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Défense à trois, mode d’emploi d’un système à la mode

Défense à trois, mode d’emploi d’un système à la mode

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Publié le 21/10 à 13:49 - Avec AFP

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Utilisé par environ la moitié des équipes de Ligue 1 Uber Eats, dont l’OM et le RC Lens, le système à trois défenseurs présente des avantages comme des failles. Explications avec les entraîneurs et joueurs concernés.

Les Bleus l'ont adopté, le PSG y songe... En France, de plus en plus d'entraîneurs se laissent séduire par la mode du système à trois défenseurs centraux, bonne pour le « spectacle » mais qui réclame du temps aux joueurs pour bien l'intégrer. La tendance est telle que Didier Deschamps a bouleversé son plan de jeu champion du monde en 2018, le 4-2-3-1, pour basculer vers le 3-4-1-2. Son pari tactique a fonctionné puisque l'équipe de France a remporté la Ligue des nations en octobre. Quelques mois plus tôt, en juin, Chelsea avait gagné la Ligue des champions dans un schéma similaire, façonné par l’ex-entraîneur du PSG Thomas Tuchel.

Aujourd'hui, la moitié des formations de Ligue 1 Uber Eats ont rejoint le mouvement, parmi lesquelles l’OM, Monaco, Lens, Angers, Strasbourg ou encore Lorient. « On sent qu'il y a quelque chose qui frémit là-dessus », acquiesce l'entraîneur de Lorient, Christophe Pélissier. Dans le football, la mode, « ça vient, ça repart... », relativise Elie Baup, l'ancien technicien de l'OM et de Bordeaux. « Le premier à avoir fait ça, c'est Alberto Zaccheroni en Italie pour contrer le 4-4-2 d'Arrigo Sacchi », le charismatique coach de l'AC Milan, double vainqueur de la C1 (1989, 1990), rappelle-t-il.

Des pistons entraînants

C'est peut-être un détail pour les non-initiés mais passer d'une ligne de quatre défenseurs (deux centraux et deux latéraux) à une de trois centraux, avec deux pistons pour jouer sur les côtés, veut dire beaucoup. Si un slogan suffisait à résumer la pensée des partisans de la défense à trois, ce serait « défendre mieux pour attaquer mieux ». « Certains entraîneurs préfèrent jouer à cinq derrière pour mieux défendre. Moi, je l'utilise pour mieux attaquer. Ça permet notamment d'avoir une meilleure première relance », assure l'entraîneur de Reims, Oscar Garcia.

Le début de saison emballant de la Ligue 1 Uber Eats, avec seulement trois 0-0 après 10 journées, soit le plus faible total des 60 dernières années, conforte cette idée. « C'est un schéma plutôt offensif, grâce aux pistons qui jouent assez haut. Ça crée de la mobilité, du spectacle », décrypte Elie Baup, aujourd'hui consultant pour BeIN Sports. Même sentiment du côté du piston lensois Jonathan Clauss, qui nous détaillait son rôle et les spécificités du système dans un entretien : « Tous les joueurs sont couverts, les déplacements sont bons, ça peut combiner partout car les joueurs sont proches les uns des autres… C’est un système qui peut transformer une équipe banale en bonne ou très bonne équipe ».

A l’instar de Jonathan Clauss, Achraf Hakimi brille dans ce rôle du piston au PSG tandis que Jimmy Cabot a pris une nouvelle dimension avec Angers SCO. Ces latéraux nouvelle génération, au profil plus offensif que défensif, donnent le tempo offensif de l'équipe. Ces joueurs qui vont sans cesse entre l'attaque et le repli défensif, coulissant comme le piston d'un moteur, détiennent la clé de l'efficacité de la défense à trois. Leur placement « va permettre beaucoup d'autres choses, comme le retour d'un numéro 10 en meneur de jeu, comme on l'a vu chez les Bleus, avec Antoine Griezmann », explique Patrick Pereira, spécialiste de la tactique qui officie notamment sur notre compte Twitter Ligue 2 BKT.

« Dur à mettre en place »

Pour l'entraîneur du PSG Mauricio Pochettino, qui cherche comment faire briller Neymar, Kylian Mbappé et Lionel Messi ensemble, l'option est sur la table, surtout depuis que Sergio Ramos est arrivé cet été. Cependant, la blessure longue durée du défenseur central espagnol a repoussé le début de l'expérimentation. Le PSG a perdu un temps précieux, d'autant que ce système est plus difficile à absorber, notamment pour coordonner les trois défenseurs centraux. « Ça demande beaucoup de réglages, beaucoup de travail avec les joueurs sur le terrain et en vidéo. C'est pour ça qu'on dit que c'est un système qui est dur à mettre en place mais une fois qu'il est acquis, il est très intéressant », reconnaît Christophe Pélissier.

Longtemps utilisé au centre de la défense à trois de Michel Der Zakarian à Montpellier, Vitorino Hilton confirme : « Evoluer à trois ne simplifie pas l’organisation défensive. Si vous faites face à une équipe avec trois attaquants, vous risquez de rapidement vous retrouver à négocier des situations de un contre un. Dans ce cas, l’attaquant de pointe adverse n’a qu’un adversaire au marquage, car les joueurs de côtés doivent couvrir les couloirs. Ce système n’est pas évident. Mais il peut très bien fonctionner avec une bonne organisation entre les joueurs de côtés et les milieux ».

Ce système présente aussi des failles inhérentes, liées au positionnement haut des pistons qui laisse des espaces derrière eux. « La difficulté, c'est que les pistons ont beaucoup de travail. Ils ont tout le côté pour eux et quelquefois, c'est difficile physiquement pour eux », admet Oscar Garcia. Jonathan Clauss, un des principaux concernés, abonde : « Ça demande beaucoup de courses. Physiquement, je ne pensais que ça allait être aussi exigeant, mais ça devient naturel maintenant ». Pour Elie Baup, la clé, c'est « les renversements de jeu, c'est-à-dire jouer sur les côtés, là où les pistons n'ont pas le temps de revenir. »

Le système classique à quatre derrière aurait ainsi encore des beaux jours devant lui... « Jouer à quatre derrière est généralement plus facile tactiquement, avec deux vrais latéraux qui, même s’ils ont tendance à davantage monter actuellement, demeurent avant tout des défenseurs », estime Vitorino Hilton. Ce qui compte, de toutes les façons, rappelle l'entraîneur d'Angers Gérald Baticle, « c'est l'animation des structures ». « Si on reste figé sur notre système, c'est difficile de mettre l'adversaire en difficulté. Il faut du mouvement. Ce n'est pas le système qui gagne les matchs », conclut Christophe Pélissier.