Interview

Kévin Gameiro : « Pour un n°9, la confiance ne vient pas avec des passements de jambes »

Kévin Gameiro : « Pour un n°9, la confiance ne vient pas avec des passements de jambes »

Interview
Publié le 23/11 à 09:21 -

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A 36 ans, Kévin Gameiro est le symbole du vrai n°9 « à l’ancienne ». Avant la venue de l’OM samedi, un entretien 100% sur ce poste avec le Strasbourgeois aux 97 buts en Ligue 1 Uber Eats.

Avez-vous toujours évolué au poste de n°9 ?
Le plus souvent oui, à part une ou deux saisons à Chantilly (avant d’arriver à Strasbourg à 17 ans, en 2004). Quand l’entraîneur voulait me mettre sur un côté pour jouer en 4-3-3 avec un grand devant. J’ai dû m’excentrer.

Est-ce que porter ce n°9 a une importance particulière pour vous ?
Absolument. D’abord parce que je suis né le 9 mai. Cela a été une évidence pour moi de l’avoir pour cette raison et aussi pour mon poste sur le terrain. Mon image du n°9 est celle d’un joueur comme moi ; avant tout efficace devant le but.

Avez-vous toujours eu ce sens du but et l’adresse qui l’accompagne ?
C’est le fruit d’un travail, des heures d’entraînement avec des répétitions face au but. Même si je n’étais pas maladroit, il m’arrivait tout de même de rater des occasions quand j’étais jeune. Le travail est d’ailleurs à mon avis ce qui me caractérise le mieux. A mes débuts, ils n’étaient pas nombreux à me prédire une belle carrière.

« Mario Yepes me mettait des taquets »

D’où vous est venue cette attirance pour ce poste ?
Depuis tout petit, mon idole était Jean-Pierre Papin. Après lui, il y a eu Ronaldo, puis Simone et Pauleta, parce que j’étais un grand fan du PSG. Ce sont eux qui m’ont donné envie de marquer beaucoup de buts et donc de me tourner vers ce poste. Et du fait de ma taille (1,72m), c’était aussi plus facile pour moi d’être devant. Et comme j’allais aussi assez vite…

D’avoir affronté votre club de cœur pour votre première en Ligue 1 Uber Eats a dû être un moment très particulier de votre carrière.
Je me souviens de Mario Yepes qui me mettait des taquets (rires). Mais oui ça reste un bon souvenir d’avoir eu la chance de rentrer au Parc pour mon 1er match en pro devant toute ma famille et mes amis.

Et aujourd’hui, dans quel domaine travaillez-vous le plus à l’entraînement ?
Ça reste bien évidemment devant le but. Quand on est attaquant et surtout n°9, ce qui vous donne de la confiance c’est de marquer, pas de faire des passements de jambes ou des belles passes…J’ai en exemple ma première titularisation avec Strasbourg à la Meinau (en janvier 2006 contre Nancy en Coupe de France). Pendant une mi-temps j’avais été nul et j’ai eu la chance de marquer deux buts de la tête qui m’ont donné tellement de confiance que tout est ensuite devenu plus fluide.

Lors de la préparation des matchs, analysez-vous spécialement les gardiens et les défenseurs que vous allez affronter ?
Je le fais plutôt avec les gardiens. C’est depuis mon passage à Séville (2013-2016), où l’entraîneur des gardiens préparait des petites vidéos pour les attaquants. Elles étaient spécifiques sur le gardien adverse du match à venir, que ce soit sur les pénaltys, sur sa façon de sortir sur les duels, ses forces et ses faiblesses. Une habitude que j’ai conservée avec les années.

« Mamadou Niang m’avait pris sous son aile »

Avec quel joueur avez-vous eu le meilleur feeling depuis le début de votre carrière ?
Il y en a deux avec Lorient : Marama Vahirua et Morgan Amalfitano. Ce sont eux qui m’ont permis de rapidement progresser et de prendre une dimension internationale. Car c’est à Lorient que j’ai connu l’équipe de France (13 sélections et 3 buts). Avoir pu compter à mes côtés sur des joueurs aussi talentueux a été un gros avantage. Il y avait juste à courir et à regarder devant le but et je savais que le ballon allait arriver. Et il y a aussi avec Antoine (Griezmann) à l’Atlético. Nous n’avions pas besoin de le travailler, c’était inné. Rien qu’en se regardant, on savait quoi faire.

Au contact de quel attaquant avez-vous le plus appris sur votre poste ?
A Strasbourg lors de mes premières saisons avec Mamadou Niang, qui m’avait pris sous son aile, Danijel Ljuboja et Micka Pagis. Ce sont de très grands joueurs qui m’ont beaucoup apporté en étant à leur contact.

