Teddy Teuma (Stade de Reims).
Interview

Teddy Teuma : « Je ne réalise toujours pas que je suis professionnel »

Teddy Teuma : « Je ne réalise toujours pas que je suis professionnel »

Interview
Publié le 31/08 à 16:15 - NM

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Arrivé au Stade de Reims cet été et auteur d’un somptueux doublé le week-end dernier, le milieu de terrain Teddy Teuma se raconte. Son choix de rejoindre Reims, son passé de chauffeur-livreur, son fort tempérament, son passage en Belgique, son style de jeu ou encore ses qualités sur les coups de pied arrêtés, l’international maltais de 29 ans passe tout en revue.

Comment s’est déroulée votre arrivée au Stade de Reims ?
De manière très classique, sans rebondissement ! Ça a été une grande fierté pour moi d’avoir l’opportunité de signer en Ligue 1 Uber Eats, d’autant plus au Stade de Reims, un club avec une belle histoire. Tout s’est très bien passé depuis mon arrivée. Il y a beaucoup de bons vivants au sein du groupe et j'ai donc été très bien accueilli, très vite intégré.

Qu’est-ce qui vous a convaincu dans le projet du club ?
Beaucoup de choses ! Premièrement, c’est un club qui se stabilise désormais depuis plusieurs saisons en Ligue 1 Uber Eats et qui a aujourd’hui pour ambition de jouer la première partie de tableau. Puis, d’un point de vue personnel, ils m’ont présenté un rôle de « vieux » qui encadre un peu les jeunes. C’est un rôle et un projet qui correspondaient à ce que je recherchais pour la suite de ma carrière.

Vous avez un parcours atypique. Pouvez-vous nous raconter vos débuts ?
C’est à Hyères que ça a vraiment débuté pour moi. J’y ai vécu mes plus belles années. J’ai passé toute ma jeunesse là-bas. J’y ai tout appris et j’ai pu jouer jusqu’en CFA (4e division). C’est vrai que j’ai un parcours atypique. C’est d’autant plus une réussite pour moi d’en être là aujourd’hui. Je n’ai encore rien fait en Ligue 1 Uber Eats mais quand je vois toutes les étapes par lesquelles je suis passé, je ressens beaucoup de fierté.

« J’ai intégré l’entreprise de mon père pendant un peu plus d’un an »

Après Hyères, vous signez à Boulogne-sur-Mer, en National, puis au Red Star, avec qui vous découvrez le monde professionnel en 2018. Comment explose-t-on dans le foot à 24 ans ?
Je n’ai pas le secret ! Si on m’avait dit que je serais où j’en suis aujourd’hui, j’aurais eu du mal à l’imaginer, je ne me projetais pas aussi loin. Mais cela a fini par se faire naturellement, avec le travail et la confiance que j’avais en moi. J’ai toujours voulu réussir dans le foot et ça a toujours été dans ma mentalité de vouloir toujours plus. Quand j’ai signé mon premier contrat pro, même si c’était un rêve d’enfant, je ne voulais pas m’arrêter là, j’en voulais encore plus. Et, malgré mon âge, c’est toujours le cas aujourd’hui. Je veux toujours continuer à progresser et à grandir. Honnêtement, ça peut paraître fou mais, à l’heure actuelle, je ne réalise toujours pas que je suis footballeur professionnel !

C'est-à-dire ?
C’est peut-être parce que j’ai connu à peu près toutes les étapes que je n’arrive toujours pas à réaliser. Je suis passé de CFA au National, de National en Ligue 2 BKT, de Ligue 2 BKT en D2 belge, de D2 belge en D1, de D1 en Europa League… Parfois, je croise des jeunes dans la rue qui veulent faire une photo avec moi ou qui se disent : « Waouh, c’est un joueur pro » alors qu’il y a quelques années, c’est moi qui étais à leur place. J’ai du mal à réaliser que je suis dans le monde pro, je n’ai jamais eu le « déclic »... En fait, j’ai toujours gardé en tête que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Ça me permet de profiter de tout ce que je vis aujourd’hui. Je ne me dis pas que je suis « arrivé », je n’ai pas envie de me reposer sur mes acquis.

