Interview

Romain Del Castillo : « Je ne m’interdis rien dans mes dribbles »

Romain Del Castillo : « Je ne m’interdis rien dans mes dribbles »

Interview
Publié le 14/02 à 16:38 -

Partager

Avant l’affiche de dimanche (20h45) contre l’OM en Ligue 1 Uber Eats, le Brestois Romain Del Castillo nous raconte son goût du dribble, de la dernière passe et son adresse sur pénalty. Entretien avec un joueur d’instinct.

Votre coach Eric Roy a dit à plusieurs reprises à votre sujet qu’il « faut être dur avec les joueurs de talent, sinon ils s’endorment ». Comment le prenez-vous ?
J’apprécie. C’est quelque chose de positif quand un coach attend plus d’un joueur. Il sait ce qu’il me faut pour me pousser vers le haut. Il peut me questionner sur mes prestations. Et il arrive que lorsque je réponds que ça a été dans l’ensemble, même si j’aurais pu faire plus, lui me répond carrément que ce n’était pas du tout ça…Donc ça peut me surprendre ! Mais c’est pour mon bien.

Est-ce un type de relation nouveau pour vous ?
Oui, c’est un peu plus poussé que ce que j’ai déjà pu connaître. Je crois que de façon générale, les coachs attendent toujours beaucoup des joueurs techniques. Donc, ce type de comportements avec des joueurs de mon profil est assez fréquent.

Cela semble en tous les cas avoir un effet positif sur vos performances.
Oui. Je me sens bien. C’est un tout. L’équipe tourne bien, tout le monde s’entend bien. Le coach me fait confiance. Ça aide aussi un peu de ne plus être blessé. Tout est réuni pour être à 100%.

Cette 4e place au classement change-t-elle le regard des autres équipes sur le SB29 ?
C’est clair que l’on nous regarde plus qu’avant. Être attendus nous demande d’élever notre niveau de jeu pour continuer notre marche en avant.

Même chose pour vous qui êtes le leader offensif de l’équipe ?
Individuellement, c’est vrai que j’ai un peu moins de temps que par le passé. Il peut même parfois y avoir une prise à deux. Tout cela est assez nouveau. Les équipes adverses nous craignent certainement davantage.

Avant de briller avec le Stade Brestois, vous avez notamment connu des expériences en Ligue 2 BKT. Que cela vous a-t-il apporté ?
Ça m’a donné confiance en moi. Je ne suis pas un joueur qui saute les étapes. Lorsque je suis sorti du centre de formation de l’OL, j’avais besoin de temps de jeu. Alors, je me suis dit que pour ma carrière il fallait que je passe par la Ligue 2 BKT. Après avoir fait une saison chez un promu (Bourg-en-Bresse), je suis monté avec Nîmes. J’ai alors pensé que c’était le bon moment pour passer un palier et aller en Ligue 1 Uber Eats. Donc dans ma carrière, j’y suis toujours allé progressivement.

« Il m’arrive de finir les matchs en constatant que je n’ai pas tiré une seule fois au but »

Cette saison, vous êtes à la fois le meilleur buteur (5 buts) et le meilleur passeur (4 passes) du Stade Brestois 29. Comment expliquez-vous que cela fonctionne aussi bien pour vous ?
On dit souvent que 27-28 ans, c’est l’âge de la maturité (Romain aura 28 ans le 29 mars). Peut-être que cela vient de ça…Cela arrive cette saison pour moi, tant mieux. J’essaye d’en profiter et faire que cela dure le plus longtemps possible.

Comment voyez-vous votre rôle au sein de cette attaque ?
Je suis là pour faire le lien entre le milieu et les attaquants. Il m’arrive de jouer sur le côté ou de me recentrer pour créer ce lien. Je viens pour apporter la dernière passe, aider à terminer les actions. Je me sens bien dans ce registre. Le coach me donne beaucoup de liberté quand nous avons le ballon. Je peux aussi permuter avec Matthias (Pereira Lage) ou Jérémy (Le Douaron).

Vous n’êtes en revanche que le 5e joueur de l’équipe au nombre de tirs tentés. Est-ce un domaine dans lequel vous souhaitez progresser pour devenir encore plus décisif ?
Totalement. Il m’arrive de finir les matchs en constatant que je n’ai pas tiré une seule fois au but. Donc en effet, c’est un vrai axe de progression que j’ai identifié. Je dois davantage tenter ma chance, essayer de me mettre plus souvent dans des positions de frappes.

