Interview

Facundo Medina : « C’est avec Leandro Paredes que je m’entends le mieux »

Facundo Medina : « C’est avec Leandro Paredes que je m’entends le mieux »

Interview
Publié le 28/12 à 18:42 - Arnaud Di Stasio

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Comment il « contamine » ses coéquipiers avec sa grinta, les progrès de la défense lensoise, la victoire de l’Argentine au Mondial… Entretien avec Facundo Medina, le défenseur international argentin du RC Lens.

Facundo, tu es un joueur réputé pour ta grinta. Qu’est-ce que ça évoque pour toi ?
La victoire doit être le seul objectif, toujours, toujours… C’est ce que j’ai en tête quand j’entre sur le terrain et j’essaie de « contaminer » mes coéquipiers avec cette énergie. J’essaie de les motiver, de transmettre cette volonté de se sacrifier, de faire les efforts pour l’autre… Quand le match arrive, il faut parfois que certains motivent les autres, prennent la parole, transmettent ce surplus d’énergie qui va aider à aller chercher la victoire… Et c’est une mission que je prends à cœur. Si j’arrive à les aider à aller chercher ce petit plus… Mais cette rage de vaincre me vient aussi de mes coéquipiers. Si je vois qu’ils donnent tout, alors je dois tout donner aussi. Chacun se motive à sa manière mais c’est vrai que j’aime motiver les autres, j’aime gagner, comme tout le monde. J’aime la victoire plus que tout et je fais ce que je peux pour transmettre ma motivation aux autres.

Il t’a parfois fallu canaliser cette énergie ?
C’est sûr qu'il a fallu que je m'adapte. Le championnat français est très physique, il y a beaucoup de contacts, et les arbitres sont peut-être un peu plus sévères qu'ailleurs. Après, ce sont des êtres humains, comme nous, tout le monde peut se tromper. Je ne suis personne pour dire aux arbitres comment faire leur travail. Chacun a sa manière d’être et c’est impossible de changer complètement mais il faut toujours essayer de s’améliorer pour faire mieux la fois d’après. Comme tout nouveau joueur, j’ai dû m’adapter au championnat français. Il ne faut pas oublier que je suis arrivé jeune et que j’ai commencé à jouer dès que je suis arrivé. J’ai eu des hauts et des bas. Ça a été un processus d’apprentissage et aujourd’hui, je me sens bien plus installé, bien plus serein. J’ai réussi à m’adapter au championnat français et à ses particularités.

« La différence avec la saison dernière ? Toute l’équipe défend »

Le RC Lens a la 2e meilleure défense du championnat et n’a encaissé que 3 buts sur les 9 derniers matchs. Comment l’équipe a-t-elle progressé dans ce domaine depuis la saison dernière ?
C’est une question qu’il faut poser au coach (rires). Mais on a cette volonté commune, cet esprit de solidarité, ce sens de la communication… La défense de Lens, ce n’est pas seulement six ou sept joueurs, ce n’est pas seulement les défenseurs comme Massadio Haïdara, Deiver Machado, Jonathan Gradit, Jimmy Cabot, Kevin Danso, Julien Le Cardinal, qui vient d’arriver, Brice Samba ou Jean-Louis Leca… La défense, ce n’est pas seulement nous. Lens défend à 11. Le premier défenseur, c’est le numéro 9, que ce soit Loïs Openda, Wesley Saïd ou Florian Sotoca. Il y a ensuite les milieux offensifs : David Pereira Da Costa, Seko Fofana, Alexis Claude Maurice… Et j’en oublie sûrement. Ce sont les joueurs offensifs qui commencent à mettre la pression sur les adversaires et qui font en sorte que la balle n’arrive pas devant nos buts. Toute l’équipe défend. Je crois que c’est la différence entre la saison dernière et cette saison.

Parmi les autres changements de l’intersaison, il faut signaler l’arrivée de Brice Samba, auteur de nombreuses performances de haut vol depuis qu’il porte les couleurs lensoises…
Pour être honnête, je ne le connaissais pas avant qu’il nous rejoigne. Mais depuis, Brice a démontré lors de chaque entraînement et chaque match que c’est un super gardien. Un bon gars aussi. A vrai dire, l’ambiance est très bonne au sein du groupe et ça se reflète sur le terrain. C’est évident qu’on a parfois des divergences mais on a un groupe extraordinaire où tout le monde est dévoué. Il n’y a jamais d’embrouilles entre nous et on sait ce qu’on a à faire pour atteindre les objectifs de l’équipe, pour faire en sorte que le club en tant qu’institution continue à se développer. Nous, les joueurs, devons représenter le club de la meilleure des manières. Je vais me répéter mais nous sommes des coéquipiers, des amis, une famille et on veut tous le meilleur pour le club. Il n'y a pas de négociation là-dessus, il n’y a pas à discuter. Les résultats que nous obtenons sont la conséquence de l’état d’esprit du groupe.