En parallèle de cette arrivée tardive au haut niveau, vous avez notamment été chauffeur-livreur pour la boucherie familiale, comme on a pu le voir lors de l’annonce de votre arrivée au Stade de Reims...
Oui, j’arrivais à 19-20 ans et j’étais toujours en CFA. Même si j’ai toujours été ambitieux, j’ai toujours eu la tête sur les épaules. Je voyais que j’étais à un âge auquel ça risquait de devenir de plus en plus difficile de devenir professionnel. Et j’avais arrêté mes études. Dans l’éducation donnée par mon père, il était hors de question que je reste à la maison sans rien faire, sachant que le foot ne me permettait pas encore de vivre correctement. Sans aller jusqu’à dire que c’était une obligation, vu mon éducation, c’était logique d’aller travailler. J’ai donc intégré l’entreprise de mon père pendant un peu plus d’un an.

Sur les conseils de votre coach de l’époque, c’est bien ça ?
Oui, André Blanc, le coach qui m’a lancé en CFA à Hyères m’avait encouragé à faire ce choix. Il m’avait dit que ça allait m’endurcir et me faire prendre en maturité. A ce moment-là, je ne comprenais pas trop ce qu’il me racontait. Paradoxalement, alors que je pensais avoir moins d’énergie sur le terrain à cause du travail, j’ai réalisé ma meilleure saison en CFA, celle qui m’a permis de décoller. Et en fin de saison, j’ai reçu une proposition pour aller en National, à Boulogne-sur-Mer. Ce n’est pas exactement ce que j’attendais mais j’ai pris le risque. Je suis parti loin de chez moi, loin de mon cocon familial, pour essayer de réussir dans le foot. Aujourd’hui, je crois que je peux dire que c’était le bon choix.

En janvier 2019, vous rejoignez l’Union Saint-Gilloise, en D2 belge...
Il faut savoir que j’avais refusé de les rejoindre six mois auparavant. Je venais de finir champion de National avec le Red Star et donc de monter en Ligue 2 BKT. J’allais enfin découvrir le monde professionnel. Je ne me sentais pas de partir à l’étranger et je voulais voir ce que valait cette Ligue 2 qui était mon rêve de jeunesse, donc j’ai refusé l’offre. Derrière, suivent six mois difficiles, autant sur le plan collectif que personnel. On jouait le maintien, ce n’était pas passionnant et je vivais assez mal cette situation. L’enchaînement des défaites, les changements de coach, l’ambiance… C’était très difficile et je prenais beaucoup moins de plaisir.

Et ensuite ?
J’ai eu la chance que l’Union revienne à la charge en janvier. Depuis l’été précédent, j’avais évidemment suivi leurs résultats et j’avais vu qu’ils avaient battu Genk et Anderlecht pour se qualifier pour les demi-finales de la Coupe de Belgique. Le projet que les dirigeants m’avaient présenté six mois auparavant, et auquel je n’avais pas cru, était bel et bien solide. Quelque chose était en train de se créer. Ils ne m’avaient pas vendu du rêve donc je les ai écoutés à nouveau et, cette fois, je me suis lancé. Je n’étais pas très serein car, même si ce n’est « que » la Belgique, j’allais changer de pays et découvrir un nouveau championnat. Finalement, ça a été le meilleur choix de ma carrière puisque, pour l’instant, c’est en Belgique que j’ai passé mes plus belles années.

