Matz Sels (RCSA).
Interview

Matz Sels : « Faire sentir à l’attaquant qu’il n'est pas le bienvenu »

Matz Sels : « Faire sentir à l’attaquant qu’il n'est pas le bienvenu »

Interview
Publié le 18/10 à 11:52 - NM

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Dernier rempart du RC Strasbourg Alsace depuis 2018 et désormais capitaine, Matz Sels évoque son évolution au sein du club alsacien et les particularités de son poste. Entretien avant le déplacement au Parc samedi (17h).

Vous disputez votre 6e saison sous les couleurs du RC Strasbourg Alsace, pouvez-vous nous parler de l’évolution de votre rôle au sein de l’équipe ?
Lorsque je suis arrivé, j’étais un plus jeune gardien (26 ans contre 31 aujourd'hui), je n’étais pas aussi expérimenté. Au fur et à mesure des saisons, j’ai essayé de progresser et de prendre de l’expérience pour apporter un plus à l’équipe. J’ai désormais un statut de cadre. Les rôles se sont inversés par rapport à mon arrivée. C’est désormais à moi d’apporter mon leadership et mon expérience, surtout qu’il y a beaucoup de jeunes au sein de l’effectif cette saison. Mon rôle le plus important, c’est de leur donner des conseils et de les aider !

Et comment analysez-vous l’évolution de votre jeu ?
Je dirais que j’ai progressé dans tous les domaines. C’est difficile d’en ressortir un plus qu’un autre. Quand tu prends de l’expérience, petit à petit, tu t’améliores de manière globale. Mon jeu n’est pas parfait, j’essaie encore de progresser et de grandir à l’aide de l’entraîneur des gardiens (Stéphane Cassard), mais c’est plus sur des détails. A 31 ans, tu ne peux pas autant faire évoluer ton jeu que lorsque tu en as 18...

Justement, dans quels domaines pensez-vous avoir encore une marge de progression ?
Dans la lecture du jeu ! Aujourd’hui, c’est très important de jouer haut et de ne pas rester sur sa ligne pour pouvoir soulager sa défense en coupant certaines passes dans la profondeur. Mais cela dépend aussi de la vision du jeu de l’entraîneur. Cette saison, on essaie de jouer un peu plus que la saison passée, donc je suis plus sollicité dans ce domaine et je pense avoir une marge de progression. Après, le plus important pour un gardien, c’est d’être régulier dans ses performances, et c’est ce que j’essaie de faire depuis mon arrivée.

« C’est important d’écouter son corps »

Comment se déroule une semaine type d’entrainement pour un gardien ?
Au début de la semaine, il y a toujours une charge physique importante. On va beaucoup travailler sur les jambes et le haut du corps. Ensuite, à partir du milieu de la semaine, on commence à avoir plus d’exercices avec le ballon : des sorties aériennes, du jeu au pied… Les séances sont plus légères pour garder de la fraîcheur pour le week-end. En parallèle, on utilise aussi la vidéo, on regarde les images des matchs précédents. S’il y a des choses qu’on peut améliorer, on va travailler dessus de manière spécifique au cours de la semaine.

Pour parler plus en détail de l’aspect physique, le poste demandant un travail différent des joueurs de champ, comment s’organisent les séances ?
C’est vrai qu’elles sont différentes mais, à l’image du poste, elles ont aussi évolué. Ce n’est plus comme par le passé où on devait sauter dans tous les sens, plonger dix fois à gauche puis dix fois à droite pour être bien physiquement. Aujourd’hui, on travaille davantage sur la technique. Tu vas avoir deux-trois prises de balle à faire mais il faut qu’elles soient propres, puis tu fais une pause et tu recommences. Je trouve que les séances, au-delà d’être plus agréables, sont beaucoup plus efficaces.

C’est-à-dire ?
Elles te permettent de travailler des situations beaucoup plus proches de celles que tu vas rencontrer le week-end car dans un match, tu n’as jamais dix ballons à la suite qui arrivent sur ton côté gauche… C’est très important d’avoir progressé dans ce domaine. C’est grâce à la nouvelle génération d’entraîneurs des gardiens qui a compris que le jeu a évolué et qu’il fallait aussi que les séances évoluent.

