Interview

« Moi, Étienne Youté, 1m95 pour 91 kilos »

« Moi, Étienne Youté, 1m95 pour 91 kilos »

Interview
Publié le 12/03 à 12:29 - Arnaud Di Stasio

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Costaud et bon relanceur, le jeune Étienne Youté s’impose dans la défense centrale du Havre AC ces derniers mois. Son gabarit, les clichés, les duels avec Lukaku, Valbuena et Mbappé, l’obligation d’être bon de la tête… Entretien taille XXL.

Pour commencer, quelles sont tes mensurations ?
Je fais 1m95 pour 91 kilos. Ça va peut-être vous surprendre mais il y a peu de grands dans ma famille ! Il y a juste un de mes frères aînés et mon père qui sont un peu plus grands que moi. Les autres sont « petits ».

Est-ce que tu as toujours été le plus grand en classe ?
Toujours ! Et pareil dans mes équipes de foot, j’ai toujours été le plus grand, à part une fois. Il y a deux ans, à l’Olympiakos, il y avait un gardien qui était un peu plus grand que moi.

« Mes entraîneurs m’ont forcé à reculer »

Si tu as presque toujours été le plus grand de ton équipe, ça signifie que tu étais toujours surclassé chez les jeunes ?
À partir d’un certain moment, ça a été le cas. Par exemple, quand j’étais en U13, on m’a rapidement fait passer avec les U15. Ensuite, on m’a aussi surclassé en U16 et U17 parfois. Et quand je devais être en U17, je suis passé avec les U19. J’ai presque toujours été surclassé de deux ans mais, en général, je commençais la saison avec ma catégorie d’âge puis on me surclassait en cours de saison.

À cette époque, quelles difficultés ça amenait de jouer avec et contre des garçons deux ans plus vieux ?
Sincèrement, ça ne changeait pas grand-chose. Le truc, c’est que j’ai été habitué à être surclassé très tôt donc ça a toujours été la norme pour moi. Sur le terrain, je n’ai pas senti de difficultés particulières et, en dehors, je n’ai pas senti de décalage non plus. Quand on est jeune, on ne calcule pas trop ce genre de choses.

Ta grande taille fait que tu as toujours été défenseur central ?
Non, j’ai commencé attaquant et j’ai reculé petit à petit. Je suis passé milieu puis défenseur central, vers 13-14 ans. Ce sont mes entraîneurs qui m’ont forcé à reculer mais c’était logique finalement. Au début, on me faisait jouer devant parce que j’étais grand et on m’envoyait des longs ballons. Ça me plaisait parce que, grâce à ma taille, je marquais souvent. Mais je ne vais pas mentir, techniquement, ce n’était pas ça (sourire). Donc j’ai reculé et ensuite, à force d’enchaîner les matchs derrière, je me suis habitué.

« Je ne suis pas rapide mais je ne suis pas lent »

Quels sont les clichés qui reviennent par rapport aux joueurs de grand gabarit comme toi ?
On dit qu’ils sont lents et qu’ils sont maladroits techniquement. Moi ? Je ne dirais pas que je suis rapide mais je ne suis pas lent, je suis dans la moyenne niveau vitesse. Souvent, les gens qui me voient jouer pour la première fois sont agréablement surpris. Et ceux qui me connaissent le sont aussi parfois parce que, par exemple, à l’entraînement, tu n’as pas souvent l’occasion de faire un sprint de 50 mètres, donc quand ça arrive en match et que ça se passe bien, ça peut étonner.

Combattre ces clichés te donne une motivation supplémentaire ?
Oui, ça fait plaisir de donner tort à ceux qui doutent de moi. Ça montre que ce que je réussis sur le terrain, c’est bien ! Surtout que ces clichés existent partout. Avant de jouer au Havre, j’étais en Grèce et en Italie, et c’était pareil. Ces clichés étaient peut-être même encore davantage présents en Grèce car, là-bas, le niveau est moins élevé donc les défenseurs de plus d’1m90 que je croisais étaient souvent lents et pas géniaux techniquement.

Pour ceux qui ne t’ont jamais vu jouer, comment te décrirais-tu justement ?
Je suis bon techniquement donc je suis serein avec le ballon, pour relancer notamment. Je suis bon dans la lecture du jeu et l’anticipation. Une autre de mes qualités, c’est que je suis fort dans les duels. Pour les défauts, j’ai parfois des sautes de concentration et il m’arrive d’avoir des problèmes de placement. Mais le coach met en place des séances spécifiques pour que je m’améliore dans ces domaines justement.