« Le brassard m’a permis de m’aider à me contenir »

A cette époque, l’équipe était coachée par Luka Elsner, un entraîneur dont vous allez recroiser la route cette saison lorsque vous affronterez Le Havre. Quelle a été son importance dans votre belle histoire en Belgique ?
Il a été un élément essentiel dans ma venue à l’Union. J’avais eu une longue conversation avec lui car je ne voulais pas arriver dans un club où le coach ne connaissait pas mes qualités ou mon fort tempérament (sourire). Je voulais que le coach sache qui je suis et, après ce coup de fil, j’ai compris que c’était un passionné et qu’il me voulait pour ce que j’étais capable d’apporter à son équipe. On n’a pas pu travailler ensemble très longtemps mais c’était un entraîneur très professionnel dans tout ce qu’il faisait et déterminé. Je peux aujourd’hui le comparer à Will Still. Ce sont des jeunes coachs déterminés, passionnés, qui veulent apprendre et grandir en même temps que leurs joueurs.

Qu’est-ce qui a fait que vous avez réussi à trouver cette stabilité à l’Union ?
Comme je suis arrivé avec le statut de joueur important, je me suis rapidement installé dans l’équipe. En Belgique, j’ai aussi découvert un football plus attractif que ce que j’avais pu connaître par le passé. C’était un football beaucoup plus ouvert, avec plus d’actions, plus de buts, et je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai appris à aimer le football à nouveau mais presque. Comme j’étais dans une phase où je prenais beaucoup moins de plaisir avec le Red Star, j’ai retrouvé une dynamique positive en Belgique. Le championnat correspondait au football que j’aime, ce qui m’a permis de m’y épanouir à 100%.

Vous commencez même à devenir capitaine de l’équipe à la fin de la saison 2019/2020 avant de pleinement l’être la saison suivante. Qu’est-ce que vous a apporté ce nouveau rôle ?
De la sagesse. Avant cela, comme je suis un peu sanguin et « foufou », même si j’avais un rôle de leader, il n’y avait rien qui me « tenait en laisse » pour éviter de franchir la limite. Le brassard m’a permis de m’aider à me contenir et de savoir gérer un peu mieux mes émotions car, en tant que capitaine, on se doit de tenir le navire et non de le faire couler. Au début, ce n’était pas facile, il a fallu que je commette quelques erreurs pour apprendre.

Qu’est-ce que vous entendez par là ?
Il suffisait qu’on perde ou que les choses ne tournent pas dans le bon sens pour que je sorte de mon match. Je devenais donc encore plus nul que le reste de l’équipe et, au lieu de l’aider, je la faisais couler. En ayant le brassard, j’ai appris que lorsque les choses n’allaient pas dans mon sens, c’était à moi de sortir la tête de l’eau et de tout faire pour retourner la situation. Petit à petit, j’ai pris goût à ce rôle et j’ai réussi à devenir le capitaine que l’Union attendait.

« Quoi que je fasse, je veux être le meilleur »

Vous responsabiliser a été une très bonne idée…
Bien sûr ! Je n’attendais que ça. J’ai toujours eu cette âme de leader et j’ai souvent été capitaine dans les catégories de jeunes. C’est un rôle qui m’a toujours plu et rendu fier. Ce n’est pas juste pour faire le beau sur les photos ou dire que je suis capitaine, c’est vraiment quelque chose qui compte à mes yeux. De toute façon, plus on me donne de responsabilités, meilleur je suis. C’est vraiment ce dont j’avais besoin.

Vous vous êtes aussi découvert des qualités de buteur et de passeur ?
(Rires) C’était dû au championnat qui était beaucoup plus ouvert, avec beaucoup de transitions et d’actions. En quatre ans et demi, si j’ai fait quatre matchs nuls 0-0, c’est un miracle. Il y avait tout le temps des buts, des buts, des buts… Donc, automatiquement, je me suis retrouvé à marquer plus souvent et à faire plus de passes décisives.