Est-il nécessaire de travailler des choses en plus des entraînements lorsqu’on est gardien ?
C’est propre à chacun. Au vu de mon expérience, je connais mon corps un peu mieux que par le passé et j’ai appris qu’il est important de l’écouter. Aujourd’hui, si je me sens un peu fatigué, je me dis : « Ok, je vais moins pousser ». Mais lorsque j’étais jeune, je n’y prêtais pas attention, je pouvais m’ajouter des séances dans la semaine. C’est avec l’expérience que tu apprends à connaître ce dont tu as besoin pour être bon en match et pour faire une bonne saison. Après, il n’y a pas de secret, la confiance joue un rôle important, en plus d’être bien physiquement, il faut sentir que le coach et le club sont derrière toi.

« Il ne faut pas laisser son attention se détourner »

Vous avez évoqué l’utilisation de la vidéo. Quelle place lui accordez-vous ?
Les images te permettent d’accorder du crédit à tes propos. Tu peux toujours discuter sur le terrain, à la mi-temps et en fin de match de certaines situations mais la vidéo te permet d’approuver ou de désapprouver ce que tu as pu dire. C’est un outil qui est devenu très important, non seulement pour les gardiens mais aussi pour l’équipe. Que ce soit pour le coach des gardiens ou le coach, ça te permet d’analyser précisément les situations ou les points forts et faibles de chacun.

Comment l’utilisez-vous à titre personnel ?
J’aime bien regarder comment j’aurais pu mieux gérer certaines situations pour essayer de ne pas commettre deux fois la même erreur. Quand tu t’appuies sur des images, c’est pour t’améliorer et ne pas reproduire la même chose. C’est l’analyste vidéo qui se charge de préparer un extrait puis j’en discute avec l’entraîneur des gardiens. Il peut nous arriver de revoir et d’échanger sur toutes les situations auxquelles j’ai pu faire face pendant un match.

Le rôle du gardien est parfois angoissant, sachant qu’il doit toujours être attentif même s’il n’est pas sollicité pendant de longues minutes. Comment gérez-vous cet aspect ?
Quand tu joues dans une équipe où tu n’as pas beaucoup de travail, ce n’est pas toujours facile de rester concentré mais, ici, ce n’est pas trop mon cas (rires). Par exemple, la saison dernière, j’avais beaucoup de travail, donc je restais toujours concentré, je n’avais pas le temps de m’égarer. Mais c’est vrai que lorsque tu te retrouves à ne pas toucher de ballon pendant 10-15 minutes, c’est très important de rester vigilant pour ne pas sortir de son match. Comment est-ce que je fais ? Je dirais que c’est aussi un point sur lequel tu progresses avec l’expérience. Il ne faut pas laisser son attention se détourner sur autre chose. Il ne faut pas hésiter à parler et à replacer ses coéquipiers. De cette manière, tu es sûr de rester dans le match. Si je sens que je suis en train de perdre le fil, je me dis : « Ok, je dois donner de la voix et des indications à mes coéquipiers ».

« Dans tes 16 mètres, tu dois montrer que tu es chez toi »

C’est un poste qui offre aussi une grande vision sur le jeu de l’équipe…
Oui, quand tu es gardien, tu vois tout le terrain et tous les espaces. A partir du moment où tu comprends le jeu tactiquement, tu peux apporter un plus. Généralement, au-delà de la défense, j’arrive à voir les choses qui ne fonctionnent pas au milieu de terrain et ma parole peut être capitale pour permettre à mes coéquipiers de les corriger. D’ailleurs, je pense que si beaucoup de bons entraîneurs sont des anciens gardiens, c’est en partie parce qu’ils ont pu développer leur capacité à lire le jeu pendant de nombreuses années en étant à ce poste.

