Interview

Frank Magri : « Je n’ai pas le temps de rêver »

Frank Magri : « Je n’ai pas le temps de rêver »

Interview
Publié le 10/08 à 12:06 - Arnaud Di Stasio

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Après une éclosion tardive, Frank Magri s’apprête à découvrir la Ligue 1 Uber Eats avec le Toulouse FC. Entretien rafraîchissant avec l’ex-attaquant bastiais, de retour dans sa région.

Tu sors de ta meilleure saison en professionnel puisque tu as marqué 13 buts en 24 matchs de Ligue 2 BKT avec Bastia, avec notamment une grosse série au printemps. En quoi as-tu passé un cap ?
Beaucoup de paramètres expliquent ma belle saison. A Bastia, je sentais que j’avais la pleine confiance du coach et de mes coéquipiers. Quand tes partenaires croient en toi et savent que tu peux avoir un impact sur le match, ils te cherchent davantage. Tout ça m’a aidé dans mes performances. J’ai aussi passé un cap dans plusieurs aspects du jeu, la maturité notamment. Je ressens mieux les actions dans les derniers mètres. Il faut aussi dire que la saison a été très réussie d’un point de vue collectif et, forcément, quand toute l’équipe marche, les individualités ressortent un peu plus, à commencer par les attaquants.

« J’avais tendance à jouer toutes les actions à fond »

Tu dis avoir gagné en maturité. C’est-à-dire ?
Avant d’arriver à Bastia, j’étais habitué au football de jeunes, où il y a peu de temps morts, donc j’avais tendance à jouer toutes les actions à fond. A Bastia, on m’a appris à parfois rester plus calme pendant une ou deux minutes, à faire moins de choses sur le terrain par moments, pour que je garde mon énergie pour les actions où je peux faire mal. Tu ne vas peut-être jouer que deux actions en 10 minutes mais sur ces deux actions, tu vas être bien plus tranchant, bien plus tueur. Chez les jeunes, on a tendance à vouloir être à 100% tout le temps, ce qui peut faire perdre en lucidité.

Maintenant que tu es à Toulouse, sur quoi dois-tu travailler pour devenir un bon attaquant de Ligue 1 Uber Eats ?
Sur la maturité, encore ! Entre la Ligue 2 BKT et la Ligue 1 Uber Eats, il y a un monde d’écart je pense. Il va falloir que je me mette au diapason rapidement, pour répondre au mieux aux attentes du coach. Je dois progresser dans la construction du jeu, en étant un peu plus actif et plus facilement trouvable pour mes coéquipiers. Il faut aussi que je sois plus précis techniquement car en Ligue 1 Uber Eats, si on rate un geste, il peut vite y avoir danger derrière. Il y a aussi une autre exigence en termes de régularité. A Bastia, sur une mi-temps, je pouvais faire 30 bonnes minutes et 15 minutes un peu moins bien. Ici, il faudra avoir la rigueur et la régularité pour se rapprocher de 45 bonnes minutes sur 45 !

« Thijs Dallinga est obnubilé par le but »

Depuis ton arrivée au Téfécé, tu as pu observer de près Thijs Dallinga, qui sort d’une très belle saison (18 buts dont 12 en Ligue 1 Uber Eats). Qu’est-ce qu’il t’inspire ?
La première chose qui m’a surpris avec Thijs, c’est son gabarit. A la TV, j’avais l’impression qu’il était plutôt petit alors qu’en vrai, non, il est costaud (rires). C’est un attaquant qui a son style. Dans la surface, il fait très souvent le geste juste pour finir les actions. Il essaie tout le temps de se mettre en position de tir. On sent que, dans sa tête, il ne pense qu’au but, qu’il est obnubilé par ça. Et justement, moi, à Bastia, on me disait que j’étais un peu trop altruiste. Il y avait des actions que je devais finir où je préférais faire la passe mais, nous, les attaquants, on nous demande de finir les actions. Et dans ce domaine, Thijs est plutôt pas mal (rires) !

Il y a un an et demi seulement, tu jouais en National 2 avec la réserve d’Angers SCO et aujourd’hui, tu te retrouves en Ligue 1 Uber Eats, avec la Coupe d’Europe qui va aussi arriver dans quelques semaines…
C’est une grosse fierté. Au SCO, j’étais en retard sur les autres car j’étais un des joueurs les plus âgés à évoluer avec la réserve et que je n’arrivais pas à passer le cap qui m’aurait permis de jouer en Ligue 1 Uber Eats. J’ai fait le choix de repartir d’un peu plus bas pour avoir du temps de jeu, ce que j’ai fait en rejoignant Bastia et la Ligue 2 BKT. Mais, la vérité, c’est que j’ai toujours gardé en confiance en moi et que je savais que j’avais le niveau pour évoluer en Ligue 1 Uber Eats. Aujourd’hui, le Téfécé m’offre cette chance et je vais tout faire pour la saisir. Je vais travailler pour être performant. Je suis très content d’être à Toulouse mais je n’ai pas le temps de rêver. Il va vite falloir que je me mette au diapason et que je sois performant pour répondre aux attentes du club. Avec Bastia, j’ai passé un palier dans ma carrière mais, maintenant, il y en a d’autres à passer.