Quel est votre geste préféré sur le terrain ?
J’aime bien les premières touches de balle, marquer en une touche, les volées…quand tu vois le ballon arriver et que tu sens que tu vas le mettre au fond des filets. Ça c’est ce que j’aime ! Soit ça sort du stade (rires)… soit ça finit en lucarne ! Un peu comme celle marquée contre l’OM la saison dernière ! (2-2, J13).

Parmi vos 97 buts inscrits en Ligue 1 Uber Eats, lequel est le plus beau à vos yeux ?
Un but avec Lorient à Monaco (février 2011). Je me souviens avoir fait un appel en profondeur, mais je ne sais plus qui me la met (Amalfitano), et je la reprends directement sans contrôle à l’entrée de la surface pour une volée en pleine lucarne. Ensuite, il y a aussi mon premier but en Ligue 1 Uber Eats, à Lens (février 2006). Un moment qui restera gravé, même si après on m’a arraché la cheville…

« Il est très rare de voir des n°9 plantés devant à attendre le ballon »

Vous nous disiez que Jean-Pierre Papin était votre idole d’enfance. Vous l’avez connu comme coach au Racing en 2006/07. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était un exemple de travail. Lorsque l’on restait à la fin des entraînements, même lui participait pour les exercices devant le but. D’ailleurs je me souviens qu’il gagnait souvent quand on pariait sur les exercices de centre-volée ! Il faisait encore des « Papinades », prenait bien ses ballons : le voir faire me donnait envie de le reproduire avec la même réussite.

Vous qui avez le profil parfait du n°9, comment voyez-vous l’évolution du poste ces dernières saisons ?
Auparavant, l’avant-centre participait très peu au jeu, mais il devait être très performant dans la surface. C’était un « tueur ». Maintenant, ce style de joueur a un peu disparu. Même pour moi, les choses ont évolué, puisque je décroche davantage. Je m’adapte au foot moderne. Aujourd’hui, il est très rare de voir des n°9 plantés devant à attendre le ballon. Ce sont même les joueurs de côté qui viennent jouer à ce poste. Désormais, le n°9 doit participer au jeu et défendre. A une époque, on avait bien moins à le faire.

« C’est toujours embêtant de ne pas marquer »

Justement avec Patrick Vieira, vous êtes moins dans votre registre habituel de pur buteur.
Cette saison, j’ai un rôle différent. Je suis un peu plus en retrait, comme un 9 et demi-10, pour servir mes coéquipiers. Même si j’ai toujours été un 9, je n’en demeure pas moins altruiste. S’il y a une passe à faire plutôt que de tirer pour faire gagner mon équipe, je la fais à chaque fois.

Comment la relation se passe-t-elle avec les plus jeunes attaquants de l’équipe au RC Strasbourg Alsace ?
L’entente est bonne entre nous tous. Je suis toujours là pour apporter des conseils, comme sur le placement ou pour dire d’être plus tranquille face au but. Avec Emanuel (Emegha) c’est parfois un peu plus compliqué, car il ne parle pas encore bien français, mais il fait beaucoup d’efforts pour discuter avec nous. Je suis aussi là pour les bousculer, car j’ai envie de jouer tous les week-ends. Je suis un compétiteur. Et pour le coach, c’est important d’avoir une concurrence entre ses attaquants. Les choix deviennent plus difficiles à faire pour lui. Du coup, à nous de bien travailler pour lui faire mal à tête !

Avec les années et l’expérience, gérez-vous mieux les périodes sans but comme actuellement en Ligue 1 Uber Eats ?
C’est toujours embêtant de ne pas marquer. J’espère qu’il arrivera le plus rapidement possible. S’il ne vient pas contre l’OM, il viendra les matchs suivants. Mais c’est vrai que j’y pense moins que par le passé. Avant, j’étais vraiment obsédé par le but et quand je ne marquais pas, j’étais frustré. Je suis plus serein par rapport à cette situation. Les gros matchs comme celui de samedi contre Marseille sont toujours excitant, surtout pour la communion avec le public. Donc ça serait un grand plaisir de pouvoir faire à nouveau trembler les filets de la Meinau.

Fiche de Kévin Gameiro

Le saviez-vous ?

S’il joue face à l'Olympique de Marseille, Kevin Gameiro deviendra le joueur avec le plus grand écart entre son 1er (10 septembre 2005) et son dernier match avec Strasbourg dans son histoire toutes compétitions confondues (18 ans et 76 jours), dépassant le record de Raymond Kaelbel (18 ans et 68 jours entre 1950 et 1969).