Comment le travaillez-vous ?
La semaine dernière contre Nice (0-0), j’ai revu à la vidéo que sur un de mes tirs le défenseur adverse me tournait le dos. Et là, je me dis que j’aurais dû feinter. Ce temps d’arrêt, la petite seconde nécessaire qui permet de faire le bon geste, est une chose qui peut être améliorée. La finalité est d’avoir la lucidité pour réaliser le bon geste, que ce soit la passe, le dribble ou le tir. Ce sont ces détails qui font la différence.

« J’ai toujours aimé dribbler »

A la création vous faites partie des tops joueurs de Ligue 1 Uber Eats, n°2 au nombre de dribbles réussis, n°2 au nombre de dernières passes avant un tir. Comment êtes-vous parvenus à doubler vos stats par rapport à la saison passée ?
La confiance est déterminante chez un joueur. Je dirais que je me pose moins de questions avant de tenter un dribble ou une passe. La prise de risque se fait plus facilement lorsque l’équipe marche bien. Cette saison, nous avons la chance de prendre les matchs sans avoir trop la pression du résultat. Nous prenons énormément de plaisir en abordant les choses de cette façon.

Pouvez-vous nous parler de votre goût pour le dribble ?
J’ai toujours aimé dribbler. Quand j’étais petit avec les potes on jouait sur les « City stades », où les dribbles y sont omniprésents. Cela m’a aidé et je l’ai conservé avec les années.

Quelle place occupe le dribble dans votre jeu aujourd’hui ?
Je n’en fais pas une obsession. Si je peux faire une passe sans dribbler je la fais sans aucune hésitation. Je ne me dis pas avant un match qu’il faut que je fasse des dribbles…Au contraire, faire une passe simple pour gagner du temps peut s’avérer plus efficace. Ce qu’il faut, c’est jouer le plus juste possible. Par contre, si le dribble s’impose, j’y vais. Je relève souvent dans les commentaires à la TV des critiques envers les dribbleurs. Mais parfois, c’est le geste qu’il faut faire ! Il ne faut pas brider les dribbleurs. Le plus important est de trouver le juste milieu, savoir mesurer la prise de risque.

Quelle est votre recette pour réussir un dribble ?
Le dribbleur est un joueur d’instinct. C’est rare que je me dise ce que je vais faire avant un dribble. Le ballon vient et je m’adapte instinctivement. Je peux aussi prendre en compte l’attitude du défenseur face à moi. Il y a des dribbles que l’on réalise plus que d’autres et pour lesquels la confiance est plus importante.

Observez-vous les autres dribbleurs pour vous en inspirer ?
Ça dépend des caractéristiques de chacun. Tous les joueurs ne peuvent pas faire les mêmes dribbles. Il faut jouer son foot, pas celui des autres. En ce moment, il y a le dribble de Barcola, celui qu’il fait pour passer à chaque fois sur le côté gauche. Même si moi, il me manque un peu de vitesse pour le réussir aussi bien. J’aimerais bien le faire celui-là.

« Le meilleur défenseur est Jean-Clair Todibo »

Adaptez-vous vos dribbles en fonction de vos adversaires ?
En regardant les matchs, on connaît tous les joueurs ; leurs forces et leurs faiblesses. Ce n’est pas que je m’adapte, mais je peux me dire selon qui j’ai en face de moi que je vais plutôt chercher à faire la différence sur mes petits appuis, plutôt que de pousser la balle pour le prendre de vitesse.

Cela peut-il aller jusqu’à refuser de dribbler face à certains adversaires ?
Je ne m’interdis rien dans mes dribbles. On peut toujours y arriver, comme avec un bon contrôle permettant de prendre le défenseur de vitesse. Les défenseurs de Ligue 1 Uber Eats sont très forts dans les un-contre-un et sont rapides, mais si un dribble est bien réalisé ça peut toujours bien fonctionner.

Quel défenseur vous impressionne le plus cette saison en Ligue 1 Uber Eats ?
Actuellement, le meilleur défenseur est Jean-Clair Todibo. Il est très fort dans toutes les situations, quand on reçoit le ballon dos au jeu ou dans la profondeur…Cette année, c’est le joueur qui m’impressionne le plus.