« Daniel Congré m’a signé mon tout premier autographe »

Tu es né et tu as grandi à Agen, à une centaine de kilomètres de Toulouse. Ça évoquait quoi pour toi le Téfécé ?
C’est le club professionnel de la région donc je regardais souvent les matchs du Téfécé. Et, quand j’étais enfant, le club d’Agen organisait un match amical entre Toulouse et Bordeaux tous les étés donc c’était un peu l’événement de l’année pour les gamins agenais. On allait tous au stade et on était comme des fous. Et le premier match officiel que j’ai vu, c’était au Stadium, pour un Toulouse-Valenciennes où le Téfécé avait gagné 3-1. J’ai aussi une autre anecdote sur le Téfécé…

Laquelle ?
Chez les jeunes, j’avais fait un tournoi à Toulouse avec Agen et Daniel Congré, qui jouait au Téfécé, était venu donner le coup d’envoi de la finale. C’est lui qui m’a signé mon tout premier autographe ! Et des années plus tard, je me suis retrouvé face à lui lors d’un Bastia-Dijon (en février 2022). Je n’ai pas osé lui en parler. D’ailleurs, j’ai fini par perdre son autographe mais j’avais aussi pris une photo avec lui ce jour-là et, la photo, je l’ai encore !

Plusieurs clubs se sont intéressés à toi cet été. Choisir Toulouse était un moyen de te rapprocher de ta région ?
Même si je suis revenu pas loin d’Agen et que ma sœur vit à Toulouse, je ne me suis vraiment pas dit que j’allais choisir mon club pour me rapprocher de mes terres. Ça a pu jouer un peu mais, nous, les footballeurs, on a l’habitude de changer d’endroit. Maintenant, c’est sûr que je ne vais pas être dépaysé ici et que je connais la région, ce qui va être un plus pour mon adaptation.

« Peut-être trop bon pour le centre de formation mais pas assez pour jouer en pro »

Pour remonter un peu dans le temps, tu as rejoint le centre de formation du SCO en 2014, gravissant les échelons de manière classique, mais à l’âge où certains joueurs accèdent à l’équipe première, toi, tu étais cantonné à l’équipe réserve. Quel était ton état d’esprit pendant ces années-là ?
Je ressentais beaucoup de frustration car je ne sais pas si j’avais le niveau pour jouer en Ligue 1 Uber Eats mais je pense que j’avais le niveau pour faire partie du groupe pro. Ça m’aurait permis de continuer ma progression parce que chez les jeunes, j’avais fait le tour. J’étais peut-être trop bon pour le centre de formation mais pas assez pour jouer en pro. Il faut aussi dire que le dernier mot revient à certaines personnes. J’étais très frustré et c’est pour ça que j’ai fini par partir d’Angers. De l’extérieur, les gens se demandent peut-être pourquoi je suis resté aussi longtemps là-bas mais j’avais vraiment à cœur de faire mes débuts professionnels avec le SCO. Je me sentais bien au club, dans la ville… Malheureusement, ça s’est déroulé autrement et je suis très content d’être parti à Bastia vu la suite.

Quand tu avais 20-21 ans et qu’il n’y avait toujours pas ce petit déclic, est-ce que tu as réfléchi à arrêter le foot ?
Franchement, ça ne m’a jamais traversé l’esprit car, même si je stagnais en équipe réserve, je voyais le niveau de certains joueurs de l’équipe première et j’étais persuadé de pouvoir faire aussi bien qu’eux. Je n’ai jamais douté. Je n’ai jamais réfléchi à faire quelque chose d’autre. Je savais qu’avec le travail, ça finirait par payer, à Angers ou ailleurs.

C’était un peu paradoxal car, sur la fin, tu étais quand même capitaine de la réserve du SCO donc on te confiait des responsabilités et on comptait sur toi d’une certaine manière…
Encore une fois, c’est une histoire de personnes (sourire). Au centre de formation, la plupart des coachs étaient unanimes à mon sujet mais je stagnais en réserve… Les directeurs du centre et les éducateurs avaient en confiance en mes qualités et croyaient en moi. J’en ai eu certains au téléphone récemment et ils ne sont pas surpris de me voir à Toulouse aujourd’hui. Mais encore une fois, je n’en veux à personne. Ce sont des choses qui arrivent dans le monde professionnel et, ce qui compte, c’est que ça s’est bien goupillé ensuite.

(Photo : TFC)