Vous avez parlé à plusieurs reprises de votre personnalité. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos principaux traits de caractère ?
Je dirais que tout tourne autour de mon côté mauvais perdant. Je veux gagner tous les matchs, que ce soit des amicaux, du championnat ou de la coupe. C’est ce que j’ai envie de transmettre dans chaque club où je passe. Quand j’étais à l’Union, peu importe ce qu’il y avait au bout, je voulais gagner et je pense que j’ai réussi par finir à l’inculquer aux autres. Je peux même dire que c’était devenu notre force car lorsqu’on est arrivé en Europa League, personne ne nous voyait prendre un point, mais, moi, je ne cessais de répéter qu’on allait jouer tous les matchs pour les gagner, que ce soit Barcelone ou une autre équipe en face. Au final, ça nous a quand même menés jusqu’en quarts de finale. Mon caractère, c’est ça : la gagne ! Je ne dis pas qu’on va être champion avec Reims mais, que ce soit Paris ou un mal classé, je veux gagner. Même quand je joue contre l’Angleterre ou l’Italie avec Malte, qui reste une petite nation, j’attaque le match pour m’imposer. Après, ça ne se passe pas toujours comme j’ai envie, et c’est quelque chose que j’ai du mal à accepter.

C’est-à-dire ?
Même si je perds contre beaucoup plus fort, je vais avoir du mal à l’accepter. La défaite est difficile à vivre pour moi. Pour en revenir à la saison où on jouait le maintien avec le Red Star et où on enchaînait les défaites, c’était frustrant et ça me rendait malheureux. C’était plus fort que moi mais c’était quelque chose que je n’acceptais pas. Heureusement, j’ai appris et j’ai beaucoup mûri sur ce point, mais ça fait toujours partie de moi. Par exemple, si on fait une partie de cartes et que je perds, je ne vais pas tout casser bien évidemment, mais c’est sûr qu’en rentrant chez moi, je vais aller m’entraîner pour ne pas perdre la prochaine fois. C’est dans ma nature. Quand j’étais chauffeur-livreur, c’était pareil. Je ne me contentais pas seulement de livrer, je voulais être le meilleur. Quoi que je fasse, je veux être le meilleur. Attention, je ne dis que pas que je suis le meilleur au foot mais je mets tout en œuvre pour être le meilleur.

« J’ai fini par ressentir ce besoin de m’exprimer »

Justement, comment ça se traduit dans votre quotidien de footballeur ?
S’il y a un match où j’arrive face au gardien et que je perds mon face à face, vous pouvez être sûr que la semaine suivante, je vais faire un spécifique avec le gardien. Dans ma tête, si je n’ai pas réussi, ce n’est pas normal et je ne vais pas quitter le terrain avant d’avoir réussi. J’ai des tonnes d’exemples. Quand j’étais petit, je jouais à la pétanque face à mon père et j’avais du mal à le battre. Résultat : je passais tout l’après-midi, jusqu’à peut-être 21 heures, à tirer des boules pour progresser. C’est ma façon d’être.

Vos prises de parole dans le vestiaire étaient souvent mises en avant sur les réseaux sociaux de l’Union. Comment est-ce venu ?
Je ne suis pas quelqu’un qui parle beaucoup dans le vestiaire et, avant l’Union, je ne prenais pas la parole mais là-bas, c’est venu naturellement. Avant le match ou pendant l’échauffement, je laissais les coachs adjoints ou certains joueurs parler, j’aimais bien entendre ce que tout le monde avait à dire, sentir l’atmosphère et la concentration monter. Mais quand on se réunissait tous avant de sortir pour le coup d’envoi, j’ai fini par ressentir ce besoin de m’exprimer. Puis, j’ai vu que mes coéquipiers m’écoutaient, que ça avait un impact et que certains me confiaient même que j’avais bien fait de prendre la parole à ce moment-là. J’ai alors tenu ces discours de plus en plus souvent, jusqu’à ce que ça devienne une habitude.