Vous êtes également un expert de la dernière passe. Comment vous y prenez-vous pour être performant ?
La dernière passe, c’est le coup d’œil et le travail des automatismes. Le haut niveau, c’est être le plus précis possible. Par exemple à Brest, nous avons de bons joueurs de tête avec Steve (Mounié) et Jérémy (Le Douaron). Je sais qu’ils aiment ça. Donc c’est notre jeu de mettre des ballons dans la surface. En créateur, je dois m’adapter aux points forts de mes coéquipiers et tenter de les mettre dans les meilleures conditions possibles. Et évoluer ensemble depuis longtemps aide à bien se connaître. Rechercher le pied gauche de Jérémy me vient désormais naturellement.

Retrouvez-vous ces mêmes automatismes sur les phases arrêtées ?
Les coups de pied arrêtés, je les tire surtout par rapport aux adversaires. Certains bloquent davantage que d’autres le premier poteau, d’autres le second…Des gardiens sortent aussi plus que d’autres sur cette phase de jeu. Donc avec eux, il va falloir mettre un ballon qui n’arrivera pas dans les six mètres.

« J’ai loupé mon premier pénalty avec Brest ! »

Une autre de vos qualités est la réussite sur pénalty (9/9 en Ligue 1 Uber Eats), comment devient-on tireur n°1 au SB29 ?
Ce qui est marrant, c’est que j’ai loupé mon premier pénalty avec Brest ! C’était contre Lens la saison passée (J1). Mais je crois que le gardien (Brice Samba) était avancé (en réalité, Medina est entré trop tôt dans la surface sur le tir), du coup je l’ai retiré et cette fois j’ai marqué. J’était remplaçant sur ce match, et comme les tireurs attitrés n’étaient plus sur le terrain, j’ai pris mes responsabilités. Et généralement, lorsqu’on en réussit un, la fois suivante on le tire à nouveau. Et comme je n’en ai pas raté depuis…

Est-ce un exercice que vous appréciez ?
J’aime cette sensation. Le moment où je pose le ballon, je prends mon élan pour avoir le bon nombre de pas et je lève la tête pour voir le gardien. Je fais toujours la même chose. D’abord, je ne regarde nulle part et ensuite je le regarde dans les yeux. Et dans ma course, je ne regarde que le ballon.

Avez-vous une technique pour vous concentrer avant de tirer ?
Je souffle un grand coup après avoir posé le ballon. Ensuite, j’essaye de me vider la tête. Mais autrement, je n’ai pas de technique particulièrement.

Quand décidez-vous de l’endroit où vous allez mettre votre ballon ?
C’est seulement quand un pénalty est sifflé que je commence à y penser. Sinon, je n’y pense pas avant ou pendant le match. Je ne me prends pas la tête. Si je marque, je sais que ça sera très bien pour l’équipe, mais si je le rate, l’équipe ne m’en voudra pas… Les pénaltys, ça passe ou ça casse !

Et vous arrive-t-il de changer d’avis au dernier moment ?
Si, ça m’est arrivé de changer d’avis pendant ma course d’élan. Contre Lorient la saison passée (mai dernier), juste avant de tirer, j’ai finalement choisi de la mettre à gauche. J’ai bien fait, car je pense que Mvogo l’aurait eu si j’étais resté sur ma première idée. Maintenant, il m’est difficile d’expliquer pourquoi j’ai fait ça…J’ai écouté mon instinct.

Analysez-vous les préférences des gardiens sur les pénaltys ?
Non, j’essaye de ne pas trop regarder les habitudes des gardiens. J’ai peur que ça me fasse perdre mon instinct. Si je sais qu’un gardien est plus fort à gauche et que dans le même temps mon instinct me dit de la mettre justement là, je risque de cogiter. Je me vide la tête pour faire le meilleur choix.

Donc avant dimanche et le match contre l’OM, vous n’allez pas vous renseigner sur Pau Lopez ?
Je l’ai regardé sur la séance de tirs au but en Coupe de France (défaite contre Rennes, 10-9 au tab). Je sais qu’il essaye de rentrer dans la tête du joueur, donc on verra bien comment ça passe si je me retrouve face à lui.

Fiche de Romain Del Castillo