Y a-t-il des matchs où vous avez pu vous sentir un peu invisible ?
Bien sûr ! Il y a toujours un ou deux matchs par saison où la réussite est pour le gardien. C’est difficile d’en ressortir un car ça m’est arrivé beaucoup de fois depuis que je suis ici (rires). Mais même si tu es dans une période où la réussite avec toi, tu dois rester concentré pour réussir à la faire perdurer le plus longtemps possible. Tu ne dois pas te relâcher. Tu peux sortir un super match mais si tu te manques une fois, ton équipe peut perdre… C’est comme ça, c’est le poste de gardien !

On entend souvent qu’un gardien ne doit pas subir. Est-ce la clé ?
Oui ! Chaque gardien a son caractère, il y en a qui sont calmes et d’autres un peu plus fous, mais ce qui est important, c’est d’avoir de l’autorité. Dans tes 16 mètres, tu dois montrer que tu es chez toi. Par exemple, dans les situations de face à face, il faut faire ressentir à l’attaquant qu’il n'est pas le bienvenu sur ton territoire. Et si tu gagnes tes premiers duels, psychologiquement, ça va devenir plus compliqué pour lui. C’est très important de faire douter l’attaquant.

« Ce que tu dégages, c’est très important »

A chaque but encaissé, comment réagissez-vous ?
Quand j’étais jeune, à chaque but, je devenais fou… Mais avec le temps, j’ai compris que ça ne servait pas à grand-chose. Quand tu encaisses un but, tu vis déjà un moment négatif, donc ça ne sert à rien d’en rajouter, il vaut mieux rester calme. Il ne faut pas « tuer » un coéquipier s’il a commis une erreur car un match dure 90 minutes et rien n’est jamais terminé. Quand tu commences à crier et à faire des grands gestes, comme je pouvais le faire à mes débuts, ça ne te donne pas une bonne image et ça ne renvoie pas quelque chose de bon à l’équipe.

Vous restez calme désormais ?
Oui, je suis plus calme, je relève tout de suite la tête et j’essaie de transmettre des ondes positives à l’équipe en l’encourageant. De cette manière, elle va plus facilement réussir à rester concentrée sur le match que si tu commences à te chauffer avec tes défenseurs. La manière dont tu te comportes et ce que tu dégages, c’est très important ! Ce sont des choses que tu apprends avec le temps.

Quels attaquants vous ont posé le plus de problèmes en Ligue 1 Uber Eats ?
Au-delà des stars, comme Kylian Mbappé, j’ai croisé beaucoup de bons attaquants qui étaient dans des « petits clubs ». Mais celui que j’ai envie de citer, ce n’est pas un attaquant, c’est le milieu de terrain de Montpellier : Téji Savanier. Il fait toujours des gestes auxquels tu ne t’attends pas. Il est vraiment surprenant.

« Si je veux devenir une légende comme José Luis Chilavert, je dois peut-être commencer à marquer »

Vous êtes l’un des meilleurs gardiens du championnat depuis plusieurs années. Estimez-vous être considéré à votre juste valeur ?
Peut-être pas à 100%. Lorsque tu joues le milieu de tableau ou le maintien comme la saison passée, le grand public ne regarde pas souvent tes matchs, donc c’est plus difficile d’être reconnu que si tu joues dans une équipe qui se bat pour les places européennes. Mais je pense montrer de belles choses depuis que je suis ici.

Que vous reste-t-il à accomplir pour un peu plus entrer dans l’histoire du Racing ?
Si je veux devenir une légende comme José Luis Chilavert, je dois peut-être commencer à marquer (rires). Plus sérieusement, je vais continuer de faire mon travail et on verra si j’arrive à laisser une grosse empreinte dans l’histoire du club.

Cela vous démange de connaître la joie du buteur ?
(Rires) Bien sûr que j’ai envie de marquer une fois dans ma carrière. Ça voudrait dire qu’on n’était pas bien dans le match à ce moment-là, mais bon… On verra ! Si ça doit arriver, ça arrivera !

Stats de Matz Sels en Ligue 1 Uber Eats depuis son arrivée :
153 matchs
412 arrêts (6e meilleur total)
37 clean sheets (6e meilleur total)