Quand on prend la parole aussi souvent, comment fait-on pour renouveler son discours ?
C’est sûr que chaque semaine, il faut être capable de tenir un discours différent mais toujours aussi prenant. C’était mon petit travail supplémentaire de la semaine. J’essayais de m’inspirer de l’adversaire ou de ce que j’avais pu voir lors des entraînements pour motiver les troupes. Les petites choses du quotidien pouvaient aussi me donner des idées, les blessures de certains notamment. Je parlais avec ma manière d’être. Je pouvais tenir des propos forts ou utiliser des gros mots. C’est pour cela que je n’aimais pas trop que ça sorte sur les réseaux car je pouvais dire qu’on allait jouer des pipes. Ce n’est pas que je manquais de respect aux adversaires mais c’était un discours qui avait pour but de motiver mes coéquipiers, dans le vestiaire, et hors contexte, ça pouvait peut-être surprendre. Pour l’anecdote, j’ai vu que mon ex-coéquipier Anthony Moris a récupéré le brassard à l’Union et avant le premier match de la saison, contre Anderlecht, il a prononcé un discours d’avant-match. Ça veut peut-être dire que j’ai inspiré d’autres joueurs, ça fait plaisir.

Vous vous souvenez d’un discours en particulier ?
Avant un match de Ligue des champions, j’avais un peu fait le buzz. J’avais motivé le groupe en parlant de mon passé de chauffeur-livreur et ça avait beaucoup été repris. C’est un point que j’avais évoqué car je n’étais pas le seul avec un parcours atypique, à avoir travaillé et à avoir connu un monde différent de celui du football. Je voulais rappeler à l’équipe qu’on allait jouer un barrage de Ligue des champions, qu’on n’avait pas de pression à avoir, qu’on n’avait rien à perdre, et qu’on devait réaliser la chance qu’on avait d’être là. L’idée, c’était : « Regarde où tu étais et regarde où tu es maintenant ». Au final, on a gagné ce match 2-0, je ne dis pas que c’est grâce à mon discours mais voilà… (rires).

« Will Still avait besoin d’un petit teigneux qui casse un peu les couilles sur le terrain »

En plus de ce statut de capitaine, vous aviez le rôle d’ambianceur du vestiaire…
C’est ma façon d’être encore une fois. J’aime parler et rigoler avec tout le monde, que ce soit avec mes joueurs, les intendants ou les cuisiniers. Je suis quelqu’un d’ouvert. Je ne voulais pas être un capitaine trop strict. Je voulais être le capitaine dont j’avais toujours rêvé. J’étais tout simplement moi. Je pouvais arriver dans le vestiaire avec de la musique et en faisant des blagues, je n’étais pas là à donner des ordres. J’aimais que mon vestiaire vive, qu’il y ait de l’ambiance à table et que tout le monde rigole ensemble. Les jours de match, je n’allais pas dire que je ne voulais pas un bruit et de la concentration, je laissais les joueurs rigoler et discuter.

Vous pouviez proposer des activités en dehors des entraînements ?
Complétement. Quand on faisait les stages d’été et qu’il fallait organiser la soirée d’intégration, je m’occupais de tout. Je faisais en sorte que tout soit carré, je réservais les taxis, les carrés VIP pour qu’on soit qu’entre nous car, je l’ai appris au fil de ma carrière, le plus important, c’est que le groupe crée des liens, et des véritables liens. Comme on passe plus de temps ensemble qu’avec notre propre famille, c’est très important de créer de la cohésion. Pour faire une bonne saison, la base, c’est d’apprendre à s’aimer et à vivre ensemble.

En vous écoutant, vous semblez très attaché à ce rôle de capitaine. Est-ce un objectif à moyen terme d’hériter du brassard au Stade de Reims ?
Pourquoi pas ! Ce n’est pas quelque chose que je veux absolument, je ne vais pas tout faire pour l’avoir, car si ça doit se faire, ça se fera naturellement. Je suis arrivé ici en ayant un statut de joueur important et de leader mais on a un très bon capitaine avec Yunis Abdelhamid, je n’ai aucun problème avec ça. Après, lorsqu’il s’arrêtera, peut-être que ce sera mon tour. Si je peux faire comme lui, c’est-à-dire jouer jusqu’à 37 ans, être toujours au Stade de Reims et être le capitaine respecté qu’il est, je signe tout de suite.