« En Ligue 2 BKT, c’est la guerre tout le temps ! »

Quand on est grand, est-on obligé d’être bon de la tête ?
Oui ! Avant, je n’étais pas très bon de la tête d’ailleurs. La saison dernière encore, ça se voyait sur pas mal de matchs. Du coup, on a beaucoup travaillé là-dessus avec le coach cette saison, que ce soit avec du travail spécifique sur des centres, avec de la vidéo… Mon jeu de tête défensif s’est bien amélioré grâce à ça.

Tu évoquais justement la saison dernière et tes six mois en Ligue 2 BKT. On dit souvent que c’est un championnat très physique, plus encore que la Ligue 1 Uber Eats, et c’est pourtant cette saison que tu t’imposes… Comment l’expliques-tu ?
Je trouve que c’est plus simple de jouer en Ligue 1 Uber Eats. Il y a davantage de place, davantage de temps. En Ligue 2 BKT, c’est la guerre tout le temps ! Il y a des duels tout le temps !

Ces dernières semaines, tu as beaucoup joué en charnière centrale avec Gautier Lloris, qui mesure plus d’1m90 lui aussi. Est-ce que le fait d’être à côté d’un autre « grand » vous force à adapter votre jeu ?
Pas spécialement. Gautier est un joueur qui va vite lorsqu’il est lancé donc on n’a pas eu à changer grand-chose…

« Contre Mbappé, c’est un peu différent »

Est-ce plus compliqué pour toi de jouer contre des petits gabarits ?
Oui, quand même, même si je le redis, je ne suis pas lent. Maintenant, c’est sûr que sur les changements de direction, les petits gabarits sont plus vifs que moi mais ça ne me pose pas spécialement problème. Pour moi, c’est la même chose de défendre sur Samuel Grandsir ou Yassine Kechta que sur Mohamed Bayo.

Pourtant, on se dit que ça doit être difficile contre des joueurs comme Wissam Ben Yedder ou Kylian Mbappé, que tu as croisés cette saison en Ligue 1 Uber Eats…
C’est vrai que contre Mbappé, c’est un peu différent parce que tu ne l’as pas vraiment au marquage, ce n’est qu’au dernier moment que tu le vois venir. Et Ben Yedder, c’est peut-être celui qui m’a causé le plus de soucis cette saison. Ce n’est pas facile de défendre sur lui car il est très bon dans son placement.

Et dans tes anciens clubs ?
À l’Olympiakos, je me suis retrouvé à défendre sur Mathieu Valbuena et c’était compliqué ! Il change de rythme et d’orientation très vite donc il faut toujours rester sur ses appuis. Et à l’Inter, c’est Lautaro Martínez qui me posait le plus de problèmes. De loin ! Il y avait aussi Alexis Sánchez, qui faisait partie des meilleurs dans ce style.

« Contre Lukaku, il faut la jouer intelligemment »

Dans un autre genre, comment fait-on contre un attaquant aussi costaud que soi ? Je pense notamment à Romelu Lukaku…
Quand je me retrouvais face à lui à l’entraînement, c’était compliqué ici aussi ! Il est tellement puissant que tu ne peux pas récupérer la balle si tu es derrière lui et que tu essaies de lui passer devant. Il faut la jouer intelligemment. Lors de mes premiers entraînements contre lui, c’était dur mais, au fur et à mesure, je comprenais comment faire pour mieux gérer les différentes situations et comment le gêner. Par exemple, quand il va recevoir la balle dans les airs, c’est compliqué de lui prendre en lui disputant le duel, il vaut mieux intervenir au moment où il contrôle.

À l’Inter, tu t’entraînais avec Romelu Lukaku mais aussi avec Milan Škriniar, dont tu t’inspirais peut-être davantage de la façon de jouer vu son poste et son gabarit…
C’est vrai que je regardais ce qu’il faisait mais, même si ça va peut-être vous paraître surprenant, j’observais encore davantage les milieux. J’aimais beaucoup la façon de jouer de Marcelo Brozović et de Stefano Sensi. J’essayais de m’inspirer de leur sens de la passe et de leur vision du jeu.

Tout à l’heure, tu parlais de ton père, Étienne Kinkoué, qui a été joueur professionnel lui aussi. Te donne-t-il des conseils sur comment tirer avantage de ton gabarit ?
Pas vraiment. Il me conseille davantage sur l’extra sportif, la gestion de ma carrière, ce à quoi il faut que je fasse attention… Mon père a joué en Turquie, en Russie et chez les jeunes du PSG notamment mais, contrairement à moi, il jouait milieu offensif. C’est peut-être pour ça qu’on ne parle pas tant que ça de terrain.

Pour finir, tu te fais parfois charrier en raison de ta taille ?
Non, on ne se moque pas souvent de ma taille ! Au contraire, on me complimente !