h00. A 21h30, chacun dans sa chambre, et à 22h00, au lit ! Du coup, on n’avait le droit de regarder que la première période des matchs qui étaient diffusés à la TV. On passait toute la semaine là-bas et, après nos matchs, on avait un peu de temps libre avec nos parents. Tous les jeunes du MHSC passaient par l’Institut et c’était une bonne étape avant d’entrer au centre de formation. Mais Montpellier n’a pas pu continuer ce fonctionnement, c’est dommage.

« Des photos pas très catholiques »

A ton palmarès, tu comptes une Coupe Gambardella, une Coupe de la Ligue mais aussi une apparition dans le calendrier des Dieux du Stade en 2016…
(Rires). Déjà, je tiens à dire que c’était pour une bonne cause ! C’était pour une association contre le cancer du sein. Ce sont les rugbymen du Stade Français qui posent mais ils invitaient aussi un footballeur par édition. La personne qui s’occupait du calendrier m’avait contacté après m’avoir vu dans une émission sur BeIN et j’avais accepté. En parlant de bonnes sœurs, ce sont des photos pas très catholiques (rires) ! Bon, on ne voyait pas tout, il y avait quand même une certaine pudeur. En tout cas, c’est quelque chose qui me suit encore, même si c’était il y a longtemps ! La dernière fois que j’ai fêté mon anniversaire (en avril), Benjamin Bourigeaud et Romain Salin m’ont offert un cadre avec plein de photos de ce shooting. Je ne sais pas comment ils ont réussi à les récupérer car, même moi, je ne les avais jamais vues. Et je ne savais même pas qu’ils étaient au courant de cette histoire.

Est-ce le truc le plus fou que tu as fait grâce au foot ?
Le foot ouvre beaucoup de portes, c’est sûr. Grâce à mon métier, j’ai pu rencontrer plusieurs de mes idoles, notamment Zinedine Zidane lors d’un match entre Montpellier et France 98. J’ai aussi pu jouer dans des stades dans lesquels je ne pensais jouer qu’à la PlayStation. Quand j’étais petit, mon autre idole, c’était Francesco Totti, et je me souviens que ça m’a fait un truc lorsque j’ai joué au Stadio Olimpico avec Rennes en Europa League, même si c’était la Lazio en face, pas la Roma. Il y a eu quelques trucs fous mais je ne peux pas tout raconter ! Mais oui, j’ai joué contre Zidane et, aujourd’hui, je joue contre Messi, Ronaldo ou Mbappé, le foot permet de faire beaucoup de choses, on est des privilégiés.