Peux-tu nous parler de ta relation sur le terrain avec ceux avec qui tu formes le trio défensif des Sang et Or, Kevin Danso et Jonathan Gradit ?
Chacun connaît sa fonction et son rôle au sein de la défense. On a disputé beaucoup de matchs tous les trois donc beaucoup d’automatismes se sont créés. Un de nos points forts, c’est la communication, ce qui est primordial. Quand les gens nous regardent jouer, je crois que ça ne fait aucun doute qu’on donne tout pour ce maillot.

Le RC Lens reprend le championnat avec deux gros morceaux, l’OGC Nice puis le PSG dimanche soir…
On reprend avec Nice. Si on pense déjà au PSG, on est mal. Le déplacement à Nice est très important pour nous, on veut remporter les trois points et on verra pour la suite. Bien sûr, quand on joue des grandes équipes comme le PSG, Marseille ou Lyon, on a l’espoir de faire un résultat. Mais comme on dit, il faut y aller pas à pas, donner notre meilleur lors de chaque match et ça ne me surprendrait pas qu’on puisse décrocher deux victoires. On a une équipe pour faire de grandes choses mais ça dépend à 100% de nous. On s’est préparés pour gagner contre Nice et ensuite, on pensera à Paris.

« Je suis peut-être fou mais je ne suis pas idiot »

Impossible de ne pas aborder le titre de champion du monde de l’Argentine et cette finale contre la France…
Quelle fierté… Pour être honnête, j’ai souffert, j’ai pleuré mais heureusement, à la fin, j’ai pu souffler ! J’ai vécu ce Mondial à 100% comme un supporter qui aime sa patrie, les couleurs de son drapeau… C’est une folie ce qu’on a ressenti avec cette victoire, c’est inexplicable. Vous avez sûrement vu passer des images de joie ou de célébrations sur les réseaux sociaux mais c’est infime par rapport à ce que nous, Argentins, avons ressenti. On a pu mettre de côté la souffrance et profiter de ce moment. C’est un privilège d’être argentin, d’être né dans le pays auquel Dieu a donné Maradona et Messi, les deux plus grands joueurs de l’Histoire. Je suis très fier et très heureux de comment les choses se sont déroulées. Peu importe ce que les autres équipes et les autres entraîneurs ont dit de nous, on est restés humbles, on a travaillé en silence, pour pouvoir fermer des bouches sur le terrain, le seul endroit où il faut le faire.

Tu as regardé la finale avec tes proches ou tes coéquipiers ?
(Rires). Je suis peut-être fou mais je ne suis pas idiot ! J’ai regardé la finale en famille car j’avais la chance d’avoir ma mère et mes frères à Lens pour passer Noël avec moi. On a vécu un super moment, d’autant plus que j’ai été proche de faire partie de la liste, ce qui me remplit de fierté. Voir ma mère et mes frères pleurer, c’était un sentiment unique. Il n’y a aucune chance que je regarde un match comme ça avec mes coéquipiers. Certains m’ont proposé de manger puis de voir la finale ensemble mais j’ai refusé car je suis très superstitieux. Et ça m’a plutôt bien réussi puisque la Coupe du monde est en Argentine aujourd’hui !

Qu’as-tu pensé du scénario de cette finale ? Tu parlais tout à l’heure de souffrance…
Les Argentins, on est habitués à souffrir. On ne peut jamais gagner un match tranquillement. Quand on y pense, on dirait que ça nous plaît de souffrir (rires). Mais on a fait les efforts et, à la fin, chaque effort a pesé dans la balance. Tous les garçons qui faisaient partie de ce groupe ont apporté leur pierre à l’édifice pour obtenir cette victoire et qu’y a-t-il de mieux que de gagner de cette manière ? Mieux que ça, c’est impossible ! Nous, les Argentins, on a tant d’amour pour notre pays. Et même s’il y a eu des circonstances particulières, le résultat est logique et je suis fou de joie. Nous, les joueurs les plus jeunes, ça nous inspire à suivre cette voie, à continuer à travailler avec humilité car tout est possible lorsque tu es prêt à te sacrifier, à tout laisser sur le terrain pour ton pays.