Vous avez parlé à plusieurs reprises de votre capacité à être un leader. Mais quelles sont les attentes de Will Still à ce sujet ?
Comme je l’ai dit au début, il attend que j’apporte mon vice et mon expérience ! D’ailleurs, Will Still a pour habitude de présenter à l’équipe pourquoi il a recruté ce joueur. Quand est venu mon tour, il a montré mes qualités techniques, mon apport sur les coups de pied arrêtés, puis il a surtout mis en avant mon autre facette… Il y avait une vidéo où, pour le dire poliment, on me voyait râler (sourire). On voyait mon côté vicieux et hargneux, où je mettais le tampon qu’il fallait et où j’allais parler avec l’arbitre. Il a expliqué que c’était ce qu’il avait besoin d’ajouter au groupe. Il veut que j’amène cette énergie à cette équipe qui est très jeune et qui a besoin d’apprendre. Donc, Will m’a pris aussi parce qu’il avait besoin d’un petit teigneux qui casse un peu les couilles sur le terrain (éclat de rire).

« J’ai fini par découvrir que j’avais un bon pied gauche »

Pour revenir au terrain, vous pouvez occuper différents rôles dans l’entrejeu mais quel est celui où vous vous sentez le mieux ?
Je dirais milieu relayeur, numéro huit. Lors de ma dernière saison à l’Union, on jouait avec un six et deux huit. J’aimais beaucoup. J’avais un rôle d’électron libre quand on avait le ballon. J’aime beaucoup toucher le ballon et si je me retrouve dans une zone fixe, sans trop le toucher, je vais avoir tendance à dézoner. Quand je suis électron libre, surtout offensivement, je peux réussir à créer des décalages et des déséquilibres en dézonant. Je ne me catégorise pas comme milieu offensif, je pense que je suis davantage un milieu « complet », capable d’attaquer et de défendre. Je fais un peu tout mais je ne suis pas super fort dans tout (éclat de rire). Je ne suis pas lent mais je ne suis pas rapide, je ne suis pas le plus technique mais j’ai une bonne base, je ne suis pas le meilleur défenseur mais je sais défendre, je sais aussi faire un pressing et je suis capable de mettre de l’impact… C’est pour ça que je dis que je peux jouer à tous les postes au milieu. Je peux jouer 10 et créer du jeu, jouer et défendre, mais ma meilleure version, c’est quand je suis milieu relayeur.

A la suite de ce passage en Belgique et au-delà de votre côté de leader, peut-on dire aujourd’hui que vous êtes un joueur qui pense le jeu pour les autres ?
Oui, oui, oui ! Je pense ! Honnêtement, si mes amis d’enfance venaient jouer avec moi, ils ne reconnaîtraient pas le Teddy d’aujourd’hui. Avant, j’étais un joueur vraiment agressif, un milieu récupérateur pure souche. Je courais des kilomètres et des kilomètres, je grattais énormément de ballons mais sur les 10 ballons que je récupérais, j’en perdais neuf malheureusement. Sauf qu’au fil de mes saisons en pro, j’ai fini par découvrir que j’avais un bon pied gauche. Et j’ai commencé à prendre beaucoup plus de plaisir avec le ballon qu’à courir sans. Au final, tout en essayant de garder mon côté récupérateur et agressif, j’ai étoffé ma palette en y ajoutant la technique. C’est pour ça qu’aujourd’hui, je suis davantage catégorisé comme un joueur technique, un meneur de jeu, qu’un vrai récupérateur.

Quand a débuté cette transformation ?
Le déclic, ça a été au Red Star. J’étais un bon joueur de National à Boulogne-sur-Mer puis j’ai réellement explosé au Red Star. A la fin de la saison, j’ai terminé dans les meilleurs joueurs du championnat et j’ai été nommé dans l’équipe-type. C’est l’année où j’ai pris confiance en moi et où j’ai compris qu’en étant plus offensif, je serais plus dans la lumière. C’est aussi grâce à Régis Brouard. Quand j’ai signé là-bas, il est venu me voir en me disant : « Tu es gaucher ? » Quand je lui avais répondu oui, il avait enchaîné : « Ok, à partir de maintenant, c’est toi qui vas tirer tous les coups de pied arrêtés. » Avant le Red Star, je tirais parfois mais je n’étais pas un spécialiste.