Cette victoire au Mondial est d’autant plus particulière que le contexte économique et social en Argentine est très compliqué…
La situation actuelle est difficile mais nous sommes un peuple habitué à lutter. Pouvoir remporter cette Coupe du monde va un peu soulager les Argentins, de la même façon que c’est un soulagement pour les Messi, Di María ou Otamendi qui ont tant souffert ces dernières années et qui méritent ce succès plus que quiconque. C’est un moment dont toute l’Argentine doit profiter, une victoire pour tous les Argentins. Lionel Scaloni disait qu’on avait dû vivre avec ces coups durs, ces victoires, ces défaites… On en profite maintenant mais il fallait être préparé à recevoir des coups, ce qu’on a fait avec le premier match contre l’Arabie Saoudite. Certains ont commencé à douter des joueurs mais je suis très fier de voir comment le groupe a réagi, comment il a tourné la page pour rebondir ensuite. J’espère juste que les Argentins vont profiter de cette victoire, et de ce qu’on a pu voir, c’est le cas (rires). Quelle joie de voir mon pays comme ça même si je suis en France actuellement et que je ne peux pas faire la fête là-bas ! Je sais que les Argentins vont bien en profiter pendant les quatre prochaines années, jusqu’à la prochaine Coupe du monde.

« S’ils l’ont fait, pourquoi pas moi ? »

Tu connais beaucoup de joueurs de la sélection actuelle car tu étais convoqué récemment et que tu as joué ces dernières saisons contre ADM, Paredes, Messi…
J’ai eu la chance de les affronter sur le terrain et de les avoir comme coéquipiers. Je suis un privilégié ! Mais ma relation avec eux est rien de plus normale. Je suis très respectueux avec eux, comme me l’a enseigné ma mère. Celui avec qui je m’entends le mieux, c’est Leandro Paredes. Quand j’ai été convoqué en sélection pour la première fois, il a passé beaucoup de temps avec moi à me parler, à me donner des conseils… Je lui en suis très reconnaissant. Maintenant, j’espère continuer à faire du bon boulot avec Lens pour retrouver la sélection argentine dès le prochain rassemblement.

Tu es réputé pour ton fort caractère et tu disais même tout à l’heure que tu étais un peu fou. C’est possible d’être soi-même quand on est un jeune joueur dans une sélection avec des stars comme ça ?
Bien sûr ! A partir du moment où tu te comportes avec respect et humilité, tu peux être toi-même. Il faut juste ne pas se prendre pour un autre, ne pas se considérer supérieur aux autres, et je suis quelqu’un à qui on a enseigné ces choses-là petit. L’aspect humain est fondamental avec ces grands joueurs, comme dans n’importe quel groupe, et une fois que les autres te connaissent mieux, tu as davantage de liberté pour être toi-même. Il faut être un bon coéquipier, penser au groupe, tirer dans le même sens… Il faut prendre soin les uns des autres parce qu’à la fin, qui va t’aider sur le terrain ? Tes coéquipiers, personne d’autre. Si tu fais ça, tout va bien se passer.

Avec les équipes de jeunes de l’Argentine, tu as beaucoup joué avec Julián Álvarez…
Pour être honnête, j’ai joué avec la majorité du groupe, il n’y a pas qu’avec Julián que j’ai joué. A River, j’étais aussi avec Exequiel Palacios, Gonzalo Montiel… Enzo Fernández est un peu plus jeune mais je le connais depuis les équipes de jeunes de River. Il y a aussi Thiago Almada… Je suis très heureux pour eux, ils méritent ce qu’ils vivent en ce moment. Ce sont de super joueurs et de super mecs, et grâce à Dieu, ils sont Argentins ! Les voir réussir comme ça me motive. S’ils l’ont fait, pourquoi pas moi ? Il faut retenir le positif de chaque situation.

Comment as-tu géré la déception de ne pas être sélectionné pour le Mondial, toi qui as été appelé quatre fois sur les deux dernières années ?
J’avais l’espoir de faire partie des 26 pour le Qatar mais je n’ai pas pu en être et je suis passé en mode supporter car j’aime mon pays, comme tous les Argentins. Même si j’ai été proche de faire partie du groupe retenu, je n’ai toujours souhaité que le meilleur à ceux qui étaient au Qatar. Il fallait les aider du mieux que je pouvais, en les motivant, en les aidant à distance. C’était mon devoir de coéquipier de les soutenir et de les pousser. C’est le message que j’ai fait passer à ma famille parce qu’ils veulent le meilleur pour leur enfant, et ce qu’il me fallait, c’était de la tranquillité et seulement du positif. Il fallait que l’Argentine soit championne du monde, avec moi ou non, c’est ce que voulait l’Histoire, c’est que voulaient tous les Argentins.