« Il était temps de montrer ce que Teddy Teuma est devenu »

Est-ce quelque chose que vous avez beaucoup travaillé ?
Oh, ça a été beaucoup de travail ! On va en revenir à mon caractère. Lorsque Régis m’a confié la responsabilité de tirer les coups de pied arrêtés, je savais les tirer mais je ne pensais pas au fait de devenir un spécialiste, sauf qu’à partir de ce moment-là, je me devais d’avoir des bonnes statistiques. Il fallait donc travailler, travailler, et tout faire pour que ça devienne une arme. Aujourd’hui, je suis encore loin d’être parfait dans ce domaine mais j’ai passé des heures et des heures à travailler avec Régis Brouard. Il m’a beaucoup aidé sur la prise d’élan et la façon de frapper le ballon.

Et derrière ?
Je n’ai plus lâché les coups de pied arrêtés. Quand je suis arrivé à l’Union, j’ai directement dit que je voulais les tirer. J’y avais tellement pris goût que c’était une responsabilité que je ne voulais plus lâcher. Ce n’est pas que je voulais me la jouer ou vouloir des stats mais j’étais certain d’apporter quelque chose. On venait de terminer champion de National avec le Red Star et j’avais terminé avec sept ou huit passes décisives, quasiment toutes sur coups de pied arrêtés…

Vous rêviez de montrer toute cette progression en Ligue 1 Uber Eats ?
Je ne sais pas quoi dire… Si je dis oui, on va me dire que je suis un menteur car il y a quelque temps, j’ai dit que je ne voulais pas revenir en France… La vérité, c’est que pour quitter le confort que j’avais à l’Union, où j’étais capitaine, où on avait de bons résultats, où on jouait le titre tous les ans, il me fallait un vrai challenge. Et quand je me demandais : « Qu’est-ce qui me ferait quitter l’Union ? Qui pourrait me proposer un meilleur projet ? », j’ai vite fini par comprendre qu’il me manquait la Ligue 1 Uber Eats. Mais est-ce que j’avais envie de revenir en France ? Sur le coup, non. Honnêtement, je n’avais pas prévu de revenir car j’étais épanoui en Belgique. Mais quand Reims est arrivé, tous les feux étaient au vert : le projet, le coach, le club… Là, je me suis dit qu’il était peut-être temps pour moi de quitter l’Union, d’enfin découvrir la Ligue 1 Uber Eats et de montrer ce que Teddy Teuma est devenu. Mais je ne suis pas venu ici simplement pour ça, je suis avant tout là pour continuer à progresser et pour aller encore plus haut si possible.

« Je n’étais jamais allé à Malte »

Vous êtes également international maltais...
Je savais que ce sujet arriverait (éclat de rire). Je vais dire la vérité : la fédé m’a contacté pour savoir si j’avais des origines maltaises et je leur ai répondu que je n’en avais pas connaissance. Là, ils m’ont assuré le contraire. Ils avaient remonté tout mon arbre généalogique et ils avaient trouvé que le grand-père de mon grand-père était maltais. Ça m’intéressait de devenir international et je n’allais pas m’inventer une vie, je savais que je n’allais jamais être appelé en équipe de France donc pourquoi pas Malte ? Ça allait me permettre de faire des beaux matchs et je sentais que les dirigeants maltais me voulaient vraiment. La plupart des internationaux maltais jouent au pays, à un niveau équivalent au National 1 ou 2 ici, donc récupérer quelqu’un comme moi, qui joue au haut niveau, c’était magnifique.

Comment cela s’est concrétisé ?
C’est vrai qu’au moment des premiers contacts, je me disais : « C’est bien beau mais on fait comment ? » Les dirigeants maltais m’ont expliqué qu’il ne fallait pas qu’il y ait plus de deux générations d’écart pour obtenir la double nationalité. Donc, mon grand-père a fait la demande et une fois qu’il a eu les papiers, ils se sont occupés de faire les miens. Ils ont fait ça en quelques mois et mon histoire avec la sélection a débuté.

Qu'en a-t-il été de votre intégration ?
Au début, je pensais que j’allais être mal vu, mais finalement, ils me considèrent comme une véritable légende, donc je suis hyper fier. Mon intégration a été parfaite. Pourtant, j’appréhendais car je ne parlais ni anglais ni maltais et je n’étais même jamais allé là-bas. Je pensais que tout le monde allait dire : « Qu’est-ce qu’il veut lui ? Il vient faire quoi ? Il se croit en vacances ? » Mais ça n’a pas du tout été le cas. Ils ont vite compris que j’étais là pour apporter mon aide, être un leader et gagner des matchs. J’ai aussi pris des cours d’anglais pendant un an et demi pour pouvoir m'impliquer encore plus.

« Luka Modrić m’a donné une leçon d’humilité »

Au fond, ça doit aussi être un vrai bonus pour votre progression de pouvoir participer à tous ces matchs internationaux…
C’est incroyable ! Tout le monde pense que je joue là-bas pour m’offrir des vacances mais ça m’a fait progresser de dingue ! Je ne parle pas que footballistiquement, je parle aussi humainement. On entend souvent que le foot, c’est à 70 ou 75% dans la tête, mais si vous saviez l’expérience que j’ai emmagasinée avec Malte, c’est incroyable. J’ai joué contre l’Angleterre, l’Italie ou encore la Croatie de Luka Modrić. D’ailleurs, j’ai une anecdote !

Laquelle ?
On joue contre Andorre et un joueur me demande mon maillot. Je lui réponds que ce n’est pas que je ne veux pas mais je l’ai déjà promis à un ami qui était venu me voir en tribune. Le joueur me répond qu’il n’y a pas de problème et je le donne à mon ami. Le week-end suivant, on joue la Croatie et je demande à Luka Modrić son maillot. Il me le donne et prend le mien en retour. On a perdu 3-0 mais c’était le plus beau jour de ma vie. J’étais trop content et trop fier d’avoir récupéré le maillot de Modrić. Puis, d’un coup, j’ai eu retour d’humilité et j’ai repensé au joueur auquel je n’avais pas donné mon maillot une semaine plus tôt. Je me suis dit que je ne refuserais plus jamais de donner mon maillot à un adversaire qui me le demandait. Ça peut paraître bête mais Luka Modrić n’avait aucun intérêt à échanger son maillot avec moi et pourtant, il me l'a donné de bon cœur et m’a même demandé le mien. Donc, depuis ce jour-là, je ne refuse plus. Contre Andorre, je n’ai rien fait de mal mais je me dis que mon pote aurait pu attendre alors que le joueur, je ne le recroiserai peut-être plus. C’était une leçon d’humilité.

Où placez-vous les moments vécus avec l’équipe de Malte ?
Ce que j’ai vécu à l’Union reste au-dessus car j’ai vraiment vécu des trucs de fous mais j’ai de très bons souvenirs avec la sélection maltaise malgré toutes les défaites (19 en 31 sélections). Vu que c’est un tout petit pays, tous les joueurs jouent ensemble depuis très longtemps et se suivent depuis les catégories de jeunes, donc c’est une vraie bande de copains, une vraie famille. C’est agréable à vivre. Et puis, ça me correspond bien car je suis un peu un homme de défi. Je ne sais pas si on peut dire ça car si on me pose la question, j’ai envie de répondre que ce n’est pas le cas, mais quand on regarde ma carrière dans le détail, oui, ça résume plutôt bien la chose. Je suis là pour défier les défis. Je suis surtout là pour ne me fixer aucune limite.